Pour clore son défilé dans la salle de bal de la Maison Baccarat, à Paris, Clara Daguin avait illuminé son final d’une robe-chandelier Star, constellée de pampilles de cristal et étincelant au rythme des mouvements du mannequin.
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Le lendemain, en plein jour et au même endroit, la robe Soleil se montrait éteinte, bien que conçue pour s’éclairer au diapason de la conversation, de la musique d’un dancefloor ou sur le corps d’une vedette sur le tapis rouge.
La créatrice elle-même n’est plus une inconnue. Les radars de la profession la repèrent dès 2016 au Festival de la mode de Hyères, grâce à un Body Electric, qui rapprochait tissus et vaisseaux sanguins des circuits électroniques.
Une vision atypique de la mode
Si la jeune femme a vu le jour en France, elle a grandi dans la Silicon Valley (Californie), d’un père ingénieur et d’une mère née au Chili, intéressée par les soins énergétiques. Ces détails biographiques ont leur importance quand on les relie à sa vision de la mode comme une technologie appliquée sur mesure à ce que peut dégager un corps, immatérielle allure comprise.
Quand on écoute la styliste, on passe du rêve à la technique, via l’artisanat. Sa robe-chandelier habille une femme avec près de quatre cents pampilles de Baccarat. Mais si elle pèse environ cinq kilos, comme tout repose sur la taille, cela ne se sent pas. « Julie, le mannequin qui la présente, fait du cirque. Elle la porte donc sans problème », confirme-t-elle.
Sur une autre robe, un plastron en maille de perles est une merveille, même sans courant électrique branché. Tout ce travail est réalisé dans l’atelier de la plasticienne, qui vous parle aussi de « gyroscope à même d’enregistrer le mouvement du vêtement ». La partie hardware, c’est elle ; le software revient à son père ou à son jeune homologue, Jonathan.
Étudiante, elle a d’abord décroché un bachelor de graphisme dans une école d’art, à San Francisco. Si elle pratiquait la peinture, la lithographie et la photographie avant de choisir cette filière, la mode l’intéressait déjà. Elle faisait beaucoup de couture et réalisait aussi des livres et des cartes.
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L’amour du fait main
C’est au cours d’un périple de six mois en Inde que la beauté de l’artisanat lui a sauté aux yeux. Alors qu’elle débarque à Bangalore, autant dire dans la Silicon Valley indienne, elle remarque les artisans et leurs matériaux présents jusque dans la rue. Arrivée à Paris, elle s’inscrit aux Arts décoratifs en section mode.
Les stylistes qui l’interpellent se nomment Hussein Chalayan, Martin Margiela ou Alexander McQueen. « Ils exprimaient à travers leur vestiaire quelque chose de très fort qui m’a fait penser que c’était possible », raconte Clara Daguin, qui relie technologie et artisanat en cassant, comme eux, les codes.
à l’art textile. DR
Ce qui, même à Paris, capitale de la mode, suscite des commentaires. « À quoi ça sert ? » lui disait-on. « C’était complètement ridicule, parce que dans la haute couture, les pièces entièrement brodées, par exemple, ne se justifient pas davantage qu’un vêtement lumineux », rapporte-t-elle aujourd’hui.
Enthousiaste, elle adore le long travail de montage. Tout est fait à la main, les circuits électriques également, comme dans un atelier d’artisan. La difficulté est de tout penser en même temps. Qui dit vêtement dit aussi coupe. « Il faut savoir draper le tissu, comprendre la matière ou la façon dont les circuits peuvent réagir aux mouvements du corps. » Mode ou design, l’expérimentation reste capitale. Pour la créatrice, la couture va jusqu’à rimer avec architecture.
Le futur ? Ce serait de collaborer avec d’autres maisons de mode, des artistes ou des personnalités. Ces coopérations sont aussi précieuses que celle qui a consisté à rendre lumineux un modèle de la jeune créatrice de sacs Alice Watier, Clara Daguin se rapprochant du brodeur qui apporte aux grands couturiers des éléments artisanaux déterminants dans l’allure du projet final.
La même chose existe dans le design. Ce que l’on peut lui souhaiter ? Ne pas être cataloguée. Surtout elle, qui aime autant l’art médiéval que Gustav Klimt ! « Je vais être en transe devant un tableau de Botticelli, puis je vais écouter de la grosse techno », conclut-elle.
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