À 41 ans, Adriana Schor a déjà eu mille vies et parcouru bien des miles. Née à Los Angeles, d’un père américain et d’une mère française, elle a passé son bac à Paris avant d’étudier l’histoire de l’art et les relations internationales dans le Massachusetts. Un stage dans la finance à Chicago, un premier job à Londres dans une banque d’affaires, puis c’est l’envol vers l’Australie, la patrie du père de ses enfants. Avant 30 ans, elle aura vécu sur trois continents.
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Adriana Schor : une globe-trotteuse dans l’âme
Ce parcours de citoyenne du monde n’était pourtant qu’un amuse-bouche. Adriana Schor est occupée à gérer le développement des centres commerciaux Westfield à Sydney quand son destin la rattrape : sa mère, décoratrice installée à Londres, a besoin qu’elle relève des mesures sur un projet qu’elle envisage d’accepter en terres australiennes. La jeune femme rend service. Observe. Passe le chantier par le tamis de sa grille de lecture d’alors : un tableur Excel. Se prend au jeu. Dresse des listes. Et finit par accompagner sa mère à plein temps. « L’architecture intérieure me semblait être un métier seulement créatif, raconte-t-elle. Je me suis rendu compte que ce n’était qu’une petite part du job. Il faut de la méthode, de l’organisation, être très structuré. Enfin, quand la to-do list est achevée, jusqu’à la brosse à dents posée dans la salle de bains, le regard des clients offre un sentiment de grande fierté. »
Sa formation se déroule au Moyen-Orient, où la transmission maternelle opère. En 2015, elle prend en charge l’aménagement d’une villa privée du Ritz-Carlton, au Bahreïn, et celui du rooftop du Ritz-Carlton, à Moscou. Son métier réunit finalement tout ce qu’elle est. « J’ai hérité de l’optimisme de mon pays natal, les États-Unis, analyse-t-elle. Le côté « I can do attitude ». Je me sens aussi profondément proche de la culture française, charmante, raffinée. Même si j’aime l’art contemporain, mes références vont vers l’art classique, Watteau, Fragonard. Je suis également passionnée par les civilisations antiques de Méditerranée. De mes quinze années passées en Australie, je conserve l’esprit « True Blue » : loyal, franc et fidèle. »
Guidée par ses émotions
Chaque chantier débute par un long dialogue avec le client, pour entrer en connexion émotionnelle avec les intentions de celui-ci et ce qu’elle ressent sur place. Autodidacte, Adriana Schor se laisse guider par ses intuitions. « Je commence par la couleur. Il y en a souvent trois : une neutre, une forte et une complémentaire. Puis je décline cette palette sur différents matériaux – tissus, bois, pierre. »
De l’hôtel Elkonin, à Tel-Aviv-Jaffa, émanaient des vibrations rose fané et bleues. L’architecte d’intérieur a donc opté pour le bleu dans les salles de réception aux chaises cannées et au bois clair, et pour le rose dans les suites, pimenté de brique et de touches de velours châtaigne. La villa du Bahreïn, bordée d’un lagon, se pare, elle, de teinte vert d’eau et d’un bleu profond, avec une fresque en raphia tressé figurant les fleurs locales.
Son studio est désormais installé à Paris et compte cinq collaborateurs. Adriana Schor s’est prêtée à l’exercice de style haussmannien pour un pied-à-terre rue de Berri (VIIIe). Sa teinte neutre est le crème, sa couleur forte, le terracotta. La complémentaire est une déclinaison de beiges, réchauffée par divers bois, du travertin, des tweeds élégants. Les boiseries classiques de l’entrée contrastent avec les passages en arches contemporaines, mi-rondes, mi-carrées, le trait signature de son agence.
La boutique de prêt-à-porter féminin Micha (rue Marbeuf, VIIIe) a trouvé quant à elle son identité dans un rose girly. Comme dans un boudoir, les meubles tout en rondeur arborant des teintes rose pâle, chewing-gum et amande. Iconique Studio prépare actuellement sa première collection de mobilier, fabriquée par des artisans français. Sédentaire, Adriana Schor ? Pas vraiment. En ce moment, elle se consacre à la décoration d’un hôtel sur les rives de la mer Noire, à Batoumi, en Géorgie, aux portes de l’Asie.
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