Le nouveau visage de l’artisanat portugais

En mettant en avant les artisans portugais, les designers contribuent à renouveler les savoir-faire traditionnels du pays.

Naturellement, la démarche des designers, qu’ils soient natifs ou qu’ils aient traversé l’Europe pour collaborer avec les artisans portugais, ne se réduit pas à profiter de savoir-faire traditionnels : elle les maintient en vie, leur impulse une énergie nouvelle, voire les rajeunit. À chaque matière ses spécificités et les tours de main qu’elles impliquent induisent des ajustements. Une histoire d’écoute, d’interprétation et de transmission. IDEAT lève le voile sur le renouveau de l’artisanat portugais.


Le marbre

For Olivah
For Olivah Samuel Dos Santos

L’histoire

Parce qu’occupé par l’Empire romain, le Portugal recèle de vestiges antiques parmi lesquels d’impressionnantes colonnes de marbre que l’on retrouve notamment dans la ville historique d’Évora. La preuve d’une longue expertise du pays en la matière.

Le fabricant

Le spécialiste du marbre Maettone fabrique les produits de nombreuses marques européennes, qui seront estampillés « made in Portugal ».

Le projet

Samuel dos Santos, directeur artistique de Maettone, a initié le projet « Line of Marble » pour l’association nationale des producteurs de pierre du Portugal. Son ambition ? Promouvoir le design et les savoir-faire portugais en son nom (Studio Samuel dos Santos) à travers une exposition au Salon du meuble de Milan, en collaborant avec des figures telles que Noé Duchaufour-Lawrance, RCR Arquitectes, Gabriel Tan ou Marta Brandão.


Les azulejos

FAM Porto revisite l’azulejo à travers une production artisanale.
FAM Porto revisite l’azulejo à travers une production artisanale. A-Line Patrícia Afonso

Le savoir-faire

Ces carreaux de faïence décorés de motifs abstraits ou figuratifs d’un bleu intense sont les meilleurs ambassadeurs de l’artisanat portugais. Utilisés en intérieur comme en extérieur, ils sont fabriqués au Portugal depuis le XVIIe siècle et recouvrent jusqu’aux murs du métro de Lisbonne.

Le studio

FAM (pour « feito à mão ») Porto (aussi appelée Fam Ceramic) revisite l’azulejo en présentant des carreaux fabriqués et peints à la main. Ondes sensuelles, projections mouchetées, gouttes de pluie, dégradés de bleus… L’atelier propose des motifs abstraits empreints d’une touche manuelle vibrante.

Les collaborations

FAM Porto propose ses propres créations, mais collabore aussi avec des créateurs comme l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch, pour qui elle fabrique des carreaux de céramique sur mesure, à destination de murs ou de plateaux de tables.


Le verre (vitrail)

Le savoir-faire

C’est à Batalha, au nord de Lisbonne, qu’est exposé le plus ancien vitrail du Portugal, représentation d’un saint datant de 1420. C’est dire si cette technique, qui orne de nombreuses églises, est consubstantielle de la culture de ce pays très catholique.

L’artisan

Fondée par deux amis, PoeirasGlass est une jeune verrerie artisanale à 140 km de Lisbonne, à Marinha Grande, née en 2012 dont l’équipe technique est dirigée par un maître verrier fort de plus de cinquante-cinq ans d’expérience.

Le projet

C’est dans le cadre de la résidence d’artiste La Junqueira, à Lisbonne, que l’artiste vitrailliste Marion Flament a développé son projet « Sombra Ardente », pour lequel elle s’est inspirée de l’église carbonisée de São Domingos. Ceux-ci se parent de suie, sont inclus dans des objets usuels et oscillent entre ombre et lumière…


L’argile noire

Vaisselle en céramique noire créée pour l’univers du luxetel que les hôtels et resorts Martinha
Vaisselle en céramique noire créée pour l’univers du luxe
tel que les hôtels et resorts Martinha Miguel Guedes Ramos

Le contexte

Bisalhães est un petit village de montagne dans l’arrière-pays de Porto dont les artisans produisent de la poterie noire (classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité). Malheureusement, aujourd’hui, cette artisanat portugais semble disparaître.

La technique

La cuisson des céramiques se fait dans une fosse creusée dans la terre, sous un four au feu de bois, qui peut atteindre jusqu’à 1 100 °C. Le four est alors « étouffé », provoquant un processus de carbonisation pendant lequel les pièces absorbent le carbone et acquièrent alors une couleur noire.

Le studio

Enfant du cru, le designer graphique Renato Rio Costa, fondateur du studio Bisarro, dessine et fait fabriquer par les artisans de Bisalhães des pièces sur mesure pour des restaurants du monde entier. Il a aussi investi dans la formation de nouveaux potiers et noué un partenariat avec des étudiants de l’université de Beira Interior (UBI).


