Les 10 designers italiens à connaître absolument

On leur doit nombre de pièces de mobilier iconiques, zoom sur les dix figures légendaires du design italien.

Lampe Pipistrello, Snoopy ou Atollo, les designers italiens sont sans doute les plus prolifiques en matière de pièces culte. D’Achille Castiglioni à Ettore Sottsass en passant par Gio Ponti, IDEAT dresse le portrait des maestri transalpins qui ont marqué l’histoire.


1 – Achille Castiglioni

Les frères Castiglioni.
Les frères Castiglioni. LUCIANO FERRI / COURTESY FONDAZIONE ACHILLE CASTIGLIONI

Né le 16 février 1918 à Milan, Achille Castiglioni est un architecte et un designer italien parmi les plus renommés. Il a grandi dans une famille bourgeoise passionnée par l’art, auprès de ses deux frères aînés, Pier Giacomo et Livio. Diplômé d’architecture, il rejoint le studio fondé par ses frères en 1944.

Quand leur frère Livio vogue solo en 1953, Pier Giacomo et Achille Castiglioni s’orientent vers le design et conçoivent des objects utilitaires et simples. « Il doit y avoir de l’ironie, à la fois dans le design et les objets. Je vois autour de moi une maladie professionnelle : celle de de prendre chaque chose trop au sérieux. Un de mes secrets est toujours de plaisanter… »

En 1955, pour sa lampe Luminator, Achille Castiglioni reçoit le premier d’une série de neuf Compasso d’Oro, le prix le plus prestigieux du design italien. L’éclairage passionne Achille Castiglioni et il va bientôt avoir l’occasion de le démontrer à grande échelle…

Publicité Flos pour la lampe Snoopy
Publicité Flos pour la lampe Snoopy Flos

Au début des années 60, les Castiglioni débordent d’idées, que Flos ne tarde pas à éditer. Le lampadaire Arco (1962), best-seller des Castiglioni, emploie un bloc de marbre de Carrare de 65 kg comme contre-poids à son immense bras qui permet d’amener de la lumière où l’on veut dans son salon. Viennent ensuite la lampe Snoopy (1967) ou la Parentesi (1971). Féru de technologie, Castiglioni dessine pour Brionvega une chaîne hi-fi révolutionnaire. Quand Achille Castiglioni s’éteint le 2 décembre 2002, l’Italie salue les 150 meubles et lampes de ce créateur de génie qui aura réussi à faire la synthèse entre la rigueur du Bauhaus et la fantaisie italienne…

S’il fallait retenir une pièce d’Achille Castiglioni …

Platine Radiofonografo RR126 – Brionvega
Platine Radiofonografo RR126 – Brionvega Brionvega

> Pour en savoir plus sur Achille Castiglioni, lisez son portrait en intégralité ici. 


2 – Gio Ponti

Gio Ponti
Gio Ponti Gio Ponti archives / Cassina

Gio Ponti naît à Milan, en 1891, dans une famille aisée. Ses études d’architecture au Politecnico sont interrompues par la Première Guerre mondiale : il rejoint alors le corps des ingénieurs. Finalement diplômé en 1921, il cultive tout de suite un goût pour la décoration. Aménagements intérieurs, motifs, céramiques … Gio Ponti se considère comme un peintre tombé amoureux de l’architecture.

Deux ans après la fin de ses études, il est déjà nommé directeur artistique de la maison de porcelaine Ginori. En 1925, il rencontre l’héritier de Christofle, Tony Bouilhet, lequel lui commande une villa à Garches, en région parisienne. Gio Ponti la baptisera « L’Ange Volant». Cette demeure incarne aux yeux de l’architecte italien la maison contemporaine qui puise dans l’histoire des arts sa modernité. A rebours de Le Corbusier qui, à la même époque, souhaite rompre avec l’architecture classique et crée des « machines à habiter »… Le projet sera également pour Gio Ponti l’occasion d’épouser Carla Borletti, nièce du propriétaire.

