Disparition : Avec Ernesto Gismondi, le design italien perd son mentor

Ernesto Gismondi s’est éteint à Milan le 31 décembre 2020, peu après avoir fêté son 89e anniversaire. IDEAT retrace la vie de ce maestro, qui a travaillé toute sa vie à rendre la lumière plus humaine.

Rien ne destinait Ernesto Gismondi à devenir une figure du monde du design. Né le 25 décembre 1931 à San Remo, sur les bords de la Méditerranée, il grandit dans le cinéma de son père puis poursuit des études de génie aéronautique et se spécialise dans la conception des missiles. Il obtient en 1959 un diplôme d’ingénierie balistique à Rome puis arpente les bases des pays de l’OTAN pour dispenser son expertise…

« Avec la mort d’Ernesto Gismondi, nous perdons un des protagonistes de ce monde du design qui faisait la grandeur de la ville » Giuseppe Sala, maire de Milan

Très vite, il décide de changer de voie et de mettre ses savoir-faire en mécanique et en matériaux aux services de la lumière. Il crée le studio Artemide avec l’architecte Sergio Mazza, qui dessine Alfa, premier modèle du catalogue. Puis il recrute des designers audacieux, prêts à réinventer l’éclairage. En 1965, il donne ainsi sa chance au jeune Enzo Mari, lui aussi récemment disparu.

Des icônes des sixties-seventies

Mais c’est deux ans plus tard qu’Artemide connaît son premier succès avec Eclisse. Des années avant l’apparition du variateur, cette lampe de table signée Vico Magistretti adapte sa luminosité grâce à un globe de métal qui coulisse autour de l’ampoule, provoquant ainsi… une éclipse, d’où son nom. Elle remporte un Compasso d’Oro et un beau succès public. Et que dire de la Nessino, champignon de polycarbonate blanc ou orange qui éclot au même moment et deviendra une icône des seventies ?

Lampe Tizio de Richard Sapper (Artemide, 1972).
Lampe Tizio de Richard Sapper (Artemide, 1972). DR
Nessino exploite un matériau nouveau en 1967, le polycarbonate.
Nessino exploite un matériau nouveau en 1967, le polycarbonate. DR

Ces succès commerciaux permettent à Gismondi de poursuivre ses expérimentations avec la crème des architectes et designers milanais (Gio Ponti, Gae Aulenti, Franco Albini…). En 1972, il demande à Richard Sapper de dessiner une lampe de bureau autour d’une ampoule halogène, que l’on ne trouvait à l’époque que dans les phares de voiture. Il lui livre Tizio, à l’équilibre parfait, qui lui aussi devient un best-seller.

Gismondi, catalyseur de Memphis

Parmi les créateurs sollicités par Gismondi, figure Ettore Sottsass. Quand ce dernier crée le mouvement Memphis un soir de décembre 1980, le maestro sait qu’il va avoir besoin d’un partenaire qui lui apporte des savoir-faire industriels, une bonne connaissance de la partie commerciale et un goût prononcé pour l’avant-garde. Il trouve tous ces éléments réunis en Gismondi, qui joue un grand rôle dans la popularité de Memphis en permettant à ses meubles d’être fabriqués en série, à la différence des autres courants d’avant-garde milanais qui l’avait précédé.

La lampe Shogun de Mario Botta (1986).
La lampe Shogun de Mario Botta (1986). DR

Dans les années 1980, il continue d’attirer des architectes de renom comme Mario Botta qui lui livre la lampe Shogun dont la base évoque une façade de cathédrale toscane. Mais c’est avec un designer repéré chez Memphis qu’il va décrocher le plus gros succès d’Artemide. Tolomeo de Michele de Lucchi et Giancarlo Fassina (1986) est la lampe qui fait changer de braquet à l’éditeur. Depuis son lancement, il s’en vend près de 500 000 exemplaires chaque année, ce qui a contraint l’éditeur à construire une usine dédiée spécialement à la production de ce modèle, désormais décliné en de multiples versions.

La lampe Tolomeo, icône de la lampe d’architecte, a été commercialisée en 1986…
La lampe Tolomeo, icône de la lampe d’architecte, a été commercialisée en 1986…

Mais Ernesto Gismondi n’était pas qu’un accoucheur de génie, il est aussi le designer de classiques comme la suspension Nur. Et un marin autodidacte et passionné qui a baptisé ses sept voiliers Edimetra, anagramme d’Artemide. Enfin, impossible de retracer sa vie sans évoquer son épouse, Carlotta de Bevilacqua, elle-même architecte et designer. Après avoir développé de nombreux modèles de lampes, notamment celles avec des sources à LEDs au cours des années 2000, elle est devenue la vice-présidente du groupe Artemide et formait avec son mari un tandem ultra-créatif, tourné vers l’innovation et la recherche d’une lumière plus douce, plus humaine…

Ernesto Gismondi, président d’Artemide, et son épouse Carlotta De Bevilacqua, vice-présidente d’Artemide et présidente de Danese.
Ernesto Gismondi, président d’Artemide, et son épouse Carlotta De Bevilacqua, vice-présidente d’Artemide et présidente de Danese. Germana Lavagna