Rencontre avec le paysagiste Louis Benech

Bosquet du Théâtre d'Eau à Versailles, jardins privés et publics en France et dans le monde entier, ligne de mobilier outdoor dessinée pour Royal Botania… Louis Benech collectionne les aventures végétales et avoue être toujours passionné par ce métier qui subit les aléas de la désobéissance heureuse du vivant.

Louis Benech, quelle définition donnez-vous de votre métier aujourd’hui ? A-t-il beaucoup changé ?
Je me définis comme un passeur de lieux car je travaille la plupart du temps sur des sites qui ont une histoire. Excepté en Nouvelle-Zélande, où nous avons réa­lisé un jardin sur un site complètement vierge d’arbres. Mon travail n’a jamais été conceptuel, il est plutôt contextuel. En cela mon métier n’a pas changé. Je m’y suis évertué.

Quel regard portez-vous sur ce qui se fait aujourd’hui en matière de paysagisme ?
La tendance est à la surenchère, à la surcharge, à l’horreur du vide. C’est assez consternant de voir les projets d’installations que l’on fait dans tout aujourd’hui. C’est contre nature.

Quelles ont été les joies et les difficultés rencontrées sur vos différents projets ?
Les difficultés relèvent du côté administratif de notre métier, de ses lenteurs, du fait de renvoyer des centaines de fois le même plan pour se faire comprendre. Les joies proviennent du constat de l’extrême générosité de la nature, même dix ans après. Cela me transporte, dépasse à chaque fois mes projections et espérances les plus folles.

Le jardin Mataka en Nouvelle-Zélande repensé par le paysagiste Louis Benech.
Le jardin Mataka en Nouvelle-Zélande repensé par le paysagiste Louis Benech. DR

Comment rester serein face aux choses qui poussent, changent et meurent ?
En étant philosophe… Je ne me suis jamais projeté à long terme. Tout est destiné à disparaître et c’est bien ainsi.

Vos derniers grands travaux, pour Versailles par exemple, en quoi ont-ils consisté ?
Réaliser le Bosquet du Théâtre d’Eau de Versailles a été un hommage rendu à Louis XIV et à André Le Nôtre, auteur de ce jardin entre 1671 et 1674. Il fut détruit en 1775. Pour réactualiser la thématique de l’époque, « mettre de l’enfance dans le jardin », j’ai collaboré avec le plasticien Jean-Michel Othoniel, dont l’exposition « My Way » au Centre Pompidou, en 2011, m’avait marqué et dont le travail fait écho à toutes les générations. Nous avons surtout travaillé dans l’état d’esprit du XVIIe siècle, c’est-à-dire en équipe, fidèles au style de Le Nôtre, sans le copier ni le parodier, mais en tentant d’inscrire sa dimension poétique et ludique dans notre époque, en rapprochant les limites, en jouant avec les illusions d’optique, les troubles perceptifs. Donc on a non seulement remis de l’enfance dans ce jardin, mais également de la danse, dont le roi raffolait, d’où la réalisation par Jean-Michel Othoniel de trois fontaines monumentales, Les Belles Danses, mais aussi de la symbolique autour du chiffre « 3 » que Le Nôtre avait déclinée. L’actuel Théâtre d’Eau compte trois fontaines-sculptures, trois cercles pour le bassin et trois groupes d’enfants-dieux. Il est planté de 21 ifs et de 90 chênes verts…

La collection « Nara », dessinée par le paysagiste Louis Benech pour Royal Botania, soit huit pièces de jardin en teck de Birmanie.
La collection « Nara », dessinée par le paysagiste Louis Benech pour Royal Botania, soit huit pièces de jardin en teck de Birmanie. DR

C’est de la pluralité de votre métier que traite votre dernier ouvrage ?
Tout à fait. Pour montrer que, entre un parc en Sologne, un manoir normand, un jardin fleuri en Bretagne, les jardins du Soleil et des Nuages du château de Villandry et le square Nicolas-Forestier dans le XIIIe arrondissement de Paris, il y a une même passion pour la botanique, le cycle de la vie et la diversité des climats. Notre chantier actuel est un grand jardin privé en Italie, un travail complexe mais passionnant de perspectives et d’espaces fonctionnels, d’allées aérées et de parterres de roses…

La collection que vous venez de dessiner pour Royal Botania est-elle une première aventure dans l’univers du mobilier ?
J’avais déjà dessiné du mobilier de jardin pour AXA il y a vingt ans. Pour Royal Botania, c’est  une première. Il s’agit d’une collection en teck de Birmanie qui se compose d’une table ronde, de fauteuils, de chaises, d’un canapé de salon et d’une table de salle à manger avec un plateau en céramique. Certaines pièces ont trois pieds, ce qui leur confère une extrême stabilité. Le design est simple et classique et s’inspire des torii, ces portiques traditionnels japonais édifiés à l’entrée des sanctuaires shintoïstes. D’où le nom de cette collection « Nara », celui d’une ville japonaise.

La collection « Nara », dessinée par le paysagiste Louis Benech pour Royal Botania.
La collection « Nara », dessinée par le paysagiste Louis Benech pour Royal Botania. DR

Vous collaborez avec de nombreuses agences d’architecture d’intérieur.
Effectivement, avec François Catroux, Alberto Pinto, Yves Taralon, Tristan Auer, Chahan Minassian, Jacques Grange et Pierre Yovanovitch. Si tous accordent autant d’intérêt à l’architecture d’intérieur qu’au paysage, la collaboration est à chaque fois différente et se révèle une histoire de complicité singulière, une question de nuances. Soit nous travaillons main dans la main, du début à la fin – topologie, choix des plantes, des couleurs, des perspectives… –, soit je travaille seul avec mes équipes. Le paysagisme reste un métier de solitaire, surtout pour les chantiers publics.

Votre métier vous amuse-t-il toujours ?
Absolument. J’aime toujours autant cette profession qui subit ce que j’appelle les aléas de la désobéissance heureuse du vivant. Mon travail consiste à créer des endroits pour des sites, à raisonner en termes d’esthétique mais également de fonctionnalité et d’entretien. Je suis toujours autant attaché au lieu qu’aux personnes, c’est une source d’enrichissement permanent qui participe à la construction d’une expérience.

Existe-t-il des recettes pour réussir un jardin, un paysage ?
Se poser, observer, fermer les yeux, tenir compte de l’orientation du soleil, des vents, être respectueux du contexte.

Quels autres métiers auriez-vous aimés ?
Violoncelliste. Sinon peintre, sculpteur ou écrivain.

www.louisbenech.com

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