La vannerie

La lampe de table Tempo, de Christian Haas, diffuse une lumière d’ambiance dorée grâce au ton de l’avoine géante (Stipa gigantea) séchée.
La lampe de table Tempo, de Christian Haas, diffuse une lumière d’ambiance dorée grâce au ton de l’avoine géante (Stipa gigantea) séchée. DR

Le contexte

Jonc, palme, osier, roseau… Le Portugal est une terre de vannerie, car le pays dispose d’une abondante flore qui permet de fabriquer, depuis des siècles, des accessoires pour la vie quotidienne. Avec la modernisation de la société, certains semblent cependant être devenus obsolètes.

La fondation

Passa Ao Futuro est une initiative qui conçoit des programmes permettant la mise à jour de techniques ancestrales pour les rendre pertinentes dans le monde actuel. La fondation multiplie les collaborations entre artisans et designers à travers le pays.

Le projet

Le designer allemand Christian Haas, installé au Portugal, a dessiné Tempo, une lampe de table dont l’abat-jour est tressé en avoine géante (« baracejo ») – une graminée portugaise qui, lorsqu’elle sèche, prend un ton doré – dialoguant avec un socle ultra-massif en pierre Moleanos.


Le tapis

Tapis du designer Sam Baron pour GUR
Tapis du designer Sam Baron pour GUR GUR

Le savoir-faire

Au nord de Porto, à la frontière de l’Espagne, Viana do Castelo est un port sur l’Atlantique, mais aussi une région traditionnelle de tissage de tapis avec une technique bien particulière basée sur l’utilisation de matériaux recyclés, chinés dans des usines textiles locales.

La marque

Née à Viana do Castelo, sur la côte nord-ouest du Portugal, la créatrice Célia Esteves a commencé par travailler dans sa ville natale sur un premier dessin de tapis pour la tisserande Claudia Vilas Boas… La marque GUR était née car, depuis, Célia Esteves collabore avec de nombreux artistes et designers.

Les collaborations

Un volcan pour la designeuse milanaise Serena Confalonieri, des nuages pour le designer Sam Baron, des visages inquiétants pour l’artiste contemporaine Sophie Gaucher, une accumulation de formes géométriques par le duo new-yorkais Mogollon… GUR a développé une esthétique naïve, servie par une palette colorée qui vient réveiller les intérieurs.


Le cuivre martelé

La marque Taza renouvelle le savoir-faire traditionnel de la dinanderie.
La marque Taza renouvelle le savoir-faire traditionnel de la dinanderie. Ivo Oliveira Rodrigues

Le matériau

Alambics, marmites, bouilloires, cruches, cataplanas (plats en forme de coquilles Saint-Jacques en cuivre verrouillable), casseroles ou jarres… Le cuivre martelé est le matériau indispensable de l’artisanat portugais depuis 3000 avant J.-C. Un matériau que la modernité a balayé en moins d’un siècle.

Le designer

Miguel Soeiro est un designer qui multiplie les collaborations avec des éditeurs portugais et internationaux (Ligne Roset, Zara Home…). Mais il a développé une activité plus personnelle à travers OWN, sa petite maison d’édition concentrée sur les savoir-faire portugais (liège, osier et cuivre martelé).

L’objet

Le bol en cuivre Press est le fruit d’une collaboration entre Miguel Soeiro et le plus vieux dinandier du Portugal. Un objet minimaliste, presque abstrait, qui reflète en beauté les reflets de la lumière et rajeunit l’image de ce matériau.


La charpenterie de marine

Le designer d’origine roumaine Mircea Anghel s’est installé dans l’Alentejo pour lancer son Cabana Studio, qui s’appuie sur la charpenterie de marine.
Le designer d’origine roumaine Mircea Anghel s’est installé dans l’Alentejo pour lancer son Cabana Studio, qui s’appuie sur la charpenterie de marine. Franisco Nogueira - Mircea Anghel

L’histoire

Pays de marins, le Portugal s’est appuyé sur une solide industrie navale pour envoyer ses explorateurs (Vasco de Gama…) à bord de caravelles sur toutes les mers du globe. Les premiers traités de construction navale, qui sont portugais, confirment cette inclination et cette expertise.

Le designer

Mircea Anghel a installé son atelier il y a vingt ans dans une scierie au sud de Lisbonne, qu’il ouvre au public à partir de cet été. Un espace de 1 500 m2 où le designer sculpte ses créations XXL, inspirées par l’artisanat portugais de la charpenterie de marine.

La démarche

L’homme tient à contribuer à la survivance du village de Barrosinha, où il exerce son activité, en développant deux projets : une collaboration avec des artisans locaux pour perpétuer la tradition de la charpenterie de marine et le développement d’une communauté d’artistes, de designers, d’artisans et de scientifiques autour de son atelier, à travers la mise en place d’une résidence.