Quelle retraite pour les designers ?

Le 14 avril prochain, le Conseil constitutionnel tranchera sur la conformité du projet de loi sur la réforme des retraites. S’il est fortement décrié par les Français, qu’en est-il dans le milieu feutré du monde du design ?

Fin des régimes spéciaux, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, emploi des seniors, petites pensions… Voilà des expressions que l’on a peu l’habitude d’entendre au pays de Charlotte Perriand. Et pourtant, si le Conseil des sages valide le projet de loi sur la réforme des retraites, les designers pourraient y être soumis comme tous les 67 millions de Français.



La designeuse phocéenne Margaux Keller ne se sent pas concernée et n’envisage pas vraiment la retraite : « Je me vois bien avec beaucoup de cheveux blancs, à peindre, dans une maison du Luberon, et ne plus être dans le stress permanent qu’implique le fonctionnement d’une entreprise, mais créer, aller toujours plus loin, me surprendre moi-même, surprendre les autres : ça je n’arrêterai jamais. »D’autant plus, souligne la créatrice, que le métier, n’est pas « difficile physiquement.

« Je pense plutôt à capitaliser, à investir dans la pierre » – Axel Chay

Même son de cloche chez Axel Chay. « Personnellement je ne compte pas là-dessus. Quand je serai en âge de partir à la retraite, le système aura  changé, je cherche pas à me leurrer là-dessus. »

Un désintérêt justifié par la nature des statuts du secteur : « Nous sommes des entrepreneurs, la cotisation on y pense pas vraiment. Pour ma part je pense plutôt à capitaliser, à investir dans la pierre, des choses de cet ordre. Cette réforme des retraites, je ne me sens pas concerné. »

Quid des statuts ?

Marie-Noëlle Bayard de l’Alliance France Design, premier syndicat national des designers, en charge du dossier des retraites nous en dit plus : « Nous avons quelques designers salariés en entreprise, mais nous sommes principalement des indépendants sous divers statuts.  Il y a la profession libérale, c’est un non salarié qui paie ses charges de son côté, puis ceux qui ont des sociétés qui en sont les gérants ou les salariés.  Depuis octobre 2020, il y aussi le statut d’artiste-auteur qui auparavant était seulement pour les graphistes et designers du textile. Enfin, nous avons quelques auto-entrepreneurs qui sont souvent des jeunes qui sortent des écoles, et qui sont mal dirigés. Mais après quelques mois d’activité, ils sont obligés de changer parce que cela ne correspond pas à leur profession. Ça n’est pas un bon statut. » affirme-t-elle.

Lequel serait donc le plus favorisé ? Sans détour, l’artiste-auteur, car il cotise au régime général des salariés tout en étant indépendant. De ce fait, « il a une retraite complémentaire obligatoire qui offre une très bonne couverture. »

Des indépendants qui ne seraient pas alarmés si le texte de loi est validé. « Pour les indépendants cela ne change pas grand-chose. Parce que lorsque l’on a une activité professionnelle et qu’elle fonctionne, on n’est pas pressé de prendre sa retraite. Donc deux ans de plus ne feront pas la différence. Ce qui va faire la différence en revanche, c’est l’environnement des pratiques professionnelles, et c’est là-dessus que nous travaillons à l’AFD : avoir une meilleure reconnaissance auprès de nos diffuseurs, avoir de meilleures rémunérations, faire en sorte que les femmes soient aussi bien payées que les hommes, mettre la formation continue en œuvre pour tous nos designers, etc.»

Marie-Noëlle Bayard rappelle que le syndicat a notamment obtenu en 2017 une réforme pour le statut d’artiste-auteur. « Le régime a été modifié et nous avons augmenté les cotisations, pour qu’en fin de carrière, nous ayons au moins 30 % de nos rémunérations offert par la complémentaire en plus de la base, ce qui n’était pas le cas avant 2017. »