À Lanzarote, une maison à l’unisson avec ce paysage de pierre et de lave

Il est un volcan… d’idées, de visions, de volonté. C’est peut-être pour cela qu’Attila F. Kovács a
trouvé sur cette île sa terre idéale. Celle qui doit sa nature si particulière à l’éruption et à la lave,
multipliant les paysages lunaires, est devenue pour lui le décor de ses rêves esthétiques réalisés.

Attila F. Kovács, architecte et designer hongrois, a débuté sa carrière comme chef décorateur dans le cinéma. Tombé sous le charme de Lanzarote en 2005, il y a conçu une maison en parfaite harmonie avec la nature environnante, combinant design moderne et traditions locales.


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Attila F. Kovács, tombé d’amour pour Lanzarote

Né à Pécs, en Hongrie, Attila F. Kovács a étudié l’architecture et le design avant d’entamer, après l’université, une carrière dans l’industrie cinématographique. L’homme a travaillé comme chef décorateur sur des mises en scène de films et d’opéra pendant plus d’une décennie. Reconnu en Europe par la profession, au travers d’expositions individuelles et collectives, il a multiplié les projets internationaux prestigieux. Son talent artistique lui a ainsi valu la très convoitée carte verte permettant de travailler aux États-Unis. Du cinéma à la décoration et à l’architecture, il n’y avait qu’un pas ; d’ailleurs Attila F. Kovács se qualifie lui-même d’architecte du Bauhaus.

Vue du grand salon. «Le mobilier de la maison est le résultat d’une longue recherche. Certaines pièces proviennent en partie de ma collection à Budapest et en partie d’un magasin local d’antiquités orientales et africaines appelé Emporium. En outre, j’ai complété le décor avec des meubles et des lampes de créateurs danois, italiens et irlandais», explique le propriétaire. © Helenio Barbetta
Vue du grand salon. «Le mobilier de la maison est le résultat d’une longue recherche. Certaines pièces proviennent en partie de ma collection à Budapest et en partie d’un magasin local d’antiquités orientales et africaines appelé Emporium. En outre, j’ai complété le décor avec des meubles et des lampes de créateurs danois, italiens et irlandais», explique le propriétaire. © Helenio Barbetta

Ce créateur prolifique a signé, en plus de musées, des restaurants et des bars mis en lumière dans des magazines d’architecture et de design. Pour lui-même, Attila F. Kovács souhaitait  une maison écologique aux lignes dépouillées. Une habitation qui vive avec l’île, en accord avec le vent, la pluie et le soleil. Une rigueur plastique en adéquation avec l’esprit de Lanzarote. Avec d’abord un jardin « noir » où les cactus géants s’épanouissent comme dans un paysage surréaliste et où les murs blancs se détachent sur un « ciel d’Afrique ». À l’intérieur, le mobilier est plutôt minimaliste, même quand il évoque des ailleurs lointains. Pas d’exotisme facile.

En 2005, la lecture d’un magazine français a ouvert l’horizon d’Attila F. Kovács, littéralement saisi par des photos puissantes. Ignorant la situation géographique de cet idéal, il a décidé de s’y rendre et de découvrir cette « île enchantée », ce paysage noir et lunaire parsemé de vignes uniques au monde, plus proche du land art que du paradis sauvage.

Il raconte : « J’ai été captivé par les palmiers et, bien sûr, par le style de l’artiste et directeur artistique de projets architecturaux César Manrique, auteur d’incroyables édifices de l’île. Il cultivait un lien très fort avec la nature et la lave. De ses projets, celui que j’aime le plus est le fameux centre d’art, de culture et de tourisme Los Jameos del Agua, un lieu resté très contemporain comprenant un restaurant, une piscine et un incroyable auditorium souterrain. L’actrice Rita Hayworth le considère même comme “la huitième merveille du monde” ! »

collection privée. Le patio est vécu comme un espace de vie, avec une solution qui permet aux parois vitrées de s’ouvrir complètement pour former un espace continu et «perméable», avec un immense salon ouvert. © Helenio Barbetta
collection privée. Le patio est vécu comme un espace de vie, avec une solution qui permet aux parois vitrées de s’ouvrir complètement pour former un espace continu et «perméable», avec un immense salon ouvert. © Helenio Barbetta

Refuge de déconnexion, la demeure d’Attila F. Kovác, représente une échappatoire aux grandes villes, une immersion dans un environnement naturel et paisible, une retraite hivernale ou estivale, là où l’on trouve presque toujours le printemps et l’air vivifiant, adoucis par les alizés. L’homme est d’ailleurs propriétaire d’une autre maison sur le territoire, achetée en 2008 avec son ex-femme : c’est à la fin de leur relation qu’il a décidé d’en acquérir une autre, un coup de foudre, et de la rénover.

Il s’est d’abord « battu » avec une famille britannique pour l’acquérir. Elle avait été construite dans les années 1950 avec des moyens restreints. Elle avait donc pris la forme d’une bâtisse simple, pure et belle, comme « un bâtiment du Bauhaus », selon son nouveau propriétaire, supporteur inconditionnel de l’école allemande. Dans son panthéon figurent, en effet, ses maîtres architectes et designers, Le Corbusier, mais aussi Marcel Breuer, originaire de Pécs, comme lui.

