Briand & Berthereau, duo d’architectes à suivre

Retenez bien leur nom !

Entre Paris et la Bretagne, ce studio multidisciplinaire essaime son savoir-faire et sa façon d’envisager le design : « Faire le maximum avec le minimum. » Dénuées de tout superflu, leurs réalisations entremêlent les disciplines dans une approche globale qui ne néglige aucune échelle. Rencontre avec Briand et Berthereau.


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Arnaud Berthereau (à gauche) et Joran Briand devant l’antenne morbihannaise de leur studio d’architecture intérieure.
Arnaud Berthereau (à gauche) et Joran Briand devant l’antenne morbihannaise de leur studio d’architecture intérieure. Yann Audic

L’un à l’ouest, l’autre à l’est, Joran Briand (en 1983) et Arnaud Berthereau (en 1987) sont nés à 800 km de distance : à Vannes, en Bretagne, pour le premier, et à Épinal, dans les Vosges, pour le second. Leur rencontre a eu lieu à mi-chemin, à Paris, en 2011, une fois leurs études achevées – l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) et celle des arts décoratifs (Ensad), à Paris, pour Joran ; les Arts déco de Strasbourg, ainsi que l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) pour Arnaud. Autour de leurs affinités créatives, ils fondent leur propre studio, forts de leurs expériences chez Noé Duchaufour-Lawrance, pour Joran, et à la Galerie Kreo, pour Arnaud.

Ils partagent une vision globale du design, ne négligeant aucune échelle. « Les détails ne sont pas des détails. Ils font le design », résumait Charles Eames au siècle dernier. Un précepte illustrant l’approche défendue par le tandem qui, à chaque projet, semble ne rien laisser au hasard. Quel que soit le champ d’intervention, l’architecture intérieure, le dessin d’objet ou le graphisme, le même fil conducteur les travaille : « Faire le maximum avec le minimum. » Une frugalité conforme aux exigences d’une époque, mais qui, chez Briand & Berthereau, ne confine jamais à l’ascétisme.

Ainsi, leur production est empreinte d’une grande justesse, comme si chaque chose avait été évaluée à l’aune de sa nécessité. Débarrassées de tout superflu, leurs réalisations dégagent une forme de familiarité : on s’y sent immédiatement bien. À Paris, ils ont aménagé la librairie Ici, qui recèle un café Coutume, située sur les Grands Boulevards. On retrouve l’esthétique claire, graphique et pérenne défendue par le studio et cette volonté de ne négliger aucun détail, jusqu’à la signalétique. Ils collaborent régulièrement avec des architectes.

Les bureaux du cabinet de création, de gestion de patrimoine et de fortune Orizon, à Brec’h (Morbihan), revus par le duo.
Les bureaux du cabinet de création, de gestion de patrimoine et de fortune Orizon, à Brec’h (Morbihan), revus par le duo. Yann Audic

Parmi leurs dernières livraisons, l’aménagement intérieur de l’hôtel Jost, conçu à Bordeaux par l’agence Data Architectes. Au fil des commandes, le secteur de l’« hospitalité » est devenu leur terrain de jeu favori. « C’est là que l’on s’amuse et où l’on prend le plus de plaisir », soulignent-ils, même s’ils dessinent également des objets : un « nécessaire à huîtres » pour Petit h / Hermès, les vases « Villa » pour la Galerie Mica ou encore le miroir Le Rayon vert pour les Éditions du côté. 


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Leur kit d’ouverture des huîtres pour Petit h / Hermès.
Leur kit d’ouverture des huîtres pour Petit h / Hermès. DR

« West is the best »

Si Arnaud Berthereau est établi à Paris, Joran Briand partage, lui, sa vie entre la capitale et Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan). En 2020, ils y ont fondé une seconde antenne, après celle de Paris, animés par le besoin d’essaimer leur savoir-faire dans une région qui leur est chère. Face à la mer, sur la côte sauvage, ce lieu hybride entremêle une habitation et une agence d’architecture. C’est aussi un showroom et la base arrière d’un spot de surf situé à quelques pas. Inscrite en lettres capitales sur le mur noir de l’entrée, la formule « West is the best » annonce avec aplomb la passion du duo pour la Bretagne : « Ce site incarne les valeurs du studio : frugalité, liberté d’être et de créer avec la conviction de pouvoir faire mieux avec moins, et l’envie de révéler la beauté dans la simplicité et la sérendipité (l’art de faire des découvertes par hasard, NDLR), en promouvant la générosité et le partage. »

À l’intérieur de cet espace multifonctionnel, une grande partie du mobilier est l’œuvre du tandem. Le caillebotis est le matériau signature du projet, qui raconte mieux que les mots l’étendue de leurs compétences. Depuis, ils multiplient les programmes dans le golfe du Morbihan, en quête d’un équilibre ténu. Dans une région qui voit sa population croître dès que pointent les premiers rayons du soleil, il faut en effet savoir écouter les attentes de la clientèle locale et anticiper celles des touristes.

