Air France sur un petit nuage

Mi-Pégase, mi-dragon, le symbole historique figurant sur l’empennage des 240 appareils flotte au-dessus de quelque 200 destinations. Depuis sa fondation le 7 octobre 1933, Air France a grandi, évolué, tout en gardant ce cap : proposer un voyage empreint d’art de vivre à la française. Aussi, dès les années 50, la compagnie chasse-t-elle les talents pour répondre à sa quête d’élégance, faisant appel à des grands couturiers comme à la crème des designers, architectes, artistes ou chefs étoilés.

Nous offrir le ciel, Air France sait faire depuis quatre-vingt-dix ans. Certes, il y a eu des hauts et des bas depuis son inauguration, en 1933. La compagnie a connu son âge d’or en 1960, quand les premiers jets à destination de New York avaient tout de l’hôtel volant au luxe inouï avec, déjà, cabines privées et fauteuils-couchettes. Mais elle a aussi frôlé la faillite après la guerre du Golfe, en 2004.


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Air France : l’expérience de l’exclusif

Depuis la refonte et de nouveaux partenariats, Air France-KLM affiche à nouveau un trafic record. Ses résultats lui donnent des ailes au point d’annoncer des embauches (de pilotes, par exemple) et de fêter son anniversaire en grande pompe. L’occasion pour nous de grimper sur la passerelle pour une vue panoramique entre passé et futur au travers de son patrimoine foisonnant et souvent innovant.

Le salon du terminal 2F a été pensé par l’agence Jouin Manku en 2021. Y sont accueillis les clients Business et Flying Blue Elite Plus du réseau court et moyen-courrier de l’espace Schengen d’Air France.
Le salon du terminal 2F a été pensé par l’agence Jouin Manku en 2021. Y sont accueillis les clients Business et Flying Blue Elite Plus du réseau court et moyen-courrier de l’espace Schengen d’Air France. Jérôme Galland

Qui n’a pas eu un cocorico au cœur, quelque part dans le monde, en repérant sur la piste l’hippocampe ailé dessiné sur la proue (« la crevette », comme l’appelle le personnel navigant) ? Dans sa version récente dite « au fil », il symbolise l’univers La Première, l’expérience de voyage la plus exclusive de la compagnie aérienne. Ses salons, et ceux de la classe Business, sont signés par des designers et des architectes de renom international, et le service y a tout du palace.

En 1970, l’architecte d’intérieur et designer français Pierre Gautier-Delaye remporte le prix de la plus belle façade de la Ve Avenue, à New York, avec le design de l’agence Air France.
En 1970, l’architecte d’intérieur et designer français Pierre Gautier-Delaye remporte le prix de la plus belle façade de la Ve Avenue, à New York, avec le design de l’agence Air France. Collection Patrimoine Air France

À l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, certains ont peut-être eu la chance de découvrir le salon La Première au décor rouge et blanc de l’architecte Didier Lefort (2010), ou, au terminal 2E, dans le hall M, l’espace Business de Noé Duchaufour-Lawrance, imaginé avec Brandimage tel un parc en rupture avec l’ambiance de l’aéroport (2012). Le bar (hall L) magnifié par Mathieu Lehanneur donne quant à lui la sensation d’un balcon tout en courbes face à la skyline des pistes, tandis que le salon du terminal 2F, pensé par le studio Jouin Manku (en 2021), offre un aperçu délicat de l’art de voyager à la française. On retiendra aussi Jean-Marie Massaud, qui a signé les arts de la table de La Première et de la Business. Cette envolée vers toujours plus de confort n’est pas finie.

En 1957, Air France sollicite Charlotte Perriand pour moderniser ses agences à travers le monde. La designeuse met en œuvre ce qu’elle appelle « l’art de rue ». Elle installe des photos, des dômes vitrés, des meubles écrans, des dalles et des rangements.
En 1957, Air France sollicite Charlotte Perriand pour moderniser ses agences à travers le monde. La designeuse met en œuvre ce qu’elle appelle « l’art de rue ». Elle installe des photos, des dômes vitrés, des meubles écrans, des dalles et des rangements. Collection Patrimoine Air France

« Depuis quatre-vingt-dix ans, Air France se préoccupe de la montée en élégance de ses cabines », explique Véronique Jeanclerc, directrice architecture et design, expérience client sol et salon d’Air France. « Nous renouvelons actuellement notre flotte avec des Airbus A350 et A220 sur les longs, moyens et courts-courriers. Le niveau de confort y est optimum, comme ce siège Business équipé d’une porte coulissante pour améliorer l’intimité du passager. La Premium Economy dispose d’un siège avec position relax du dossier qui s’incline largement – les assises sont aussi remplacées sur les appareils plus anciens. Pour La Première, une cabine inédite sera dévoilée cette année. Enfin, nous voulons accompagner nos clients de A à Z et nous testons, à Paris, un service de prise en charge des bagages, au domicile ou dans des hôtels sélectionnés, qui seront ensuite enregistrés, pour toute personne qui le demande. »

Maquette du Concorde dans l’agence Air France de Berlin. Cet avion supersonique, baptisé « le grand oiseau blanc », fut en service de 1976 à 2003. Il reliait Paris et New York en 3h30. Sa forme élancée et son « aile gothique » sont restées dans toutes les mémoires.
Maquette du Concorde dans l’agence Air France de Berlin. Cet avion supersonique, baptisé « le grand oiseau blanc », fut en service de 1976 à 2003. Il reliait Paris et New York en 3h30. Sa forme élancée et son « aile gothique » sont restées dans toutes les mémoires. Collection Patrimoine Air France

