Art Paris 2022 : 12 artistes qui conjuguent l’art avec l’écologie

Focus sur la nouvelle édition d'Art Paris.

Après le succès de l’édition 2021 qui a su attirer, en pleine pandémie, 72 746 visiteurs, Art Paris 2022 réunit de nouveau, du 7 au 10 avril, sous le dôme du Grand Palais Éphémère, quelque 130 galeries originaires de 23 pays. Au parcours habituel, ponctué d’une section de 17 « Solo shows » et de 9 stands consacrés au secteur « Promesses » (des enseignes de moins de six ans d’existence), s’ajoutent deux thématiques bien dans l’ère du temps : « Art et environnement », consacrée aux enjeux écologiques, et « Histoires naturelles », où les plasticiens français évoquent le règne animal et végétal. En voici 12 incontournables.


1 – Carole Benzaken, peintre d’images

Magnolias 35 par Carole Benzaken (2021), galerie Nathalie Obadia
Magnolias 35 par Carole Benzaken (2021), galerie Nathalie Obadia Carole Benzaken

Qu’importe la fleur… De la série des « Tulipes » représentées au début de sa carrière à celle des « Magnolias », Carole Benzaken (1964-) – lauréate du prix Marcel Duchamp, en 2004 – suit un même chemin : saisir le réel à partir d’images glanées de-ci de-là dans la presse ou sur Internet. Résultat : ses tableaux sont abstraits et figuratifs à la fois, sensuels et emplis d’énergie, vibrants de couleur et de matière. Sous les multiples couches, se révèle un ensemble de possibles, à découvrir « pas à pas » – comme le titre de l’une de ses dernières expositions – jusqu’à ce qu’une pensée finisse par émerger. Une pensée née d’images du passé et qui raconte le présent.

> Galerie Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles), Stand C6 à Art Paris 2022


2 – Gilles Aillaud, entre nature et culture

Coatis jaunes par Gilles Aillaud (1982), galerie Loevenbruck
Coatis jaunes par Gilles Aillaud (1982), galerie Loevenbruck Gilles Aillaud

Une vue frontale de coatis (mammifères carnivores d’Amérique du Sud) en captivité. Le sujet n’a rien d’extravagant pour Gilles Aillaud (1928-2005), l’un des pionniers de la Figuration narrative, qui a peint quantité de tableaux peuplés de rhinocéros, de panthères, d’hippopotames. Ces Coatis jaunes évoluent dans une cage dénuée de barreaux, semblant entrer et sortir du cadre délimité par le créateur, comme le feraient des personnages sur une scène. Serait-ce une réminiscence de son ancien métier de décorateur de théâtre ou une façon d’interroger les rapports de l’homme et de la nature, voire la notion de liberté ?

> Galerie Loevenbruck (Paris), Stand E6 à Art Paris 2022


3 – Philippe Cognée, maître de l’illusion

Étude pour paysage tourmenté n°8 par Philippe Cognée (2021), galerie Templon
Étude pour paysage tourmenté n°8 par Philippe Cognée (2021), galerie Templon Philippe Cognée

Peinture à l’encaustique, fil plastique et fer à repasser : le processus de création de Philippe Cognée (1957-) est devenu sa signature. Cette technique permet d’enfouir le sujet dans la matière, de piéger l’image sous une surface glacée. « Je pars d’une peinture réaliste pour aboutir à une peinture d’illusions, d’où le réalisme s’échappe », déclare-t-il. En témoigne cette Étude pour un paysage tourmenté n° 8 réalisée en atelier, pendant la pandémie, dans la campagne nantaise, une monochromie de verts laissant deviner un coin de ciel bleu. Fusion des teintes, confusion des plans, cette forêt pétrifiée apparaît comme une métaphore du confinement.

