Après deux années de chantier, l’hôtel du Château de Disneyland Paris rouvre enfin ses portes. L’occasion de visiter les coulisses et (re)découvrir tous les secrets de l’édition française du parc mythique.
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Le Disneyland Paris Hotel : un livre pop-up grandeur nature
Déjà, dans le RER A en direction de Marne-la-vallée, les fans de Disney, aux chapeaux peluches, serre-têtes à grandes oreilles, déguisements de princesses et autres survêtements logotypés se font vite repérer. Puis, en sortant de la gare, l’œil est attiré par ce bâtiment rose bonbon qui cache, sur la droite, l’entrée du parc de l’oncle Walt. Un concept jusqu’alors inédit : jamais encore, depuis l’ouverture du premier Disneyland le 17 juillet 1955 à Anaheim, en Californie (États-Unis), un hôtel, planté devant l’un de ces « royaumes enchantés », n’en avait dissimulé la vue. Disneyland Paris, inauguré en 1992, se situe en effet à l’abri des regards indiscrets, permettant aux visiteurs de s’immerger totalement dans le temps d’une journée dans un monde qui se veut magique.
Après deux ans de travaux, le mythique Disneyland Hotel, seul établissement 5 étoiles du site, rouvre enfin ses portes au public. En écoutant Tom Muller, concepteur scénographe au sein des équipes de Walt Disney Imagineering Paris, en faire la visite, il n’y a aucun doute possible : nous sommes face à un vrai passionné de Disney. Le spécialiste nous transporte dans les coulisses de l’hôtel emblématique, abreuvant l’assistance de secrets et anecdotes passionnantes. Véritable ode aux histoires royales mises en scène par le studio d’animation, le lieu se veut anachronique, piquant des références à la période médiévale comme à l’Art Déco, twistant des codes classiques avec des éléments contemporains pour rester dans l’air du temps. Dans les suites thématiques, l’hôte aux aguets repère immédiatement certains objets tout droit sortis des films Disney, de Big Ben à Lumière en passant par Madame Armoire de La Belle et la Bête (1991), transformée en meuble TV. “Pour moi, cet hôtel est comme un livre d’histoire pop-up grandeur nature dans lequel les visiteurs pénètrent”, confie Tom. r
Dans le lobby, un lustre magistral fabriqué à Prague a été accroché au plafond. Inspiré du château de La Belle au bois dormant (1959), cette pièce unique est composée de 12 000 pampilles de cristal soufflées à la bouche, soit 1,2 tonne réparties sur une amplitude de 11 mètres. “Ce luminaire est le cœur de l’établissement. La poussière d’étoile qui se déploie à sa suite évoque le film Hook ou la Revanche du capitaine Crochet (Steven Spielberg, 1991), lorsqu’au tout début, Peter (joué par Robin Williams) doit admettre qu’il croit aux fées afin de redonner du poil de la bête à la petite Clochette.”
Afin de donner plus de cachet au lieu, d’autres ateliers de renom ont participé à sa rénovation : les artisans de Tissage des Flandres, manufacture qui officie depuis plus de 130 ans au cœur du bassin textile historique du Nord de la France, ont livré une tapisserie représentant le clan DunBroch, famille de l’héroïne de Rebelle (2012) pour le restaurant Royal Banquet. La vaisselle du Castle Club Lounge provient quant à elle de la Maison Haviland, spécialisée dans la fabrication de porcelaine de Limoges depuis 1842. Enfin, l’entreprise lyonnaise Dutel, spécialisée dans le jacquard depuis 85 ans, a conçu une étoffe spécialement pour les “cast members” du Disneyland Hotel.
