L’aventure de la Gallery Fumi démarre en 2006, chez Valerio Capo et Sam Pratt à Shoreditch, dans l’est de Londres. Valerio travaille dans le marketing, Sam, dans la finance. Ensemble depuis une dizaine d’années, ils partagent tous deux une passion pour le design et un désintérêt grandissant pour leur métier respectif…
Et s’ils montaient une galerie ? Ils tâtent le terrain en exposant des pièces de Gio Ponti et de Paul R. Evans dans leur salon. L’opération est un fiasco.
« Nous n’avions aucune idée de la façon de faire. Nous n’avons rien vendu, c’était terriblement décevant », se souvient Valerio. « Et pourtant, enchaîne Sam, c’est ce qui nous a étrangement encouragés à recommencer. Cette fois en nous tournant vers la création contemporaine. »
Deux ans plus tard, ils louent un espace à Tabernacle Street, près de chez eux, et écument les projets de fin d’études des écoles de design et des arts appliqués.
Leur première exposition, « Materialism », met en scène des pièces du jeune Max Lamb, rencontré lors de sa remise de diplôme, de Glithero, de Philippe Malouin, de Pieke Bergmans, d’Andrea Salvetti…
Leurs choix montrent les prémices d’un goût éclectique et profondément humain, faits de coups de cœur pour le travail et la personnalité des designers.
Cependant la crise financière de 2008 force Sam et Valerio à revoir leurs priorités. Les clients travaillant à la City ont été licenciés et ceux qui ont les moyens de s’offrir du mobilier haut de gamme ne s’aventurent pas dans Shoreditch, trop populaire.
« Nous étions dans le mauvais quartier, à tenter de convaincre la mauvaise clientèle », explique Valerio. Puisque les clients ne venaient pas à eux, ils iraient les chercher sur leur lieu de villégiature.
De la suite dans les idées
L’été 2009, ils s’installent, sur invitation, dans la galerie de Rossana Orlandi, dans la très chic station balnéaire de Porto Cervo, en Sardaigne. De retour à Londres, ils investissent à nouveau leur salon pour mettre en avant la fonction première du design: une boîte à idées pour changer le monde.
L’exposition « Corn Craft » est « curatée » par Faye Toogood et met en scène un champ de blé du studio Raw-Edges, des sculptures organiques de Nacho Carbonell et une installation de maïs, signée Rowan Mersh.
Leur capacité à flouter les genres séduit un milieu encore relativement codifié et de nombreux architectes d’intérieur en recherche de pièces fortes pour leurs projets. Ainsi, Aline Asmar d’Amman, qui collabore avec Karl Lagerfeld sur la rénovation de l’Hôtel de Crillon, à Paris, se tourne naturellement vers Fumi pour apporter une touche de folie à ses intérieurs opulents.
« On a reçu des vases brisés provenant de l’hôtel, que Lukas Wegwerth a retravaillés selon la technique japonaise du kintsugi (un mélange de laque et de poudre d’or utilisé pour recoller des céramiques endommagées, NDLR) », se souvient Valerio.
Un pas dans l’art, un pas dans le design
Désormais, la collection « Crystallization », qui présente des objets « réparés » avec des cristaux, trône dans les suites du palace parisien. Installée depuis 2017 dans le quartier huppé de Mayfair, Gallery Fumi a su conserver l’esprit de ses débuts, pétillant et désireux de repousser les frontières de la création.
« Nous sommes à la croisée des chemins entre l’art et le design », résume Sam. « Nous montrons des œuvres exceptionnelles qui ont une fonction, mais cette dernière n’est pas essentielle. Il y a un immense travail intellectuel derrière chaque objet qui mérite d’être contextualisé », précise Valerio.
On pense, par exemple, à la série de vases en porcelaine « Hold me », de Glithero, marqués par des empreintes de mains imprimées suivant le procédé photographique réalisé en chambre noire.
Les traces sont à la fois le souvenir du processus créatif et le sujet de l’œuvre. Les propositions de Gallery Fumi portent en elles une poésie qui révèle une beauté cachée, surprenante et pourtant toujours accessible, pour qui sait regarder. Une esthétique à l’image du patronyme de la galerie, version raccourcie d’Olorunfumi, le deuxième prénom de Sam.
> Gallery Fumi. 2-3 Hay Hill, Mayfair, Londres.