> Galerie Templon (Paris, Bruxelles), Stand D12 à Art Paris 2022


 4 – Lionel Sabatté, le champ magnétique

Paysages d’outre-cîmes par Lionel Sabatté, galerie 8+4
Paysages d’outre-cîmes par Lionel Sabatté, galerie 8+4 Lionel Sabatté

En 1920, Man Ray photographiait un Élevage de poussière. Un siècle plus tard, Lionel Sabatté (1975-) sculpte des loups avec des moutons de poussière collectés dans les couloirs de la station de métro Châtelet, à Paris, des chouettes avec des peaux mortes, des papillons avec des rognures d’ongles. Une obscène beauté. Sa fascination pour la transformation de la matière s’exprime aussi à travers des dessins ou des peintures comme ce Paysage d’outre-cimes. Au-delà du sommet, quand la nature défigurée redevient magma à l’image de cette sérigraphie sur plaque de métal abîmée par des oxydes.

> Galerie 8+4 (Paris), Stand A12 à Art Paris 2022


5 – Elsa Guillaume, artiste à la mer

Gills n°1 par Elsa Guillaume, galerie Backlash
Gills n°1 par Elsa Guillaume, galerie Backlash Elsa Guillaume

« Collecter les ombres. Mesurer l’écume », « Tritonades & Coelacanthe » ou encore « Archipels », les titres des expositions d’Elsa Guillaume (1989-), diplômée des Beaux-Arts en 2013, traduisent toute sa fascination pour les profondeurs marines. À travers dessins, pièces en céramique ou en verre soufflé, elle invite à un voyage vers les abysses, une exploration poétique et tragique quand il s’agit d’évoquer – avec notamment cette sculpture en faïence émaillée baptisée Gills n° 1 (branchies) – les dangers de la pollution et de la pêche intensive.

> Backslash (Paris), stand A4


6 – Suzanne Husky, tapisserie éco-féministe

Protect the sacred par Suzanne Husky, galerie Alain Gutharc
Protect the sacred par Suzanne Husky, galerie Alain Gutharc Suzanne Husky

Oui, Protect the Sacred est bien une tapisserie. Mais si le médium est historique, le thème est bien actuel : des manifestants affrontent des CRS armés, des tanks et des pelleteuses défigurent les campagnes. Cette violence mondiale contemporaine est atténuée par un hommage à la femme, à travers la figure de la sirène ou de la sorcière, qui protège la nature sans chercher à la dominer. Tel est le message éco-féministe défendu par Suzanne Husky (1975-), diplômée des Beaux-Arts et formée au paysagisme horticole, avec cette œuvre protéiforme qui marie le militantisme à la douceur de la tenture.

> Galerie Alain Gutharc (Paris),Stand A9 à Art Paris 2022


7 – Zanele Muholi, face-à-face

Liyema (2021) par Zanele Muholi – galerie Carole Kvasnevski
Liyema (2021) par Zanele Muholi – galerie Carole Kvasnevski Carole Kvasnevski

Formée à l’école fondée par le mythique photographe David Goldblatt, Zanele Muholi (1972-), née à Umlazi, en Afrique du Sud, se qualifie d’activiste visuelle. De 2006 à 2014, elle a immortalisé les membres de la communauté queer, souvent victimes d’homophobie, leur rendant leur dignité à travers de majestueux portraits en noir et blanc. Cette série intitulée « Faces and Phases », enrichie d’autoportraits aux parures extravagantes, semble se poursuivre avec ces peintures qui respectent le même protocole : un fond neutre, une vue frontale et un sujet qui observe fièrement l’objectif. Un tableau qui mémorise un visage à la manière d’une photo d’identité.

> Galerie Carole Kvasnevski (Paris), Stand J8


8 – Marion Boehm, tisseuse d’histoire

Tambourine par Marion Boehm (2021), Loft Art Gallery
Tambourine par Marion Boehm (2021), Loft Art Gallery Marion Boehm

C’est en s’installant en Afrique du Sud en 2010 que Marion Boehm (1964-) commence sa carrière artistique. Inspirée par l’art du recyclage des matériaux pratiqué dans certaines localités de Soweto, elle crée alors des collages à partir de portraits en noir et blanc qu’elle retouche au fusain et enrichit de wax, de dentelle et de velours évoquant la période coloniale tandis que les parties visibles du corps – les visages et les mains – sont recouvertes d’extraits de journaux retraçant le quotidien d’un township. Réalisée dans la région de la tribu des Ghomara, dans le nord du Maroc, cette dernière série permet à Marion Boehm de nourrir ailleurs le même dessein : réconcilier le passé et le présent.

