Pour célébrer ses 150 ans d’existence, Tissage Moutet, l’une des quelques entreprises de linge de table et de cuisine qui subsistent en France, a eu une idée: demander à la designeuse Élise Fouin de réaliser une collection capsule pour marquer l’événement.
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En chemin avec Élise Fouin
Baptisée « Pinaceae » et composée de nappes, de serviettes et chemins de table, de torchons et de foutas, celle-ci s’inspire du pin des Landes, l’essence typique du paysage basque. Tissage Moutet y est installée depuis cinq générations, à Orthez précisément. « Pinaceae » développe deux thèmes: les aiguilles et les bouquets d’aiguilles de pins, deux motifs déclinés en divers coloris.
« C’est à la fois une façon de marquer l’ancrage territorial en s’en inspirant et un pont avec “Aiguille”, une précédente collection que j’avais réalisée avec la marque et qui puisait pour sa part dans les forêts du Jura dont je suis originaire », indique Elise Fouin.
En 2021, elle était venue, en effet, frapper à la porte de la manufacture pour y développer le tissage jacquard « Aiguille ». « Tissage Moutet a créé le programme “Usine ouverte”, qui offre la possibilité à chacun de créer son propre textile en pièce unique ou en petite série. J’ai été particulièrement sensible à cette initiative originale, lancée par l’un des derniers tisseurs de linge basque français ! C’est une belle façon de mêler création et savoir-faire. »
Élise Fouin ne s’est pas intéressée à « Usine ouverte » sans raison. Depuis sa formation à l’école Boulle en orfèvrerie, puis en design de mobilier et d’objet, la designeuse nourrit ses créations d’une réflexion sur le faire, l’usage raisonné de la matière, le réemploi… Les techniques, procédés, secrets d’atelier la passionnent, ceux qui les maîtrisent, encore plus.
Dans sa démarche, elle met d’ailleurs un point d’honneur à visiter chaque site industriel de ceux avec qui elle est amenée à collaborer. « Mon but est de promouvoir les savoir-faire et le design que je porte dans ma pratique depuis des années, indique Elise Fouin. Pour beaucoup de designers, le Graal est d’être édité par les marques italiennes. Pour moi qui suis animée d’une sensibilité écologique, il s’agit plutôt de valoriser ce qui existe autour de nous, de maintenir nos savoir-faire et donc de pousser la porte d’entreprises françaises pour, en reconnaissant leur valeur, soutenir leur spécificité. »
Apprentissage mutuel
Plutôt que de se lancer à l’assaut de la Botte, Élise Fouin a choisi d’entamer son tour de France des savoir-faire auprès d’entreprises qu’elle a repérées. Elle a choisi une date symbolique, le 26 juin 2021 (jour de lancement du Tour de France), avec pour première étape la verrerie La Rochère, basée en Haute-Saône.
Cette entreprise qui recourt à la technique du verre multicouche, utilisée en son temps par Émile Gallé (1846-1904), a accueilli la designeuse qui y a créé les lampes Lépiote, autoéditées en 8 exemplaires numérotés.
« Ce mode de fonctionnement m’offre la liberté de diriger le projet et de créer des objets d’art dans un contexte industriel, constate-t-elle. Il me permet d’apprendre des techniques, mais aussi d’apporter mon expérience du design dans ces entreprises. »
Tissage Moutet a été sa deuxième étape, suivie de la Tournerie de Bourgogne Colin&Fils, en Saône-et-Loire, et de l’atelier de prototypes Ufacto, dans le Val-d’Oise, avec qui elle a produit la lampe Girouette. En chêne massif de Bourgogne-Franche-Comté, chaque pièce a été tournée entre la Bourgogne et Paris.
« C’est un produit low-tech, qui utilise très peu d’éléments, dit Elise Fouin. Il optimise la matière, le transport qui s’effectue à plat. » Dernière étape en date, la Verrerie Soufflée & Normalisée, à Paris, avec laquelle la designeuse a détourné l’usage du verre borosilicate, utilisé dans les laboratoires pharmaceutiques, afin d’imaginer une collection de vases. Une créativité sans bornes.
> Plus d’informations sur cette collection ici.
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