Gio Ponti a beau défendre les savoir-faire italiens, il milite aussi pour qu’ils se rapprochent de l’industrie. A cet égard, il crée en 1928 la revue Domus qui soutient les créateurs italiens et la crème du design et de l’architecture mondiale : c’est ainsi que l’Europe découvre les Eames et Le Corbusier… En 1933, Ponti crée la Triennale de Milan qui met elle aussi en lumière les créateurs italiens.

Gio Ponti ne délaisse pas l’architecture pour autant. Dans les années 30, il conçoit la chapelle funéraire Borletti puis les Case Tipiche à Milan, l’Ecole de Mathématiques de l’université de Rome, la faculté de lettres de Padoue et le siège du groupe de chimie Montecatini.

La Seconde Guerre mondiale marque un cran d’arrêt à son activité commerciale et il se tourne vers la conception de décors de théâtre. Après-guerre, il esquisse des meubles ornés avec des artisans d’art. Quand vient le temps de la reconstruction, Gio Ponti s’inspire des projets modernes à l’étranger. On le voit avec la Tour Pirelli — alors plus haute tour d’Europe — en 1960 qui évoque les skylines américaines. Son génie séduit d’ailleurs d’autres pays comme le Venezuela où il imagine la Villa Planchart au centre d’un jardin tropical.

Son goût pour l’aménagement intérieur l’amène à dessiner des objets divers, de la fenêtre à la machine à café … et le mobilier bien sûr. Ainsi naissent, pour Cassina, les chaises Leggera puis Superleggera (1957) : inspiré par les chaises Chiavari, il les allège au maximum pour en faire des assises de 1,7 kg seulement.

Les années 60 et 70 seront, pour Gio Ponti, des années de totale liberté grâce à sa notoriété. On lui doit l’hôtel tout bleu Parco dei Principi à Sorrente, les grands magasins Shui Hing à Hong Kong (1963), l’église de l’hôpital San Carlo Borromeo (1967), l’immeuble milanais Montedoria (1970) ou les magasins Bijenkorf à Eindhoven (1969). Il livre également une cathédrale à Tarente (Pouilles) et un musée à Denver (Colorado). Il a même l’idée d’aménager le Quartier des Halles en créant un jardin continu entre le Pavillon Baltard et le futur Centre Pompidou.

En parallèle, il continue de créer des chaises pour différents fabricants (Poltrona Frau, Arflex, Knoll, Artemide…) comme le fauteuil en rotin Continuum Armchair (1963), le fauteuil capitonné Dezza (1966), le banc Triposto (1968). C’est également à Gio Ponti que l’on doit la découverte de jeunes talents italiens comme Ettore Sottsass (voir plus bas), Achille Castiglioni (voir plus bas) ou Enzo Mari !

Il s’éteint le 16 septembre 1979 et demeure, aujourd’hui encore, essentiel dans le paysage des designers italiens.

S’il fallait retenir une pièce de Gio Ponti …

Chaise Leggera de Gio Ponti par Cassina
Chaise Leggera de Gio Ponti par Cassina Cassina

> Pour en savoir plus sur Gio Ponti, lisez son portrait en intégralité ici. 


3 – Michele de Lucchi

Michele De Lucchi.
Michele De Lucchi. Henri del Olmo

Comme Gio Ponti et Achille Castiglioni, Michele de Lucchi est à la fois architecte et l’un des designers italiens les plus renommés. Né à Ferrara en 1951, il travaille en tant qu’assistant au cours de conception de l’architecte Adolfo Natalini. En contact avec le courant de design radical, il fonde le groupe Cavart, s’installe à Milan et devient ami avec Ettore Sottsass. Ils travailleront ensemble dans le groupe Memphis, emblématique des années 80. L’idée ? Jouer avec les codes kitsch des années 70, privilégier le plastique et favoriser la production industrielle. Il y signe notamment la First Chair, restée comme une icône de ce mouvement fondateur.

En parallèle de sa collaboration avec la marque Olivetti, il signe l’aménagement des sièges de la Deutsche Bank, de Poste Italiane, d’Intesa San Paolo.