> Loft Art Gallery (Casablanca), Stand I6


9 – Alia Ali, le fil identitaire

Helix 2 Diptych (2021) par Alia Ali, 193 Gallery
Helix 2 Diptych (2021) par Alia Ali, 193 Gallery Alia Ali

De ses linguistes de parents, Alia Ali (1985-), originaire du Yémen et de Bosnie, aujourd’hui installée aux États-Unis, a gardé le goût des langues et des voyages. Deux caractéristiques qui résonnent dans chacune de ses œuvres en textile – « Le fondement de l’humanité », précise-t-elle – qui lui permettent d’interroger les notions de colonisation, de sexisme et de racisme. En effet, les silhouettes qui émergent de ce décor fait de wax, de batik ou de laine masai, pourraient être celles de migrants contraints de nier leur propre culture pour embrasser celle de leur pays d’accueil.

> 193 Gallery (Paris), Stand F1 à Art Paris 2022


10 – Jihee Han, abstraction « paysagée »

Mon Cosmos par Jihee Han, gallery m9
Mon Cosmos par Jihee Han, gallery m9 Jihee Han

Elle est née en 1985 à Séoul. Son univers ? La mer, la montagne, les glaciers… qu’elle représente à l’aide de larges aplats. Pourtant, Jihee Han déclare : « Nombre d’artistes qui ont pris le parti d’exprimer le monde invisible empruntent également à la nature. » Autrement dit, ses tableaux au format XXL, dont la figure humaine est absente, refléteraient un paysage intérieur ; ce qu’elle définit comme « un paysage dépaysé », soit une composition qui ne fait que traduire l’émotion ressentie face aux éléments, au mouvement de ce monde en perpétuel changement. Une exploration en bleu et blanc des états d’âme.

Tambourine par Marion Boehm, Loft Art Gallery


11 – Ugo Schiavi, plâtre et ciment

Main (2021) par Ugo Schiavi, Double V Gallery
Main (2021) par Ugo Schiavi, Double V Gallery Ugo Schiavi

Ce qui intéresse Ugo Schiavi (1991-), c’est la représentation de corps pétrifiés, tels ceux de Pompéi, mais souvent porteurs d’emblèmes actuels (capuches, baskets, sweat-shirts…) modelés sur des proches ou sur des statues. L’artiste capture le présent et le détourne en le solidifiant avec du béton, du plomb ou de l’acier jusqu’à lui donner des allures de vestiges archéologiques. Ce grand écart entre la statuaire antique et le monde contemporain permet à ce diplômé de la Villa Arson (Nice) de créer une autre mythologie, d’apporter un témoignage poétique sur notre réalité.

> Double V Gallery (Marseille, Paris), Stand H14 à Art Paris 2022


12 – Alina Frieske, un écho lointain

Upstream, Alina Frieske, galerie Fabienne Levy
Upstream, Alina Frieske, galerie Fabienne Levy Alina Frieske

Peintures ou photographies ? La méthode de l’Allemande Alina Frieske (1994-) est si particulière que le doute est permis. D’abord, elle collecte des images sur les réseaux sociaux, puis elle en extrait des fragments avant de recomposer un portrait, se servant de l’outil numérique comme d’un pinceau. Si les abonnés d’Instagram ou de Facebook manipulent leurs profils pour les rendre plus désirables, elle crée d’autres personnages qui deviennent les fantômes des originaux. D’ailleurs, ne les a-t-elle pas présentés lors du festival Images Vevey, en Suisse, en 2020, sous le titre Abglanz, c’est-à-dire « pâle reflet » ?

> Fabienne Levy (Lausanne), Stand H12

Art Paris 2022, du 7 au 10 avril. Artparis.com