Cet été, c’est encore un vibrant hommage à la Méditerranée que José Antonio Gandía-Blasco livre à travers sa dernière collection, « DNA », des chaises longues, fauteuils et tables composés de lattes horizontales inspirées des raies de lumière et de l’ombre filtrant à travers les persiennes. Mais « DNA », c’est aussi un hommage à « Na Xemena », la première collection qu’il a dessinée, il y a vingt ans, avec l’architecte Ramón Esteve. C’est son attirance pour les jeux d’ombre et de lumière qui a poussé le designer à créer ce nouvel ensemble de mobilier d’extérieur dont l’histoire se confond avec celle de la famille.
L’aventure de ces Valenciens démarre en 1951 à Ontinyent, lorsque le père ouvre une usine de couvertures, dans la pure tradition locale, puisque cette région rurale qui s’étire entre Valence et Alicante est spécialisée dans la production de tissu. Les décennies s’égrènent paisiblement jusqu’à la crise du textile. Au mitan des glorieuses années 80 espagnoles, alors que la plupart des usines ferment les unes après les autres, José Antonio rencontre Las Naves, un groupe de designers de Valence, et commence à dessiner un nouveau concept de tapis, plus contemporain.
Mais c’est en 1995 que GandíaBlasco devient la marque que l’on connaît aujourd’hui, fer de lance du mobilier outdoor espagnol. José Antonio, tombé amoureux d’Ibiza à l’âge de 18 ans, y revient plus tard pour y dessiner sa maison de vacances. « Na Xemena est un bâtiment fonctionnaliste blanc avec une vue époustouflante sur la mer, mais, lorsque mon père dut la meubler, il ne trouva pas son bonheur et dessina alors la collection “Na Xemena” », raconte sa fille Alejandra, chargée de la communication. Une gamme en aluminium cubique et ergonomique, réduite à l’essentiel mais d’un confort rare grâce au travail de la mousse et des tissus. José Antonio et Ramón Esteve décident de le présenter aux professionnels lors de l’Habitat Valencia Fair. Mais, il y a vingt ans, la collection peinait à trouver son public en raison de sa radicalité et de ses formes architecturales. À partir de l’an 2000, néanmoins, le mobilier outdoor prend son essor et trouve ses marques dans l’univers de l’aménagement. José Antonio développe alors d’autres collections de mobilier d’extérieur et promeut dans le monde entier, de l’Australie aux États-Unis, sa vision du lifestyle baléarique, qui combine « lumière de la Méditerranée, plaisir de vivre dehors et architecture à dominante blanche. Plus qu’une chaise ou une table, il donne plutôt naissance à des espaces de vie », explique Alejandra. Il se concentre notamment sur la meilleure façon d’apporter de l’ombre…
De la collection de lits de jour abrités « Daybed » à la cabine-repas Merendero et à la Cristal Box, un jardin d’hiver vitré, le meuble n’est plus qu’un encouragement à investir davantage les espaces extérieurs. « Nous avons été les premiers à lancer ces pièces d’extérieur qui sont maintenant copiées. Depuis nos débuts, nous sommes étroitement connectés à l’architecture », rappelle Alejandra. L’innovation passe aussi par des collaborations avec la nouvelle génération d’étudiants en design de l’Europe entière, à travers des workshops et le concours International Outdoor Furniture Design Contest, qui fête cette année ses 10 ans et dont les lauréats seront révélés lors du Salon du meuble de Milan. Des événements qui permettront à des pièces novatrices de voir le jour et de rejoindre la section Young Talents baptisée « Diabla ». « Ce regard extérieur est important. Même s’il n’est pas encore synonyme de succès commercial, il a le mérite d’apporter des idées fraîches. Comme aux débuts des collections de mon père, on prend le temps de les laisser émerger, que les gens s’y accoutument », complète encore Alejandra.
Malgré ses aspirations visionnaires, José Antonio Gandía-Blasco est resté pragmatique. Il a conservé une collection intérieure, « Gan », dirigée par Mapi Millet, qui fait appel aux plus grands designers pour livrer des tapis et des coussins aux motifs contemporains inspirés des arts populaires du monde. Il a aussi intégré des savoir-faire locaux de transformation de l’aluminium et du polyéthylène qu’il a perfectionnés pour produire ses meubles. Un travail de défrichage opéré depuis son QG d’Ontinyent. Quand l’usine a dû déménager pour s’agrandir, il a investi le bâtiment désaffecté où il s’est installé en famille. Il y a posé bureaux et showroom dans ce qu’il a baptisé la « Casa GandíaBlasco », dans le jardin de laquelle sont testées les nouvelles collections qui s’allègent, s’arrondissent, s’affinent en conservant l’esprit « essentiel » cher à José Antonio.