En 1989, sa lampe « Tolomeo», pour Artemide, lui vaut un Compas d’Or. Une réinvention de la classique lampe de table pantographe qui devient un best-seller.Avec Artemide, il sort aussi Castore, Dioscuri, Ipno, Logico.

Depuis, le studio de Michele de Lucchi a rénové le musée de la Triennale à Milan, bâti le sculptural Pont de la Paix à Tbilissi (Géorgie), transformé une vieille station-service signée Mario Bacciochi en siège du Garage Italia Customs de Lapo Elkann. 

S’il fallait retenir une pièce de Michele de Lucchi …

Chaise First (1983) de Michele De Lucchi. Collection « Memphis Milano »
Chaise First (1983) de Michele De Lucchi. Collection « Memphis Milano » © STUDIO AZZURRO / PROPRIÉTÉ MEMPHIS SRL

> Pour en savoir plus sur Michele de Lucchi, lisez son portrait en intégralité ici. 


4 – Mario Bellini

En 1969, Mario Bellini avec le premier prototype de la lampe Chiara.
En 1969, Mario Bellini avec le premier prototype de la lampe Chiara. Flos

Né en 1935 à Milan, Mario Bellini est titulaire d’un diplôme en architecture de l’École Polytechnique. En 1987, il créé son studio Mario Bellini Associati dont le siège se trouve à Milan. Sa table Cartesius (1962) lui vaut son premier compas d’or. Suivent les Bambole (1972), la chaise Cab (1977) et la chaise Bellini.

Quand il met au point le sofa Camaleonda à la fin des années 1960, Bellini passe encore le plus clair de son temps chez Olivetti à dessiner des calculatrices et des machines à écrire…

L’époque est éprise de liberté et une nouvelle génération veut échapper au carcan des normes sociales. Pour elle, Bellini crée un canapé en rupture avec les typologies traditionnelles mais sans pour autant verser dans le pur concept.

Fidèle à sa formation, Cameleonda adopte des lignes très architecturales, un peu comme une skyline intérieure… « Son nom est un néologisme que j’ai créé en 1970 en mélangeant deux mots : le nom de cet animal extraordinaire qu’est le caméléon, capable de s’adapter à son environnement et le mot “onda” qui désigne la vague de la mer et la courbe du désert. Réunis, ces deux mots décrivent à la fois la forme et la fonction de cette assise. » De fait, le canapé opère une synthèse formelle inédite entre rond et carré…

Côté architecture, on lui doit le Musée des Arts Islamiques à Paris, le Musée de la Ville de Bologne, la Deutsche Bank à Francfort, la Tokyo Design Center, Japon … S’il est longtemps restée dans l’ombre d’autres designers italiens, Mario Bellini est désormais reconnu comme un maître du design italien à part entière. 

S’il fallait retenir une pièce de Mario Bellini …

Sofa Camaleonda de Mario Bellini édité par B&B Italia
Sofa Camaleonda de Mario Bellini édité par B&B Italia B&B

> Pour en savoir plus Mario Bellini, lisez l’entretien qu’il avait accordé à IDEAT. 


5 – Ettore Sottsass

Le designer et architecte italien Ettore Sottsass avec son vase Shiva : de l’insolence avec de la substance, et inversement !
Le designer et architecte italien Ettore Sottsass avec son vase Shiva : de l’insolence avec de la substance, et inversement ! DR

En design comme en architecture, Ettore Sottsass (1917-2007) est aujourd’hui reconnu comme un créateur majeur de la seconde moitié du XXe siècle. Il a notamment initié le mouvement Memphis. Peinture, céramique, sculpture, photographie, bijoux, meubles, graphisme et architecture : ses champs d’intervention sont multiples mais il les a tous abordés avec le même esprit rebelle.

