Figure tutélaire du design du XXe siècle, Marcel Breuer a profondément marqué l’histoire de la discipline, et s’est offert un retour en grâce à la fin des années 2010. La faute à toute une armada d’assises uniques, faisant la part belle au tubulaire.
« La chaise est le plus important élément de l’intérieur (…) C’est une sculpture de l’espace. » déclarait en 1973 Marcel Breuer. C’est à celui-ci que le monde doit l’une des assises les plus emblématiques du siècle dernier, la « B3 » aussi connue sous le nom de « Wassily ».
Tout démarre avec le Bauhaus, vénérable et éphémère école de design et d’architecture allemande. D’abord élève, Marcel Lajos Breuer né le 22 mai 1902 à Pécs en Hongrie, très inspiré par le mouvement néerlandais De Stijl et notamment par les créations de Gerrit Rietveld, devient maître dans l’atelier de menuiserie.
D’après la légende, c’est à cette même époque qu’il s’offre un vélo et se passionne pour cette structure tubulaire, dont il va percer les secrets de conception. Cette technique va lui permettre d’atteindre un de ses rêves, celui de s’asseoir dans les airs.
C’est ainsi que naissent la B33, la « MB Lounge Chair », la collection de tables « Laccio », mais aussi et surtout la « B3 ». Elles sont aujourd’hui éditées chez Knoll.
La chaise B3 meuble les bâtiments du Bauhaus de Dessau puis est éditée par Thonet. Emblème de technologie et de l’industrie, ce siège n’a pas de succès immédiat. Il incarne néanmoins la modernité et colle parfaitement au modèle fonctionnel et esthétique du design des années 20.
Autre pièce phare signée Marcel Breuer, la « Cesca Chair » aussi appelée « Cantilever », ou encore B32. Sa particularité ? Sa structure constituée en un seul tube d’acier chromé et sa silhouette en porte-à-faux qui rendent inexistants les pieds à l’arrière de l’assise. Une petite prouesse pour l’époque, réalisée grâce à des calculs de poids, qui devient un véritable motif moderniste dans le mobilier et les projets architecturaux du Hongrois.
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Partenariat avec Walter Gropius
1933. L’école du Bauhaus ferme ses portes avec l’arrivée du pouvoir nazi en Allemagne. Comme ses collègues, Marcel Breuer s’exile. D’abord au Royaume-Uni avec son ami et mentor Walter Gropius, avec qui il fonde la société F.R.S. Yorke.
Le designer s’attaque alors à un nouveau matériau, le contreplaqué, et donne naissance à la chaise longue « Isokon » dont la silhouette rappelle l’une de ses expérimentations avec l’aluminium.
Toujours avec Gropius, Marcel Breuer part pour les Etats-Unis et y fonde avec son comparse une agence d’architecture. Aussi enseignant d’architecture à Harvard, il se consacre aux maisons individuelles. A la veille de la Guerre, il se sépare de Gropius et officie peu pendant le conflit.
Les années 50 signent son retour sur le devant de la scène. D’une part avec la chaise B3, qui entre au catalogue de l’éditeur italien Dino Gavina. Breuer lui raconte à cette occasion que le peintre Vassily Kandinsky, professeur à l’école du Bauhaus, l’avait encouragé à poursuivre ses recherches sur la fameuse chaise. Gavina lui conseille alors vivement de rebaptiser l’assise du nom du peintre. La chaise « Wassily » s’offre une deuxième naissance.
Architecte de l’Unesco
Côté architecture, il participe aux côtés de Bernard Zehrfuss et de Pier Luigi Nervi à la conception du siège de l’Unesco à Paris inauguré en 1958.
Un projet qui lui offre un véritable rayonnement à l’international. Après l’ouverture de son agence new-yorkaise en 1956, il travaille à plusieurs reprises en France, notamment en développant une station de sports d’hiver à Flaine en Haute-Savoie.
Souvent éclipsée à tort par ses collection de meubles, la production architecturale de Breuer a façonné le visage de l’après-guerre, notamment à travers son utilisation du béton armé, qu’il découvre grâce à l’ingénieur italien Pier Luigi Nervi avec qui il officie sur le projet de l’Unesco.
Un matériau que Marcel Breuer va développer, notamment pour la construction d’églises aux silhouettes singulières. Parmi elles, l’église de l’abbaye St John à Collegeville, dans le Minnesota aux États-Unis, qui affiche une façade principale habillée par un grillage en nid d’abeilles et un étonnant clocher, formé par une imposante plaque posée sur deux arches, mais aussi l’Église St Francis de Sales à Muskegon, dans le Michigan.
A ces édifices religieux s’ajoutent quantité de constructions privées mais c’est la construction du Whitney Museum, avec Hamilton P. Smith, qui s’achève en 1966, qui marque l’apogée de sa carrière, quinze ans avant son décès.
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