Des ateliers sur place pour tout rénover
Si, comme pour l’inauguration du parc en 1992, des entreprises extérieures ont prêté leurs talents le temps de cette rénovation, tout, des chaises des attractions aux rideaux des chambres d’hôtel en passant par les chars de la parade et les luminaires des boutiques, est rénové sur place. Derrière un passage dérobé, après les barrières de sécurité, se dressent, avenue Blanche-Neige, à l’arrêt de bus Merlin, les ateliers Aladin où l’on ne pénètre qu’équipé de chaussures renforcées et d’un brassard fluo signalant notre statut d’invité. Passementiers, peintres décorateurs, doreurs, artisans verriers, tapissiers et même mateloteurs : à l’intérieur, en plus des mécaniciens, menuisiers et autres électriciens, nombre de métiers d’art, savoir-faire d’excellence et autres artisanats quasiment disparus sont représentés, dont toutes les techniques liées à l’art du verre et du vitrail, de l’assemblage par baguettes de plomb à la méthode Tiffany – soit des centaines mètres carrés de vitraux à travers le parc.
Le défi le plus difficile que Thomas, tapissier décorateur, a dû relever ? La rénovation d’un fiacre d’époque, destiné à l’attraction Tram Tour aujourd’hui fermée : “ Ce travail a demandé un mois et demi. J’ai failli abandonner avant même d’avoir commencé, tant cela me semblait infaisable. Quand nous avons dû nous séparer de l’hippomobile, j’ai éprouvé un pincement au cœur. Quelques années plus tard, je l’ai retrouvée, par hasard sur une vidéo sur Facebook. Je l’ai reconnue immédiatement grâce au pompon que j’avais fixé à l’arrière, et j’ai été soulagé d’apprendre qu’il jouissait d’une nouvelle vie, transportant des touristes enjoués près de Paris.”
La vue sur le parc depuis la salle du petit déjeuner du Disneyland Hotel est imprenable. Le temps d’avaler une gaufre Mickey avant de retrouver Laurent Cayuela, seul concepteur et compteur d’histoires francophone et gardien de tous les secrets du parc – il y travaille au depuis l’été 1992. “La structure de Disneyland Paris est très proche de celle du premier parc, ouvert en 1955 en Californie par le fondateur du studio. Walt Disney l’a imaginé comme un grand décor de cinéma dans lequel les visiteurs deviennent acteurs.” Les guichets ressemblent à ceux des salles obscures du début du siècle dernier et même les uniformes sont inspirés par ceux des ouvreurs de l’époque.
Une histoire de crédibilité
Les différents univers ont été adaptés au terrain et au contexte européen, en particulier Fantasyland, qui reprend les grands classiques d’animation Disney, comme Pinocchio (1940), Blanche Neige (1937) et Alice au pays des Merveilles (1951). “En effet, les histoires de Charles Perrault, des frères Grimm ou encore de Carlo Collodi (1826-1890), étaient – et sont toujours – bien connus des habitants du Vieux Continent. L’idée était donc de recréer le plus fidèlement possible les quartiers européens qui représentent les sièges historiques de ces contes« , confie le compteur.
Le château de La Belle au bois dormant (1959), symbole de la destination, est un mélange étonnant de styles, comme l’explique Laurent Cayuela : “Si, pour celui de Californie, il a suffit de calquer presque à l’identique le château de Neuschwanstein, construit par Louis II de Bavière au XIXe siècle, il était impossible ici de se contenter d’une copie de l’existant qui aurait fait pâle figure. Ainsi, le bâtiment a emprunté divers éléments à des monuments emblématiques de la culture française.” Par exemple, la forme en elle-même, un château accroché à son rocher et tiré vers le ciel, rappelle le Mont-Saint-Michel. Les toits en losange, les tuiles vernissées et colorées sont quant à eux caractéristiques des des hospices de Beaune, en Bourgogne.
“Et pour rendre tout cela crédible, pour raconter nos histoires le plus justement possible, les métiers d’art et autres savoir-faire d’époque sont essentiels”, ajoute le spécialiste. Il suffit d’observer les différents vitraux, dont les techniques de fabrication diffèrent en fonction de l’époque et du lieu auxquels ils font référence, les tissus Lelièvre et Pierre Frey qui tapissent les sièges et même les antiquités utilisées au sein de l’attraction de La Tour de la Terreur, pour se rendre compte de la précision dont font preuve les équipes afin de nous transporter dans un lieu fantasmé et hors du temps.
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