Comment avez-vous démarré votre carrière dans le mobilier de jardin ?
Frédéric Sofia : J’ai rencontré Bernard Reybier, le patron de Fermob, il y a une vingtaine d’années. Après une carrière de chef de projet dans l’agence de design Centdegrés, avec laquelle j’avais dessiné quelques meubles pour Lafuma, je venais de m’installer à mon compte. Lui avait remporté l’appel d’offres pour le renouvellement des sièges du jardin du Luxembourg et j’étais fasciné par ce mobilier intemporel. Devant mon enthousiasme, il m’a proposé de concevoir le projet.
De quelle façon avez-vous procédé ?
Jasper Morrison, que j’admire, venait de sortir la chaise SIM chez Vitra, un « redesign » de la célèbre 40/4, conçue dans les années 60 par David Rowland. J’ai préféré moi aussi redessiner le siège Luxembourg plutôt que de créer un modèle ex-nihilo. Ma version est sortie en 2004. J’ai tout de suite eu envie d’en faire un objet édité pour le grand public. Au début, les gens étaient sceptiques.
Aujourd’hui, c’est la meilleure vente de Fermob. D’où vous vient l’inspiration ?
Je pars systématiquement d’une histoire. Pour la collection « Luxembourg », il s’agissait de celle de produits fabriqués en série par une entreprise qui véhicule un certain nombre de valeurs françaises à l’étranger. J’ai ensuite conçu « Sixties ». Fan des années 60 et de leur optimisme, j’ai dessiné un mobilier qui parle de cette époque, sans faire de plagiat. Par ailleurs, je passe beaucoup de temps dans la nature et dans ma maison de campagne.
Que cherchez-vous à transmettre à travers vos collections ?
L’art de vivre à la française, orienté vers la conversation. Les Français aiment tellement ça qu’ils créent des atmosphères qui engagent à discuter, à jouer, à manger ensemble… La France est le seul pays à pousser aussi loin la sophistication de la vie à l’extérieur.
« Lorette » est la dernière-née de votre collaboration avec Fermob. Comment l’idée vous en est-elle venue ?
Cela faisait dix ans que j’essayais de formaliser le concept d’un mobilier qui raconte la vie à la campagne débarrassée de son caractère rustique. L’utilisation du métal et le dossier médaillon très classique sont un clin d’oeil au monogramme des marques de luxe, aux moucharabiehs et aux logos en général. Autant je pense que le mobilier indoor doit coller à l’air du temps, autant avec Fermob, ce qui m’intéresse, c’est d’être intemporel.
Vous avez sorti la marque de sa zone de confort en dessinant son premier canapé, avec l’usage comme valeur fondamentale…
J’ai pensé ce canapé comme un îlot que l’on pose au milieu d’un espace extérieur pour s’adapter à diverses activités : lecture, sieste, discussion. Ma réponse est un dossier à plusieurs angles d’inclinaison. Le développement a été assez long car mon projet, innovant, incluait un textile outdoor au toucher chaleureux et Fermob n’avait pas encore de savoir-faire dans le mobilier rembourré.
On sent que la technique est un élément essentiel de votre travail.
Ma formation initiale, c’est le génie mécanique, le travail du métal et de l’alu. Quand je conçois un meuble, en même temps que je le dessine, j’intègre son procédé de fabrication et son coût de production. Mon métier consiste à appréhender toutes ces problématiques en même temps afin d’être accessible au plus grand nombre.
Il y a deux ans, vous avez aussi été nommé directeur artistique de Rodet, rachetée par Fermob. Quelle y est votre mission ?
Créée en 1946, Rodet est devenue leader dans le secteur du tube métallique avant de se spécialiser dans le mobilier de collectivités. Mon travail consiste à relancer la marque grâce à de nouveaux produits et à une nouvelle identité. J’ai dessiné la collection « Kawa » sans prétention, à un prix très accessible. Je me sens utile ainsi.