Après avoir vécu à Londres et à Madrid, Jaime Hayón est installé depuis quelques années dans un petit village près de Valence où il peut facilement emmener ses enfants à l’école, acheter du bon pain, faire son propre vin, remplir ses carnets de croquis et tester IRL (in real life), le mobilier de jardin en rotin qu’il a imaginé pour la marque ibère Expormim – presque des voisins. « Ils font du vin, eux aussi », précise-t-il pour souligner combien leur complicité, née avec « Frames », est transversale. Cette slow life n’exclut bien évidemment pas les voyages, qui rythment le quotidien de tout designer, et Jaime n’en continue pas moins de dessiner frénétiquement, où qu’il se trouve. Puis, via son smartphone, il photographie illico ce qu’il vient de crayonner et envoie le tout à son assistant en Italie. Il a ainsi inventé sans même s’en rendre compte le concept de « réunions Instagram » ! C’est donc le plus naturellement du monde qu’il a brandi, devant la caméra de Skype, des schémas explicatifs griffonnés en temps réel lors de l’interview qu’il a accordée à IDEAT pour raconter la genèse de « Frames ».
Comment est née cette collaboration ?
Le travail d’Expormim m’intéressait car le rotin est très écologique d’une part – toutes les parties de la canne sont utilisées, pour la structure, certes, mais aussi pour le cannage – et très méditerranéen d’autre part. Lorsqu’on est à Valence et que l’on va vers la mer, on voit toujours beaucoup de gens assis sur de vieilles chaises en rotin, même si le plastique et l’aluminium sont, bien entendu, très présents en Espagne aussi. Il y a une nostalgie croissante attachée à cette matière, mais il n’y avait pas de développements nouveaux. Cela dit, en voulant acheter une des chaises d’Expormim pour mon jardin un jour sur un salon (finalement, ils me l’ont offerte !), j’ai vu qu’ils avaient déjà entamé une modernisation de la collection avec le designer catalan Oscar Tusquets. Une pièce très belle, très simple, mais qui est une innovation de forme plutôt que de matière. Donc je leur ai proposé de continuer l’aventure avec moi !
En quoi « Frames » a-t-elle poussé le curseur de l’innovation du mobilier en rotin ?
Nous avons simplifié la fabrication, qui mêle dorénavant un processus industriel et des gestes artisanaux. Traditionnellement, on passe la canne sur une machine à vapeur qui permet de la plier en prenant appui sur une forme, mais il s’agit de tubes ouverts qui doivent être coupés, puis assemblés manuellement pour fermer la courbe. Dans la technique classique, la « peau » de la canne est alors enroulée graphiquement par endroits pour dissimuler les points d’assemblage des tubes. Or, si on enlève ces « ligatures » emblématiques du rotin, la silhouette de la chaise est tout de suite plus moderne. Pour « Frames », nous avons donc, comme le nom l’indique, décidé de fabriquer des cadres de canne déjà fermés (par de simples inserts à l’intérieur, plus un point de colle, NDLR), puis de les juxtaposer tout simplement pour constituer l’assise, le dossier, l’appui-tête.
Les cadres de « Frames » ont, en effet, un petit air Thonet…
Je travaille beaucoup avec les Danois, et ils ont trouvé que cela ressemblait à un travail de bois. Curieusement, personne jusqu’ici n’avait pensé à faire de cadre pour le mobilier en rotin, comme cela se fait chez Thonet par exemple. Seule contrainte par rapport au bois : on ne peut rien visser car le métal apporterait de l’humidité qui ferait alors pourrir la canne.
« Frames » brouille d’ailleurs les frontières entre le mobilier d’intérieur et d’extérieur…
L’idée était de rendre le rotin un peu plus statutaire, et de le faire entrer à l’intérieur. Mais la légèreté de la matière est synonyme de flexibilité et de spontanéité : un rayon de soleil qui arrive ? Hop, on sort la chaise ! Une autre de ses qualités, et non des moindres, surtout ici, en Espagne, est de s’adapter facilement à la température : on peut s’asseoir sans risque de se brûler sur la version noire, même en plein été, contrairement aux chaises en métal.
Le fauteuil « Frames » en quelques détails
– Durée du projet : un an et demi de la conception au premier produit fini, un délai relativement court, mais la proximité géographique de Jaime Hayón avec Expormim a beaucoup aidé.
– Matériaux : 100 % rotin pour la version naturelle, rotin et pieds en métal pour la version noire.
– Dimensions : 104 x 82 x 67 cm.
– Coloris : naturel ou noir, chaque couleur ayant son propre type de cannage.
– Usages : indoor et outdoor.
– Prix : à partir de 1 442 €.