Bordé par le bois des pins et le Musée national, le quartier de Badaro, à Beyrouth, abrite une multitude de pépites architecturales, dont une façade de Jean Royère et des bâtiments emblématiques du modernisme libanais des années 60 et 70, signés Joseph Philippe Karam, figure incontournable de l’âge d’or du pays, de 1945 à 1975. C’est dans cet environnement résidentiel encore authentique que Georges Mohasseb a emménagé fin 2021 dans un vaste et bel appartement lumineux.
A lire aussi : A Londres, la maison en brique éco-responsable de Studio CAN
Formé à l’architecture à Washington, à l’ébénisterie au sein de l’école Boulle, à Paris, et au design à la Domus Academy, à Milan, l’homme est aussi discret que prolifique – « une centaine de pièces » créées, selon ses mots, en à peine plus de deux décennies, pour une clientèle privée internationale et un trio de galeries phares : Carwan, Gosserez et Gabriel& Guillaume.
En 2024, il dévoilera avec la première, à Athènes, une série de meubles moulés en sable grâce à une technique inédite, dite ramla (« sable » en arabe). Pour la vente aux enchères LIFE Lebanon (qui aura lieu cette année en novembre, à Londres), il a imaginé une table en résine, Raouché, qui emprunte son nom aux rochers éponymes de la grotte aux Pigeons, site naturel baigné par la Méditerranée au large de la capitale libanaise.
Il a présenté, au cours de la manifestation We Design Beirut qui s’est tenue fin octobre, « une réédition des petites tables de la collection “Future Memories” (exposée en 2019 par Carwan lors de l’événement Nomad Venice, NDLR) non plus en béton oxydé, mais en pierre ponce reconstituée. Refaire une pièce est toujours un prétexte pour explorer un nouveau matériau, une nouvelle technique», précise Georges Mohasseb;
Le volet architecture représente 35 % de son activité – il réhabilite en ce moment la maison de la fondatrice de Musk and Amber Gallery à Tunis –, mais Georges Mohasseb tend de plus en plus à se «focaliser sur des projets de mobilier, très intéressants et très stimulants».
L’indispensable voisinage avec les artisans
Cet engagement explique qu’il vient d’agrandir l’espace de Studio Manda, son bureaulaboratoire- atelier situé au dernier étage d’un immeuble de Jisr el Bacha, dans la banlieue industrielle de Beyrouth. Une superficie de 250 m2 à l’intérieur et de 150 m2 à l’extérieur.. la sortie du monte-charge, le regard est aimanté par une vue panoramique donnant sur une cascade de bâtiments en béton, dans un nuancier de beige et de gris.
Puis il est happé par l’étagère en verre aérienne sur laquelle s’aligne une collection de maquettes : « Il y a là tout l’ADN du studio », confie Georges Mohasseb.
Dans le bureau comme dans l’atelier, les plafonds, repeints en bleu, ont conservé les coffrages inversés en béton d’origine. Leur modernité indéfinie atteste de celle, souvent bricolée, qui s’invente quotidiennement chez les artisans et les petites entreprises du voisinage à l’ingéniosité bouillonnante.
« Le choix de cet atelier, où je suis installé depuis 2012, est indissociable de cette proximité avec ce tissu artisanal et semi-industriel. Au Liban (et ce malgré la crise économique que traverse aujourd’hui le pays, crise aggravée par une situation politique chaotique et par l’explosion dévastatrice survenue au port de Beyrouth en août 2020, NDLR), on peut encore se donner cette liberté de créer un lien très étroit entre l’artisan et le designer », témoigne, avec passion, Georges Mohasseb. Une approche collaborative, ancrée dans la richesse des savoir-faire traditionnels, mais aussi dans celles des rapports humains, un de ces luxes ultimes.
A lire aussi : A Paris, l’appartement pop du Studio Klein