En écho au geste artisanal si fondateur chez Hermès, le geste et l’objet sont au coeur du seizième métier de la maison de la rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris : la Beauté.
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Une beauté artistique
« Nous sommes des artisans au service de la beauté utile, affirme Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique de cette entreprise familiale indépendante. Pour la Beauté Hermès, comme pour les autres métiers, nous sommes dans le processus de création et de production, avec la même exigence de qualité pour chacun de nos produits. Un bel objet ne doit pas trahir sa fonction première, il doit faire ce pour quoi il a été conçu. Au-delà de l’usage, celui-ci va procurer un plaisir inouï, une satisfaction qui n’est pas d’ordre fonctionnel, mais d’ordre esthétique. »
Premier acte en 2020 avec les rouges à lèvres de la collection « Rouge Hermès » qui, d’emblée, ont été perçus comme un pur manifeste de design. L’attention à l’objet y est en effet essentielle, au même titre que celle consacrée aux couleurs, textures et formulations. Pierre Hardy, fondateur de la marque qui porte son nom et, depuis plus de deux décennies, directeur de création de la chaussure, de la bijouterie et de la joaillerie Hermès, en a signé la ligne.
« Il s’agissait de donner forme à la beauté, explique-t-il. Et ce alors que celle-ci est impalpable, fragile, volatile, changeante, multiple. J’ai donc cherché une forme simple, radicale, qui permette d’accueillir la sophistication qu’elle pourrait contenir. Avec l’intuition que, pour durer, cette proposition devait pouvoir évoluer, être sans fin, induire une mobilité, une suite combinatoire toujours reconnaissable. » Cet ancien danseur, diplômé de l’École normale supérieure de Cachan section arts plastiques, ne pouvait qu’avoir une approche habitée du geste en mouvement. Danse et trait.
Trait de crayon de Pierre Hardy, mais aussi de Gregoris Pyrpylis, directeur de création de la Beauté Hermès. Trait d’union également entre collection permanente et éditions limitées ainsi qu’entre les différentes expertises de la maison, tant la Beauté Hermès est une création collective. D’où ces objets de beauté parfaitement simples et non moins parfaitement graphiques.
Des influences croisées entre divers avant-gardismes ayant traversé le XXe siècle, incarnés par Anni et Josef Albers, Ettore Sottsass (de l’époque des armoires Superbox pour Poltronova à celle des totems de l’exposition de Stockholm de 1969, et, naturellement, les années Memphis), Sonia Delaunay et Mark Rothko, pour ne citer que quelques artistes dont on imagine les monographies trôner en bonne place dans le bureau de Pierre Hardy.
« J’aime la simplicité des formes pures que la couleur fait vivre, confie celui-ci. J’ai eu envie de trouver une base de forme totémique qui permette de regrouper les objets et de faire signe. Une ligne à partir de laquelle on puisse construire toute la fantaisie et tout le rêve ou tout le jeu. Pour des objets à la fois fonctionnels et poétiques qu’on aurait plaisir à utiliser et en même temps à garder. »
Résultat ? Des cylindres de rouges à lèvres en métal laqué, brossé et poli qui se prêtent idéalement à l’agencement en mini-totems. Sur cette silhouette presque pop est posé avec élégance « l’ex-libris concave qui a été créé par Émile Hermès en 1923, précise Pierre Hardy. Ce sceau est ce qu’on laisse une fois que l’on est parti, c’est comme une empreinte digitale, mais dessinée, élaborée de très longue date. C’est aussi le signe de la maison. Une citation contemporaine ancrée dans une vraie tradition esthétique. »
La signature olfactive des rouges et baumes à lèvres – de délicates notes d’arnica, de bois de santal et de fleur d’angélique confite – composée par Christine Nagel, directrice de la création et du patrimoine olfactif de Hermès Parfums, ou celle, sonore – le clic, magnétique dans tous les sens du terme, qui ferme le capot du cylindre métallique –, attestent du soin extrême apporté aux moindres détails.
