L’Appart-hôtel de luxe, nouvel eldorado design 

Enfants choyés des grands groupes hôteliers, la fine fleur des architectes d’intérieur se tourne désormais vers un marché en pleine explosion, celui des suites et appartements de haute volée où venir s'évader quelques nuits, en marge de l’hôtellerie classique.

Alors que les projets hôteliers ont enfin repris des couleurs et recommencent à essaimer, une nouvelle scène de l’hôtellerie haut-de-gamme fait discrètement son apparition. Destinés à une clientèle premium, les suites et appartements de luxe avec service de conciergerie et prestations de haute voltige ont toqué à la porte des plus grands noms de l’architecture d’intérieur afin de donner un supplément d’âme à leurs hôtels d’un genre particulier. Chloé Nègre, Daphnée Desjeux, LAM, Pool Studio, Briand & Bertheraud… Tous se sont volontiers prêtés au jeu, explorant à travers ces espaces plus exclusifs et intimistes de nouvelles facettes de leur métier.


À lire aussi : Auto-édition : l’offensive des architectes d’intérieur


La concurrence est rude dans le secteurs de ces néo hôtels de luxe

Du côté des porteurs de projets, la compétition bat son plein pour attirer les plus belles signatures du design d’intérieur et ainsi conquérir des hôtes particulièrement exigeants et sensibles au sujet. « Au départ, j’étais en charge de la décoration, mais nous avons réalisé l’importance de faire appel à des designers connus afin que chaque ensemble de suites soit le plus incarné possible », admet Maxime Benoît, co-fondateur d’Edgar Suites, à la tête de plus d’une dizaine d’établissements à Paris et en région.

L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay
L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay

Suite à une levée de fonds de 104 millions d’euros auprès d’un fond d’investissement britannique, la jeune entreprise multiplie les ouvertures aux quatre coins de l’hexagone, s’offrant notamment les services d’un Bernard Dubois pour imaginer ses suites Bouchardon, dans le Xe arrondissement parisien, un lieu hybride où se juxtaposent hommages aux vieilles séries américaines et atmosphère de vacances aux sports d’hiver.

L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay
L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay

Une ambiance à mi-chemin entre Mulholland Drive et les photos de Stephen Shore, à deux pas du canal Saint-Martin, le pari était osé : imposantes têtes de lit en laque fauve, moquettes vert olive, bois foncé, marbre noir, lampes et assises graphiques… On sent dans les espaces Bouchardon un Bernard Dubois plus libre et malicieux qu’entre les murs du Cap d’Antibes Beach Hotel, son précédent chantier. « Nos prochaines ouvertures prévoient notamment une collaboration avec  Chloé Nègre, au sein d’un lieu encore secret où elle disposera peut-être de son propre show-room », poursuit Maxime Benoît. Des occasions en or pour des architectes sans doute lassés des one shots et des établissements interchangeables, avec ici la possibilité d’imaginer des collaborations à plus long-terme, au sein d’espaces plus incarnés.

L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay
L’une des résidences Bouchardon du groupe Edgar Suites situées à Paris Xe. @ Ludovic Balay

« Le vrai luxe ne s’achète pas »

Et c’est bien ce même élan de liberté que l’on retrouve chez la parisienne Daphnée Desjeux, à qui l’on doit déjà plus d’une vingtaine de projet en France et à l’international, aujourd’hui en charge de La Sève, nouvel écrin du groupe 1.75 dans le VIIe arrondissement de la capitale. Connue pour son sens du paradoxe, elle prend ici le contrepied d’un luxe débordant de marbre et de dorures pour mieux se concentrer sur l’essentiel : « En réalité, le vrai luxe est ce qui ne s’achète pas, à savoir la nature. Si on la compresse, il n’en reste que la sève », affirme-t-elle. Dans les chambres, un savant mélange de bois et de tissus, des moquettes où s’enlacent de luxuriants feuillages en noir et blanc, des murs terracotta, blanc ou vert de gris…

La Sève, nouvel écrin du groupe 1.75 situé dans le VIIe arrondissement parisien.
La Sève, nouvel écrin du groupe 1.75 situé dans le VIIe arrondissement parisien.

Mais ce qui semble l’avoir enthousiasmé davantage restent les espaces communs : cuisine, bibliothèque, salon, « des espaces chaleureux, domestiques, que l’on ne retrouvent pas dans l’hôtellerie classique, où l’on se sent comme invités chez des amis, à la fois chics et cultivés ». Œuvres disséminées çà et là, livres minutieusement choisis sur les étagères, lampes en céramique permettant de travailler le jour sans perdre un point à chaque œil et de glisser le soir vers un éclairage plus tamisé, aux mêmes vertus qu’un anticerne miraculeux, « à ce moment où l’on décide de ne plus être productif et de basculer vers l’autre partie de la vie ». À mille lieues des apparts-hôtels standardisés du siècle dernier, hôtellerie moderne et designers en vogue semblent avoir trouvé un nouveau terrain d’entente.


À lire aussi : Le beau du mois : des bonbons à foison, du mobilier léché et un lieu hybride où s’évader