Art embarqué et goût français

Cette quête incessante du chic a débuté en 1950 avec Jean Prouvé et Charlotte Perriand, chargés de construire l’unité d’habitation du personnel Air France à Brazzaville, au Congo. L’architecte et designeuse signera aussi les agences de Paris, Tokyo, Londres aux décors stylisés : photos, dômes vitrés, meubles écrans, rangements… Pendant ce temps, Raymond Loewy, inventeur de logos célèbres (Lu, Shell ou New Man), aménage l’intérieur des avions Super Constellation.

En 1976, Air France revient vers Charlotte Perriand et lui confie la première version du Concorde, reliant Paris et New York en 3h30 : décor du salon d’accueil à Paris-Charles de Gaulle, fauteuils Le Corbusier, cabine aux sièges colorés, éclairage, vaisselle et plateaux-repas.

L’agence Air France de Londres, dont le design intérieur a été confié à Charlotte Perriand, a vu sa conception architecturale assurée par Michel Weill associé à Thomas et Peter H. Braddock dans les années 50.
L’agence Air France de Londres, dont le design intérieur a été confié à Charlotte Perriand, a vu sa conception architecturale assurée par Michel Weill associé à Thomas et Peter H. Braddock dans les années 50. Collection Patrimoine Air France

Prendre l’avion dans les années 60-70 est un privilège réservé à une élite habituée au luxe, si bien que les bars des Boeing 707 s’ornent de toiles de maîtres et de tapisseries d’Aubusson aux motifs signés Sonia Delaunay, Camille Hilaire, Georges Mathieu, Pierre Soulages ou encore Alfred Manessier. De nos jours, les salons La Première exposent des pièces prestigieuses dont, dernièrement, une œuvre en bronze de Gérard Garouste.

Fin des années 70, Pierre Gautier-Delaye rénove les soixante-dix agences, dont celle des Champs-Élysées où il ajoute un bandeau en acier inoxydable qui fera date. Il impose les portes à ouverture automatique, les comptoirs de vente alignés sur des marches surélevées ou les planchers colorés. Il aménage le Boeing 747 – qui coïncide avec la démocratisation du transport aérien – et redonne des couleurs au Concorde entre 1985 et 1988, avec le rouge tulipe, le bleu et le beige.

Le comptoir de réception Air France à l’aéroport JFK.
Le comptoir de réception Air France à l’aéroport JFK. Collection Patrimoine Air France

Puis, toujours pour le Concorde, en 1994, Andrée Putman rafraîchit le sol d’une moquette géométrique noire et blanche et propose un plateau-repas en carton ondulé-plissé. La gastronomie n’est pas un détail, en témoigne la carte des menus dessinée par Pierre Alechinsky, Zao Wou-Ki ou Christian Lacroix. Loin des sandwichs spartiates des années 40, les mets sont conçus par des chefs de renom depuis 1973, puis mis au point par la filiale Servair pour 55 millions de voyageurs. Des étoilés tels qu’Anne-Sophie Pic régalent les passagers de La Première et de la Business.

Les autres cabines sont mises en appétit par des chefs régionaux soucieux de pêche durable et de produits locaux tandis que, et c’est unique au monde, du champagne est offert à chaque voyageur sur les longs-courriers.

Le tailleur d’été de couleur rose créé par Cristobal Balenciaga est porté par une hôtesse de l’air, qui pose au pied de la Caravelle III en 1969.
Le tailleur d’été de couleur rose créé par Cristobal Balenciaga est porté par une hôtesse de l’air, qui pose au pied de la Caravelle III en 1969. Collection Patrimoine Air France

L’uniforme couture

À bord des avions, hôtesses de l’air et stewards à la silhouette impeccable s’activent aujourd’hui dans leur uniforme reconnaissable entre mille, imaginé par Christian Lacroix. Là encore, le mythique vestiaire du personnel navigant a évolué au fil des modes, depuis les tenues militaires sévères de 1933, jusqu’au dressing aérien des décennies suivantes confié à Dior, Cristobal Balenciaga, Nina Ricci, Jean Patou et autres grandes maisons.

Les clichés d’hier détaillent les tailleurs marine, puis blancs, roses, sable, ciel ou tricolores, boutonnés, à motifs ou unis, en coton ou en laine, et le nœud à la taille conservé comme un trésor.

Hôtesses de l’air revêtues de l’uniforme signé Marc Bohan pour Dior devant un Boeing B707 en 1963.
Hôtesses de l’air revêtues de l’uniforme signé Marc Bohan pour Dior devant un Boeing B707 en 1963. Collection Patrimoine Air France

Ces images dévoilent également les bibis improbables des hôtesses de l’air : toques, bérets, tambourins, calots, képis et foulards coiffent ces sculptures de cheveux laqués d’où nulle mèche folle ne peut s’échapper. Les photographies de Karl Hab (qui est aussi ingénieur aéronautique!) sont un formidable moyen de revivre ces années-là. Elles viennent d’être réunies dans un bel ouvrage, à feuilleter comme on voyage… dans le temps.


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