Divin été, plan parfait

Lanzarote revêt pour l’homme un caractère « spirituel ». Ce lieu magique, où vivent des dieux, selon lui, allie à un sentiment quasi métaphysique le caractère sévère et dépouillé du désert américain et du Sahara africain. « C’est un rêve d’enfance que de vivre dans un tel endroit, avec des palmiers, la mer et le désert. Le Maroc n’est pas loin, on peut donc sentir l’Afrique sur sa peau, quand le vent souffle le sable du Sahara, la fameuse Calima, qui est un phénomène météorologique particulier des îles Canaries, surtout les plus orientales comme Fuerteventura, Lanzarote ou la Grande Canarie. Il s’agit d’un vent de sirocco qui vient du sud-est, du Sahara tout proche, causé par la formation d’une zone de haute pression en Afrique du Nord », décrit l’architecte, tel un scientifique.

La chambre principale est directement reliée à l’espace dédié à la douche extérieure, entourée d’un mur en pierre naturelle. © Helenio Barbetta
La chambre principale est directement reliée à l’espace dédié à la douche extérieure, entourée d’un mur en pierre naturelle. © Helenio Barbetta

Le plan originel de la maison était une base parfaite pour la transformer en « loft » fonctionnel. Cinq pièces incluant un patio dont les murs en verre permettent d’ouvrir complètement l’espace, autorisant une circulation continue. « Je dirais que le grand salon, la salle à manger avec le patio et les murs en verre ouverts représentent pour moi une sorte d’idéal », souligne le propriétaire. C’est à Budapest qu’il a conçu les intérieurs, tout en séjournant souvent à Lanzarote au milieu de la pandémie de Covid-19, un travail physique qui convient à Attila F. Kovác. Il aime les matériaux. Il en a d’ailleurs employé lui-même sur une grande partie du chantier, peignant toutes les portes, tous les murs ainsi que le plafond du salon.

Ici, il s’agissait essentiellement de rénover une maison typique des îles Canaries pour la transformer en lieu de vie contemporain, mais tout en conservant ses caractéristiques traditionnelles. Il fallait que l’habitation puisse « gérer » le vent et recueillir l’eau de pluie. Le plus grand défi : adapter une bâtisse construite il y a environ 70 ans à un mode de vie d’aujourd’hui. Plan en main, Attila F. Kovác a jugé utile de reconstruire la structure porteuse, afin de créer des fondations adéquates pour les nouveaux murs en béton à planter sur ce terrain, où l’épaisse couche supérieure du sol est constituée de cendres volcaniques, le picón. L’architecte a tout de même sollicité l’intervention d’ingénieurs. Une étape inévitable pour assurer la stabilité de l’ensemble.

La cuisine/salle à manger a été conçue par la compagne de Kovacs, à la fois professeur de yoga et chef cuisinier. L’idée de l’îlot en cuivre est la sienne. L’îlot de cuisine en tôle de cuivre rouge a été réalisé à la main par un artisan. Les murs ont été peints par le propriétaire. La cuisine/salle à manger a été conçue par la compagne de Kovacs, qui est à la fois professeur de yoga et chef cuisinier. C’est elle qui a eu l’idée de l’îlot en cuivre. L’îlot repose sur un socle qui ne fait qu’un avec le sol. © Helenio Barbetta
La cuisine/salle à manger a été conçue par la compagne de Kovacs, à la fois professeur de yoga et chef cuisinier. L’idée de l’îlot en cuivre est la sienne. L’îlot de cuisine en tôle de cuivre rouge a été réalisé à la main par un artisan. Les murs ont été peints par le propriétaire. La cuisine/salle à manger a été conçue par la compagne de Kovacs, qui est à la fois professeur de yoga et chef cuisinier. C’est elle qui a eu l’idée de l’îlot en cuivre. L’îlot repose sur un socle qui ne fait qu’un avec le sol. © Helenio Barbetta

Pas de maison (même minimaliste) sans mobilier !

À l’intérieur, Krisztina, la compagne d’Attila F. Kovác, professeure de yoga et cuisinière professionnelle, l’a aidé. « C’est à elle que je dois l’existence de l’îlot de cuisine, dont le squelette a été fabriqué grâce à l’exécution précise d’un maître forgeron local. Même si je cuisine peu, cet élément matérialise mon idée selon laquelle la cuisine ne devrait jamais ressembler “simplement” à une cuisine, mais plutôt à une collection de meubles intéressants. » Celui-ci est recouvert de feuilles de cuivre rouge (fabriqué par Kovacs lui-même).

Les recherches du propriétaire pour équiper la maison ont duré un an. Certaines pièces proviennent de sa collection et d’autres d’Emporium, un magasin local d’antiquités orientales et africaines, tenu par son ami Indigo. Au fur et à mesure, elle s’est étayée avec, entre autres, des lampes de créateurs danois, italiens et irlandais. Des choix qui correspondent à un authentique goût du design. Des pièces de maestri italiens, du design hongrois, mais aussi danois, des années 50 et 60, côtoie des sculptures sénoufo et des tapis marocains et tibétains. Pour l’amateur d’art, ce sont autant de représentations de ces cultures qui l’intéressent.

Douche extérieure entourée d’un mur en pierre naturelle. © Helenio Barbetta
Douche extérieure entourée d’un mur en pierre naturelle. © Helenio Barbetta

Dehors, le jardin typique de Lanzarote, recouvert de picón noir, caractérise la maison. « J’ai demandé à la société Flower Power Garden et à son propriétaire d’aménager un jardin qui corresponde à mes idées. Ils ont fait venir de Tenerife de grands palmiers washingtonia et d’énormes cactus grusonii, réussissant ainsi à créer un terrain unique et uniforme qui me donne, littéralement, une sensation d’infini », explique le réalisateur du projet dont les désirs ont été exaucés, comme une douche d’extérieure entourée d’un mur en pierre naturelle où, par temps frais, l’eau chaude peut couler…


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