Construite au pied de la cordillère des Andes, au cœur du Chili, la Luna House est une réflexion sur la démesure, l’épure et le vide. Face à elle, la sensation d’être au bout du monde est forte, tout comme le lien avec le cosmos. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que la demeure a été baptisée Luna ou, vu la taille du jardin intérieur principal, à cause de medialuna, le nom donné à ce type de cour en forme d’arène dans la tradition rurale chilienne.
À lire aussi : À Londres, la maison en brique éco-responsable de Studio CAN
Située dans la province de Yungay, la Luna House est donc à la fois un lieu de vie, un atelier et un studio, dont la dimension muséale répond à une aspiration de solitude et de silence. Le gigantisme est ici la règle, à l’image du pays : sa surface de 2 400 m2 en forme de carré, au cœur d’un site de 100 hectares…
Coiffée d’une toiture plate et pourvue de colonnes et de patios lui conférant l’allure d’une demeure du Maghreb, la Luna House se résume à un ensemble de douze bâtiments reliés les uns aux autres par des joints sismiques.
Le projet a débuté en 2018 et s’est achevé l’année dernière. Quatre ans furent donc nécessaires pour dompter les deux uniques matériaux utilisés, le bois et le béton armé des murs, gratifiés de strates horizontales et de corniches pour donner une impression de légèreté !
Dans ce « mausolée-bunker » ouvert à l’art et avant tout à une vie prêchant l’ascétisme, tout n’est que géométrie, perspective, architecture pure et jeux dedans-dehors ; d’abord sous forme de cours d’eau courant entre le béton, il se transforme en bassin faisant office de miroir.
« Dire que cet ensemble de blocs de béton est une maison serait trop simple, affirme Mauricio Pezo, que c’est un musée, trop réducteur. Il ressemble plutôt à un cloître. » Implantées sur une surface carrée, les pièces de la Luna House se répartissent autour de quatre cours, formant une croix intérieure.
La première, suivant le dénivelé du terrain, est orientée vers le lever et le coucher du soleil. La seconde, « tournée » vers le nord, est traversée par un cours d’eau. La troisième possède un jardin circulaire, tandis que la dernière, la plus grande, offre la plénitude d’un bassin entouré d’arbres centenaires.
À lire aussi : Le zellige au centre du décor d’un appartement de Sierra + De La Higuera
Pièces de vie et aires de travail
La force de ce lieu réside en partie dans l’orientation des ouvertures. « Il s’agissait de ne créer aucune rupture entre les pièces de vie et celles destinées au travail, confirme Sofia von Ellrichshausen, entre les espaces consacrés au jardinage et ceux à la peinture. » Dans certains d’entre eux, des corniches créent des aires d’intimité. Dans d’autres, le volume est monumental, voire écrasant.
Le couple a fondé son agence en 2002 et partage son existence entre les chantiers qu’il réalise dans le monde entier et plusieurs postes de professeurs aux États-Unis et au Chili. Absence de fioriture, répétition de formes massives et de fenêtres, épure des lignes jusqu’à l’obsession, sens de la verticalité, béton non transformé…
Le brutalisme ne serait-il pas synonyme de détachement de l’esthétique, de l’ornement, de l’inutile ? Une inclination à l’économie, voire à une certaine forme de pauvreté ? Né dans les années 50, inspiré par le mouvement moderniste de Ludwig Mies van der Rohe aux États-Unis, il déclinera trente ans plus tard.
Au Royaume-Uni, les exemples sont nombreux : la gare routière de Preston, la Hayward Gallery, à Londres, ou le séminaire classé Saint-Pierre, à Cardross, en Écosse. En France, on compte, entre autres, la Cité radieuse (1952), de Le Corbusier, ou le Centre national de la danse de Pantin, conçu par Jacques Kalisz en 1965. Si le retour de cette mouvance se retrouve dans les travaux des agences japonaises ou suisses (Tadao Ando, Shigeru Ban ou Herzog et de Meuron), elle s’est radoucie, à l’image de surfaces de bâtiments sablées…
À lire aussi : À Bruxelles, une écoconstruction moderne en pleine nature