Au sortir de sa résidence à la Villa Médicis, le plasticien Benoît Maire contacte Marion Vignal, désireux de dévoiler au monde ses œuvres créées à Rome entre 2021 et 2022. “L’idée d’une exposition m’intéressait, mais je voulais la réaliser dans le cadre de Genius Loci”, raconte la fondatrice de l’association du même nom. En latin, “genius loci” signifie “l’esprit du lieu”, ce qui en émane, son aura. Ainsi, la commissaire cherche à créer ds expériences immersives, visuelles et même olfactives où architecture et art contemporain dialoguent à travers des expositions organisées au sein de bâtiments emblématiques porteurs d’histoire et, surtout, d’ordinaire fermés au public.
Après L’Ange Volant de Gio Ponti en 2021 et l’appartement d’Auguste Perret en 2022, Genius Loci investit du 14 au 22 octobre prochain la partie studio de la Maison-Atelier imaginée par Le Corbusier (1887-1965) et son cousin Pierre Jeanneret (1896-1967) pour le peintre Amédée Ozenfant (1886-1966). Une occasion unique de visiter le second étage de l’édifice, le reste demeurant fermé au public. Simple et rationnel, le bâtiment utilisé aujourd’hui comme bureaux par la branche française du cabinet d’architecture d’intérieur Tecno, instaure un voyage vertical et pose les bases du style moderne propre à l’architecte.
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Une incarnation de la modernité vue par Le Corbusier
La commande que fait Amédée Ozenfant à son ami Le Corbusier est simple : l’artiste aimerait un endroit où il pourrait à la fois vivre et travailler. Il faut dire que les deux hommes sont proches : ensemble, ils théorisent dès 1918 le Purisme puis fondent, avec le poète Paul Dermé, la revue l’Esprit nouveau. “Là où naît l’ordre, naît le bien-être”, disait Le Corbusier, qui a appliqué cette devise à son architecture, notamment à cette maison-atelier aux façades immaculées, livrée en 1923, qui se dresse à l’angle du square de Montsouris et de l’avenue Reille, Paris XIVe. Si le premier étage est dédié à l’habitat, le second, baigné de lumière grâce à de grandes verrières, sert de studio au peintre Amédée Ozenfant qui y travaille et y réside seul jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Soit un laboratoire photo, une belle hauteur sous plafond permettant l’aménagement d’une mezzanine surplombant l’espace et, plus incongru, une bibliothèque suspendue. L’intérieur est quasi monacal et les lignes claires. « Cet habitat est l’incarnation de la modernité telle que Ozenfant et Le Corbusier l’envisageaient« . Ici, rien ne distrait la création.
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Genius Loci : le dialogue avant tout
“Notre idée était de revenir à l’état d’origine le plus pur de l’atelier”, continue Marion. Au deuxième étage, tout a été repeint en blanc et les oeuvres de Benoît Maire semblent faire partie du décor, mises en lumière sans pour autant voler la vedette à l’endroit. Par un jeu de mise en abîme subtile, les lampes sculpturales – dont une reproduction à l’échelle 1/100e de la Villa Médicis réalisée en acier – et les pièces de mobilier pensées à Rome apparaissent dans un film tourné à la Villa et projeté dans l’ancien labo photo. A ces pièces et autres tableaux et vidéos s’ajoute la toile Un Paysage d’après Amédée Ozenfant, créée spécialement pour l’occasion et inspirée à la fois du lieu et du maître. “Il s’agit d’une nouvelle série baptisée “Peintures logiques” dont les titres, mis les uns à la suite des autres, forment un texte”, explique le plasticien.
« Genius Loci, Benoît Maire à l’Atelier Ozenfant »
Exposition en partenariat avec la Villa Médicis, Académie de France à Rome
Du 14 au 22 octobre 2023 de 10h à 18h, sur réservation
geniusloci-experience.com
Maison-Atelier Ozenfant
53, avenue Reille 75014 Paris