À Belz (Morbihan), le bar-restaurant Madame Mouette, une institution locale. Le comptoir se confond avec le paysage dans les mêmes nuances de glaz, celles de la mer.
À Belz (Morbihan), le bar-restaurant Madame Mouette, une institution locale. Le comptoir se confond avec le paysage dans les mêmes nuances de glaz, celles de la mer. Yann Audic

Trouver l’écriture juste, celle qui n’intimide pas, celle qui accueille, celle qui façonne la convivialité d’une adresse. À Carnac, ils ont ainsi imaginé Ty-Naod pour l’ostréiculteur Frédéric Lalauze. La sobriété et la recherche d’authenticité ont guidé les deux architectes dans la transformation de cette maison existante en un lieu de dégustation et un outil de travail. Parce qu’il était imposé de conserver le bâtiment tel quel, Joran Briand et Arnaud Berthereau ont joué avec les limites, repoussant celles de l’espace intérieur par une grande terrasse face à l’anse du Pô, en proie au vent et aux embruns. On y savoure les fabuleuses huîtres de Fred ; le temps s’arrête dans ce lieu privilégié en marge de l’agitation de la station balnéaire de Carnac.


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Inspiré par le mouvement Seiz Breur, qui souffla un vent de modernité sur la création bretonne traditionnelle de l’entre-deux-guerres, l’aménagement du restaurant Sablé, à Quiberon, le présente comme une maison de plage twistée par l’influence des surf shacks californiens, ces intérieurs pour adeptes de la glisse.
Inspiré par le mouvement Seiz Breur, qui souffla un vent de modernité sur la création bretonne traditionnelle de l’entre-deux-guerres, l’aménagement du restaurant Sablé, à Quiberon, le présente comme une maison de plage twistée par l’influence des surf shacks californiens, ces intérieurs pour adeptes de la glisse. Yann Audic

À Quiberon, le restaurant Sablé profitait quant à lui d’un emplacement exceptionnel, mais son image était désuète. Pour transformer cette maison bretonne, le studio a puisé son inspiration dans le courant Seiz Breur, dont les codes ont été réinterprétés. Ce mouvement, né durant l’entre-deux-guerres à l’initiative d’un groupe d’artistes bretons, s’est proposé de renouveler la culture traditionnelle pour l’inscrire dans la modernité. Le duo y a ajouté des influences californiennes pour une atmosphère conviviale dans laquelle habitués et vacanciers aiment se retrouver.

Dehors, des tuiles de châtaignier local, teinté en noir, habillent la façade. À l’intérieur, les tables façon diner américain, les nuances terracotta, l’okoumé et le carrelage en grès cohabitent avec assises et objets de décoration chinés en brocante. À une vingtaine de kilomètres, dans la commune de Belz, Madame Mouette fait face à l’un des plus beaux spots de la ria d’Etel, l’île de Saint-Cado. Ce bar-restaurant, un ancien hôtel, est ici une institution. Les nouveaux propriétaires souhaitaient le renouveler sans que les habitués ne soient trop perdus. Le grand comptoir en béton est teinté de glaz, terme breton désignant les différentes apparences de la mer, entre le bleu, le gris et le vert.

Les Huîtres de Fred, ou Ty-Naod, à Carnac. Un écrin les-pieds-dans-l’eau pour découvrir la pêche miraculeuse de l’ostréiculteur Frédéric Lalauze. La large porte coulissante est ouverte, dévoilant l’îlot central en bois fabriqué à partir des restes du plancher haut, supprimé pour restituer la volumétrie de la bâtisse. Le mobilier est tantôt chiné, tantôt dessiné sur mesure, inspiré par l’univers ostréicole.
Les Huîtres de Fred, ou Ty-Naod, à Carnac. Un écrin les-pieds-dans-l’eau pour découvrir la pêche miraculeuse de l’ostréiculteur Frédéric Lalauze. La large porte coulissante est ouverte, dévoilant l’îlot central en bois fabriqué à partir des restes du plancher haut, supprimé pour restituer la volumétrie de la bâtisse. Le mobilier est tantôt chiné, tantôt dessiné sur mesure, inspiré par l’univers ostréicole. Aurélien Bacquet

Le mobilier est volontairement sobre et domestique : des tables en bois et des chaises, qui peuvent être déplacées facilement au gré des besoins. « Il fallait rester dans une certaine forme de simplicité », expliquent les architectes. Car ici, la star, c’est la vue sur la ria – ce golfe envahi par la mer –, omniprésente depuis l’intérieur grâce aux façades largement vitrées ainsi que depuis la grande terrasse. Là, comme ailleurs, le studio s’est avant tout montré à l’écoute du lieu. La Bretagne est un territoire fertile pour qui sait en saisir l’ADN. Joran Briand et Arnaud Berthereau y excellent.

> Ty-Naod – Les Huîtres de Fred. 139, rue du Pô, 56340 Carnac. Tél. : 06 58 79 45 31 / Restaurant Sablé. 31, rue de la Vierge, 56170 Quiberon. Tél. : 02 97 59 19 15 / Bar-restaurant Madame Mouette. 8, place Pen-er-Pont, 56550 Belz. Tél. : 02 97 55 33 30.


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