Le sculpteur italo-brésilien Victor Brecheret (1894-1955), dont l’œuvre la plus fameuse s’intitule Monument aux drapeaux (1921-1953), à São Paulo, a vécu dans cette maison (qu’il avait dessinée en 1939) jusqu’en 1955, année de sa mort. En 1960, sa veuve, Juranda, a demandé au célèbre architecte brésilien Rino Levi d’en entamer la rénovation. Connu pour son style rationaliste tropical, l’architecte a modifié la disposition des pièces, créé un superbe balcon et un beau jardin avec une pergola sur l’arrière-cour. Il a également conçu toutes les ouvertures coulissantes ainsi que la cuisine équipée et les placards. Pour finir, il a meublé la maison avec des pièces qu’il a dessinées lui-même, en collaboration avec un célèbre studio de design de São Paulo, Branco & Preto.
Juranda a vécu dans cette maison jusqu’en 2015. En avril 2016, une fois la plomberie et l’électricité rénovées, les nouveaux locataires, Vivian Lobato, journaliste, et André Visockis, graphiste, l’ont investie et aménagée en s’inspirant de l’architecte paysagiste Burle Marx (1909-1994), accompagnés d’André Paoliello, un paysagiste installé à São Paulo qui travailla notamment sur la fameuse Casa de Vidro de Lina Bo Bardi (1914-1992). Mais Vivian et André ne sont pas de simples locataires. Ils ont créé en mars 2014 une entreprise de vente de mobilier du XXe siècle : Apartamento 61. « Au départ, nous ne voulions faire qu’un e-commerce, raconte André, et des boutiques éphémères ici et là. Cependant, nous avions pris l’habitude d’ouvrir notre appartement sur rendez-vous, uniquement les samedis. Une fois que nous avons emménagé dans la maison, nous avons continué les rendez-vous, puis nous avons officiellement ouvert nos portes le 7 août 2016. À cette occasion, tout le mobilier a été choisi par l’architecte Felipe Hess, connu pour ses grands projets inspirés du modernisme et pour sa passion des meubles modernes brésiliens. »
La clientèle ne vient donc pas par hasard et complète celle du site de vente. Aujourd’hui, Apartamento 61 compte avant tout parmi ses visiteurs des collectionneurs (du Brésil et d’ailleurs), des galeristes étrangers et des architectes. Près de 85 % des articles vendus sont vintage, car Viviane et André tentent d’intégrer à leur sélection quelques designers contemporains. Se côtoient donc des pièces modernistes de Lina Bo Bardi, Jorge Zalszupin, José Zanine Caldas, Rino Levi, Branco & Preto, Percival Lafer, Michel Arnoult, Hans Wegner et de quelques anonymes, et des créations de designers tels que les frères Campana, Bianca Barbato, Ricardo Graham, Guilherme Wentz, Rodrigo Almeida et Guilherme Torres.
Récup’ de pros
« Lorsque nous avons emménagé ensemble dans notre premier appartement, nous n’avions pratiquement rien, raconte André, parce qu’à l’époque je vivais dans un petit studio en ville, et Vivian, chez sa grand-mère. Or il était assez grand (environ 120 m2) et il a fallu que nous l’aménagions… C’est ainsi que nous avons commencé à récupérer des pièces vintage – d’où le nom de notre galerie, Apartamento 61, le numéro de cet appartement. Nous avons donc arpenté les vide-greniers, l’Armée du Salut, etc. »
Au fur et à mesure, le jeune couple réalise que son investissement se fait tout naturellement sur des pièces vintage, en bois, découvrant peu à peu leur valeur historique… et leur valeur tout court. Cette quête finit par devenir une véritable passion : « Nous avons meublé tout l’appartement, puis nous avons continué d’acheter par plaisir. Jusqu’à nous retrouver avec trois buffets et de la place pour un seul… Étant moi-même concepteur graphique et Vivian journaliste, nous avons utilisé nos expériences respectives pour donner vie à notre projet. » Ou comment faire de sa passion un métier.