Zanele Muholi : le pouvoir des photos dans la construction de l’identité

Si la photographie a toujours été utilisée en politique, rares sont les pratiques qui en usent comme levier de façon aussi affûtée que celle de Zanele Muholi, photographe non-binaire activiste sud-africain·e.

Son travail fait l’effet d’un véritable coup de poing sur la table. En réalisant la majeure partie de ses photographies en noir et blanc, Zanele Muholi cherche à questionner les représentations associées aux clichés qui entourent les personnes noires et plus particulièrement celles appartenant à la communauté LGBTQIA+. À Paris, la Maison européenne de la photographie lui consacre une première rétrospective qui interroge le pouvoir de l’image pour asseoir une identité. 

Sebenzile, Parktown (2016)
Sebenzile, Parktown (2016) Zanele Muholi

Avec son appareil photo comme outil permettant de révéler les injustices, iel arpente l’Afrique du Sud pour documenter les conséquences des changements sociaux et politiques sur cette communauté, mais aussi des moments plus intimes et quotidiens. Ainsi plusieurs de ses œuvres présentées à la MEP rendent compte de ce rapport militant à l’image qui oscille entre documentaire et fiction.

Bester V, Mayotte (2015) de Zanele Muholi.
Bester V, Mayotte (2015) de Zanele Muholi. Zanele Muholi

En témoigne, par exemple, la série « Brave Beauties », qui donne à voir des portraits de participant·es à des concours de beauté queer, elle-même placée non loin de la série d’autoportraits « Miss Lesbian I-VII » dans laquelle l’artiste incarne une reine de beauté.

Bester I, Mayotte (2015).
Bester I, Mayotte (2015). Zanele Muholi

Les performances de véritables candidat·es sont capturées pour attester d’une volonté de changer les mentalités dans un univers qui obéit à des règles discriminantes. À côté, des photographies dans lesquels Zanele Muholi se met en scène révèlent un goût pour le jeu et la personnification, d’ailleurs présent dans d’autres travaux.

Des clichés inclusifs

Ntozakhe II, Parktown, (2016).
Ntozakhe II, Parktown, (2016). Zanele Muholi

À l’instar de sa célèbre série d’autoportraits « Somnyama Ngonyama » dans laquelle iel accentue volontairement les contrastes pour exagérer la noirceur de sa peau, l’artiste démultipliant son « je ». Si ces autoportraits rappellent à bien des égards ceux de Cindy Sherman ou de Samuel Fosso par leur caractère autofictif, ils témoignent dans cette exposition de la volonté de représenter des archétypes liés à leur origine ethnique.

Qiniso, The Sails, Durban, (2019).
Qiniso, The Sails, Durban, (2019). Zanele Muholi

Zanele Muholi fait ainsi référence aux domestiques ou aux esclaves grâce à l’utilisation d’objets détournés dotés d’une forte charge symbolique. Pour prolonger l’expérience, l’exposition s’achève par une salle de lecture et un espace de conversation afin d’approfondir les réflexions suscitées par ce travail engagé.

> « Zanele Muholi ». À la Maison européenne de la photographie, à Paris, du 1er février au 21 mai. Mep-fr.org

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