Longtemps, le marché de l’outdoor a fait chambre à part avec le design. Cantonné à quelques meubles basiques à l’esthétique peu recherchée, il était au départ l’apanage de quelques éditeurs spécialisés. Mais à l’aune des années 2000, ces marques pionnières, qui vendaient alors du simple « mobilier de jardin », ont entamé une transformation du secteur, élargissant progressivement leur offre à mesure que les progrès technologiques le permettaient. Du rotomoulage, dont Vondom a fait sa marque de fabrique, au WaProLace (un tissu en fibre synthétique recyclable et résistant au chlore) de Manutti, les enseignes historiques outdoor ont contribué les premières au rapprochement avec le mobilier d’intérieur.
Profitant de ces progrès techniques, elles ont diversifié leur catalogue, amélioré le confort, mais aussi volontiers fait appel à des designers de renom, imitant ainsi les stratégies marketing de leurs concurrentes indoor. Il était donc bien naturel que les marques de mobilier d’intérieur leur rendent tôt ou tard la pareille, attirées par les lumières d’un marché florissant. « C’est un business en plein boom depuis plusieurs années, confie Roberto Minotti, à la tête de la marque italienne homonyme. Mais quand nous avons lancé la ligne “Lifescape”, en 2013, ce n’était pas dans un esprit de compétition. Nous avions simplement une vision différente des autres et nous avons décidé de relever un challenge. » En 2006, la marque augurait déjà de ce virage outdoor avec le salon d’extérieur « Alison Iroko », conçu par Rodolfo Dordoni, mais c’est sept ans plus tard qu’elle lancera véritablement sa ligne de mobilier d’extérieur, avec la volonté affirmée de se placer sérieusement sur ce nouveau marché.
Explorer de nouveaux matériaux et de nouvelles fonctions… L’outdoor est un terrain de jeu inédit pour une marque qui fabrique depuis toujours du mobilier d’intérieur. Toutes confessent que les contraintes inhérentes à l’extérieur ont représenté un défi certain. « En plus de la qualité conceptuelle, l’outdoor implique d’insister sur la qualité de fabrication », explique Michel Roset, directeur de Ligne Roset et Cinna qui, dès 2011, prenait le virage avec la chaise Résille, conçue par Philippe Nigro, et devenue un best-seller de la marque. Même analyse chez Roberto Minotti, qui reconnaît avoir beaucoup investi en recherche et développement : « Il a fallu entamer des recherches techniques et sélectionner des matériaux adaptés dont nous avons dû mettre au point les utilisations comme les finitions. »
Si l’eldorado outdoor a poussé ces mastodontes de l’indoor à sortir de leur zone de confort, tous ont toutefois pu compter sur une certaine force de frappe : des moyens de production, des compétences créatives et un réseau de distribution déjà rodés et efficaces. D’après Nicolas Roche, directeur des collections Roche Bobois, « développer une offre outdoor ne pouvait qu’être un vecteur de croissance n’empiétant pas sur les savoir-faire et les typologies habituelles de la marque ». L’enseigne qui, dès 2006, s’est lancée dans le secteur avec la collection « Bel Air », principalement composée de résine, a depuis fait du chemin en explorant d’autres pistes et d’autres matériaux. Le bois notamment, avec le designer français Christophe Delcourt et sa collection « Saga », puis l’aluminium avec l’Américain Stephen Burks, dont la collection « Traveler » est devenue un standard du catalogue de l’entreprise. « “Traveler” est un hommage au mobilier de jardin de notre enfance en version légère et scoubidou, précise Nicolas Roche. C’est la gamme outdoor qui tire le mieux son épingle du jeu. »