Y a-t-il une inspiration commune aux nouvelles lampes que vous exposez aux Ateliers Courbet ?
Thierry Dreyfus : Il n’y a pas de procédé qui les relie entre elles, non. Si ce n’est qu’elles s’appliquent toutes à être belles et utiles. Par exemple, la silhouette de la lampe 52nd vient d’un immeuble pour lequel j’avais conçu une installation lumineuse. Située sur la 52e Rue, à New York, elle s’architecture comme un empilement, avec des volumes de moins en moins larges à mesure qu’on monte dans les étages. La lampe Light Book, elle, est née d’un constat : une bibliothèque peut vite ressembler à un cimetière. Alors j’ai imaginé une lampe qu’on insérerait entre les livres pour éclairer leurs dos.
Il y a du Giacometti, du Brancusi, du Noguchi dans ces lampes. Comment l’histoire de la sculpture résonne-t-elle en vous ?
Certes, il ressort sans doute quelque chose des grandes œuvres que j’ai pu observer dans ma vie. Mais je suis plus pragmatique que cela : les formes naissent surtout de mon carnet à dessin. Cela dit, un collectionneur a disposé l’une de mes lampes entre un Brancusi et une toile de Motherwell : la discussion entre les trois objets est magnifique ! D’ailleurs, je dis souvent à mes assistants : « Allez voir les peintres ! Allez voir comment ils éclairent… »
« Les matières s’imposent à moi »
Thierry Dreyfus, comment procédez-vous au choix des matières?
Les matières s’imposent à moi. Si j’ai face à moi de l’orme ou du noyer, je sens que telle forme sera davantage en adéquation avec tel arbre qu’avec tel autre. Et puis il y a le marbre, immense sujet, avec ses millions de textures, de couleurs et de profondeurs. Pour la lampe 52nd, je ne voulais pas de ces marbres tout blancs qui me semblent sans consistance. J’ai opté plutôt pour des tranches de « marbre-nuage » découvertes chez des marbriers turcs.
Dans votre travail d’artisan comme de scénographe, il y a des anfractuosités, des failles récurrentes. D’où cela vous vient-il ?
Je me suis beaucoup intéressé à l’Holocauste, notamment parce que ma famille est juive. Mais je me suis aussi intéressé à l’éradication des chrétiens d’Orient ou aux crimes des Khmers rouges. Sans trop tomber dans le storytelling, c’est peut-être cela qui amène les failles que vous constatez. Comme une transformation de l’horreur en beauté.
> Thierry Dreyfus aux Ateliers Courbet. 134 10th Avenue, New York, jusqu’à fin janvier 2021. Ateliercourbet.com