Il naît à Innsbruck en 1917 et obtient un diplôme de l’Ecole Polytechnique de Turin en 1937. Dix ans plus tard, il lance son studio à Milan. Lauréat d’un Compas d’or en 1959 pour sa participation à l’invention du premier ordinaire italien nommé Elea 9003, il a aussi imaginé des machines à écrire qui le rendront célèbres. Aux Etats-Unis, dans les années 50, il s’initie au design industriel et découvre au même moment le Pop Art et la société de consommation américaine. Cette immense source d’inspiration le suivra tout au long de sa carrière…

A son retour d’Amérique, il devient directeur artistique de Poltronova. Cette collaboration lui permet de développer son propre style, qui prend à rebours les préceptes rigoristes du Bauhaus, pour lesquels « la forme suit la fonction ». D’un point de vue formel, Sottsass mise sur des lignes simples et géométriques, mais égayés de motifs graphiques en couleurs primaires, ainsi que sur des matières nobles.

L’œuvre qui a marqué durablement l’histoire du design reste le miroir Ultrafragola (1970) puisqu’il s’agit de la seule création de la série qui a dépassé le stade de prototype. Ce miroir blanchâtre évoque une longue et sinueuse chevelure ondulée. Une fois allumés, les tubes de néon qu’elle dissimule lui donnent une teinte de chair rosée qui participe à sa sensualité.

Si la culture populaire l’inspire, Sottsass s’oppose néanmoins au consumérisme US. Il revendique cette opposition en soutenant divers mouvements qui le dénoncent. Dans les années 1960, il rejoint le groupe Antidesign avant de contribuer, en 1979, au développement du studio Alchimia. Chacun de ces courants interroge l’implication des designers et des architectes dans la société de consommation et cherche à créer du beau utile. 

En décembre 1980, Sottsass fonde le groupe Memphis autour de jeunes designers installés à Milan comme Michele de Lucchi, Georges Sowden et même Nathalie du Pasquier. Avec Memphis, le mobilier se déstructure.  

Après une poignée de collections, en 1985, Sottsass quitte Memphis pour se consacrer à l’essor de l’agence de graphisme et de design qu’il a fondé quatre ans auparavant. Au sein de Sottsass Associati, il s’attache à la conception de travaux de design industriel et d’architecture.

À sa mort en 2007, il laisse une empreinte considérable dans une multitude de domaines qu’il a, par sa curiosité, profondément bouleversés. Il fait partie des designers italiens aussi reconnus pour leurs créations que pour l’empreinte théorique qu’ils ont laissée dans la discipline.

S’il fallait retenir une pièce d’Ettore Sottsass …

Miroir Ultrafragola par Ettore Sottsass
Miroir Ultrafragola par Ettore Sottsass Pietro Savorelli

> Pour en savoir plus sur Ettore Sottsass, lisez son portrait en intégralité ici. 


6 – Gae Aulenti

Portrait de Gae Aulenti
Portrait de Gae Aulenti Martinelli Luce

Gaetana, dite GaeAulenti nait en 1927 en Italie. Après des études à la prestigieuse École Polytechnique de Milan, dont elle sort diplômée en 1953, elle suit une formation complémentaire qui promeut une architecture italienne engagée et dans la continuité de son histoire. Soucieuse de partager ses idées, elle enseigne et intervient dans de nombreuses conférences à travers le monde pour les promouvoir.

Tout juste diplôméeGae Aulenti accumule les prises de position détonantes dans un époque où le modernisme règne en maître : les valeurs architecturales de l’histoire doivent imprégner les constructions contemporaines. Elle se place donc d’emblée en opposition avec des architectes établis comme Le Corbusier, Ludwig Mies van der Rohe ou Walter Gropius, qui font table rase du passé. Ce parti-pris va de pair avec son adhésion au mouvement Neoliberty, qui préconise un retour aux méthodes de construction traditionnelles et à une forte expression stylistique personnelle.

Si elle s’établit immédiatement comme architecte, elle est également designeuse indépendante. Fidèle à ses idées, ses premiers pas dans le design sont empreints d’un mélange de modernité et de tradition. On lui doit, bien sûr, la lampe Pipistrello dont la silhouette évoque celle d’une chauve-souris (un best-seller !) mais également la chaise 4854 en polyuréthane laqué et la table Jumbo en marbre.

