Impossible de passer à côté : lors de la Milan Design Week 2024, qui avait lieu du 16 au 21 avril, le bleu Klein s’est imposé comme couleur de la saison. Le showroom de la marque Romo Fabrics s’affichait en cobalt tandis que Seletti, Nordic Knots ou encore & Tradition osaient le grand plongeon vers des profondeurs abyssales. Décryptage de la tendance de ce printemps en compagnie de la designer Tekla Evelina Severin, qui révèle les secrets de la renaissance de cette couleur légendaire.
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Obsession monochrome
Le bleu Klein est une teinte qui traverse les époques avec aisance. Tout commence en 1952, lorsque Yves Klein (1928-1962) s’envole pour le Pays du soleil levant où il fait la découverte du monochrome, un procédé qui transforme sa vision de l’art et pousse le peintre dans ses retranchements. De retour en France, l’azur se retrouve rapidement au centre de son travail. Après maintes expérimentations, il aboutit à une couleur qu’il déposera le 19 mai 1960 sous le nom de International Klein Blue (IKB), ou bleu Klein.
Électrique, vibrant, mais portant également en lui un caractère hypnotique, cet ajout à la palette chromatique absorbe la lumière et appel au toucher par son aspect poudreux. Après avoir intoxiqué le monde de l’art, le bleu Klein fera rapidement son entrée dans les univers de la mode et de la décoration, retrouvant une place de choix dans les collections de cette nouvelle saison.
Le bleu Klein, couleur du rêve
Soixante-quatre ans après sa création, cet outremer s’est imposé en maître dans le showroom de Romo Fabrics pendant la Milan Design Week 2024, au mur, sur des rideaux et du mobilier, ajoutant une profondeur à l’espace. Pour Tekla Evelina Severin à l’origine de cette installation, cette couleur est avant tout porteuse d’une signification qui traverse les époques et la séduit elle et ses contemporains. « Le bleu Klein est l’une des couleurs les plus séduisantes et les plus intenses qui soit, et je pense que c’est ce qui m’attire à elle lorsque je cherche à créer des expériences immersives », confie la designer. Une teinte qui déjà pour son créateur, invitait à l’évasion.
Selon le Niçois, la nuance, dépourvue de dimension, est définissable uniquement par sa profondeur, aussi intense que l’azur du ciel et le marine de la mer. Cette force, les designers n’ont jamais cessé de l’exploiter. « Je pense que cette couleur fait son retour depuis quelques années, je l’ai personnellement déjà utilisée en 2018, mais 2024 est certainement son année phare. À l’évidence, le design et ses tendances sont cycliques et je crois que ce retour en force est directement lié à une certaine nostalgie pour la décennie 80 mêlée à l’influence des années 30. Aujourd’hui nous retrouvons notamment le bleu Klein dans des pièces de mobilier tubulaire, ou alors associé à l’acier. Mais au-delà de la nostalgie, cette couleur porte aussi en elle une forte valeur symbolique et spirituelle. Elle invite à rêver, à s’évader, ce qui correspond parfaitement aux envies de notre époque ».
Milan Design Week 2024 : le temps de la renaissance
Après un retour en force sur les podiums des défilés de mode de l’hiver dernier (chez Balenciaga, Balmain, Burberry, Giambattista Valli, Jil Sander, Loewe ou encore Proenza Schouler), l’indigo profond conquiert désormais le monde du design et la décoration, inspirant de plus en plus de créateurs. Décliné à toutes les sauces ce printemps – mobilier, céramique, luminaire, tapis, peinture et rideaux… – rien n’échappe au coloris chouchou.
Cette teinte qui séduit sans relâche depuis plus de six décennies n’a connu aucune limite à Milan. Dans les collections, ce cobalt survolté donne un coup de fouet et de frais à des pièces tantôt imposantes, tantôt discrètes, captivant avec aisance le regard de l’assistance. Les grandes enseignes scandinaves en déclinent leurs pièces emblématiques. Il faut dire que cet indigo, si fameux qu’il est entré dans la palette chromatique classique, procure un maximum d’effets pour un minimum de risques.
En petit format, &Tradition électrise sa lampe Flowerpot, tandis que le canapé Develius s’exhibe lui aussi en bleu Klein. Nordic Knots, le spécialiste du tapis, propose de son côté de transformer un espace par l’ajout d’un tapis qui n’a pas froid aux yeux. Le modèle Modern s’affiche dans une géométrie stricte, rappelant les toiles du maître, le monochrome bousculé par des détails crème qui apportent une dimension presque tridimensionnelle à l’objet. Chez La Chance, ce sont les formes organiques qui se teintent de cobalt, électrifiant un sol aux tonalités neutres.
Plus intense qu’un marine, plus facile qu’un shocking pink
La force du bleu Klein réside également dans sa capacité à transformer un objet sans toucher à la simplicité de ses lignes. La chaise Galta éditée par la maison Kann Design en est la preuve : sa géométrie simple et directe se voyant immédiatement rehaussée par la couleur du peintre. Nous retrouvons la même approche avec le chariot imaginé par noo.ma : son esthétique dépouillée fondée sur la netteté des lignes du métal change immédiatement d’identité une fois la couleur vive appliquée à son design épuré.
Dans un tout autre registre, l’installation proposée par Seletti – toujours pendant la Milan Design Week 2024 – s’imprimait elle aussi sur les rétines des visiteurs. Tables d’appoint, vases et pots inspirés par la Grèce Antique ont délaissé leurs robes immaculées au profit d’une parure bleu Klein, apportant un caractère contemporain à cette esthétique venue d’une époque révolue.
Chez Ferm Living, le vase Verso ose, tandis que le plateau Lake de Pulpo éclabousse l’espace tandis que dans le showroom Romo revisité par Tekla Evelina Severin, les murs se colorent de cette couleur azur, visant à la création d’une profondeur qui rappelle sans équivoque les toiles d’Yves Klein, influençant designers et créateurs plus d’un demi-siècle plus tard.
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