De quoi convoquer la formule attribuée, entre autres, à l’architecte du Bauhaus Ludwig Mies van der Rohe : « Dieu [le dieu Hermès de la mythologie grecque, sans aucun doute ! NDLR] est dans les détails. »
Une sophistication pétillante
Gregoris Pyrpylis avance : « Un designer ou un architecte d’intérieur s’intéressent à l’interaction de la couleur avec les matériaux, s’interrogent sur le fait qu’un blanc sur un mur ne sera pas le même blanc que sur un bois laqué. Chez Hermès, on connaissait certes la couleur appliquée sur la soie, le cuir… Mais avec le maquillage, celle-ci va être portée différemment en raison de l’interaction avec la peau, de la transparence aussi parfois. »
Et de poursuivre : « Ce qui me tient à coeur dans le maquillage, c’est de répondre aux besoins de toutes les carnations. Nous parlons d’inclusivité, non pas parce qu’il s’agit d’un mot à la mode, mais parce que la Beauté Hermès s’adresse à toutes et à tous, partout dans le monde. Personnellement, j’adore les beaux objets, mais il faut qu’ils soient fonctionnels. Or, j’ai la chance de travailler aujourd’hui pour une maison qui a cette conception dans son ADN. Pierre [Hardy] nous accompagne sur tous les objets. Nous nous rencontrons deux fois par mois et c’est toujours un échange très libre et très créatif. »
La collection permanente, dite « emblématique », comprend 24 rouges à lèvres (le nombre faisant, bien entendu, référence à l’adresse de Hermès : 24, rue du Faubourg-Saint-Honoré), glissés dans des tubes habillés de rythmes colorés instantanément cultes. La tentation de les collectionner, déjà grande, est accentuée par les « drops », ces ventes surprises de produits exclusifs en séries limitées, qui rythment le désir tous les six mois.
Tous dessinent, loin de l’univers boudoir, une sophistication pétillante, libre, moderne et optimiste. De nouveaux chapitres, écrits avec le même soin et la même liberté créative (Les Mains Hermès, Le Regard Hermès…), sont venus souligner ce métier et ancrer, avec toujours plus de force, l’esthétique de la Beauté Hermès, tant côté produits que côté objets.
« Alors que le tube de rouge à lèvres est maquillé comme un habit de lumière, le design du vernis à ongles laisse transparaître la couleur du produit, sa texture, à travers son flacon de verre. Le matériau n’est là que pour permettre à la couleur de s’exprimer. S’il y a une coquetterie, c’est sur la proportion. Le cylindre a été légèrement aplati et élargi, et le verre, un peu épaissi pour créer un rythme supplémentaire entre la couleur et la transparence », décrit Pierre Hardy.
Sensualité et fonctionnalité mêlées pour les boîtiers des ombres à paupières, aussi légers qu’une écharpe en soie ou un pull en cachemire, comme pour les mascaras élancés et les pinceaux-outils en bois laqué, fabriqués en France de façon artisanale.
Un hymne à la couleur
Pour Gregoris Pyrpylis, « les éditions limitées expriment différentes facettes de la Beauté Hermès. C’est une recherche qui me permet d’aller un peu plus loin à chaque fois, car il s’agit toujours d’une proposition qu’on ne retrouve pas ailleurs, qui ne prendra jamais la place de l’une de celles de la gamme emblématique. »
Là aussi, le dialogue contenant-contenu a un pouvoir d’attraction démultiplicateur. « En voyant les teintes de vernis que nous avions développées pour l’édition limitée printemps-été 2024, Pierre a tout de suite proposé de colorer la bague du capot [un geste jusqu’ici inédit sur les flacons « Les Mains Hermès »] afin de créer une interaction qui véhicule instantanément l’esprit de cette collection, où la couleur prend la parole dans une expression très pure, tranchante, presque fluorescente parfois. L’impact du vernis bleu électrique, par exemple, n’aurait pas du tout été le même s’il n’y avait pas eu cette bague jaune en contraste. »
Laisser une empreinte non seulement sur les lèvres, les paupières, les joues, les ongles, la peau, mais également sur les codes du luxe était assurément en filigrane l’un des rêves de la maison Hermès quand elle a investi l’univers de la beauté. Mission accomplie grâce à la réunion de ce collectif de talents aussi perfectionnistes que singuliers.
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