« J’ai toujours travaillé pour moi-même et cela a été une leçon. Les femmes en architecture ne devraient pas se considérer comme une minorité, car dès que vous le faites, vous êtes paralysé par cette pensée.» confiait-elle au New York Times en 1987. C’est sans doute grâce à cette indépendance, à une époque où les femmes architectes et les designeuses étaient encore trop souvent éclipsées, que Gae Aulenti a autant marqué les esprits.

Aujourd’hui encore, elle continue d’inspirer la jeune garde. Ainsi, au printemps dernier, Jacquemus a choisi de remettre au goût du jour l’ensemble de jardin Locus Solus qu’elle avait imaginé en 1964 et qui avait notamment servi de cadre à une scène entre Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin et Maurice Ronet dans le film La Piscine.

S’il fallait retenir une pièce de Gae Aulenti …

Lampes Pipistrello de Gae Aulenti (Martinelli Luce).
Lampes Pipistrello de Gae Aulenti (Martinelli Luce). Guillaume Rivière

> Gae Aulenti : portrait de la designeuse de la lampe Pipistrello


7 – Gaetano Pesce

Gaetano Pesce pose dans son fauteuil « Up 5 », dit « La Mama ».
Gaetano Pesce pose dans son fauteuil « Up 5 », dit « La Mama ». Young-Ah Kim

Gaetano Pesce naît à la Spezia en 1939. Après des études d’architecture à l’Université de Venise, il participe au collectif d’art Gruppo N qui planche sur l’art programmé, inspiré du Bauhaus. A la frontière de l’art, du design et de l’architecture, ses œuvres sont principalement réalisées à partir de résine, de plastique et de mousse et vont au-delà du simple fonctionnalisme. Il collabore notamment avec Cassina, Vitra et B&B Italia.

Il doit son succès à la création du fauteuil UP, aussi connu sous le nom de la Mamma, en 1969. La pièce est, selon lui, une ode à la féminité sous le joug des hommes : « une femme aux formes généreuses avec un boulet au pied.» Détail amusant, la pièce était livrée en paquet plat comme un carton à pizza. 

En architecture, il a notamment conçu un loft vertical (1982) et l’Organic building à Osaka (1993) dont la façade est recouverte de pots de plantes.

S’il fallait retenir une pièce de Gaetano Pesce …

Fauteuil « Up», dit La Mamma ,de Gaetano Pesce
Fauteuil « Up», dit La Mamma ,de Gaetano Pesce DR

> Pour en savoir plus sur Gaetano Pesce, regardez la vidéo de son entretien avec IDEAT ici. 


8 – Joe Colombo

Joe Colombo
Joe Colombo Studio Joe Colombo Gubi

Cesare Colombo naît à Milan en 1930. Après avoir étudié la peinture, la sculpture et l’architecture, Avec le mouvement de peinture nucléaire fondé par Enrico Baj, il dessine déjà du mobilier futuriste. En 1952, son projet nommé la Città nucleare présentait sa vision de la ville du futur.

En 1959, il co-fonde un cabinet aveec son frère Gianni : ensemble, ils ont une approche expérimental et imaginent la lampe Acrilica (1962) éditée par Oluce. Le luminaire, récompensé à la Triennale de Milan deux ans plus tard, lui vaut une reconnaissance dans le monde du design industriel. Au milieu des années 60, la collection « Basket » découle d’une commande de la marque reine du rotin, depuis 1889, Pierantonio Bonacina. A ce propos, il déclare : « Les familles traditionnelles ont tendance à se transformer en petits groupes sur la base d’affinités. Nous aurons bientôt une société naturellement tribale… Ces groupes, vivant et travaillant en commun, vont nécessiter un nouveau type d’habitat : des espaces transformables, ou propices à la méditation et à l’expérimentation. »

A l’image de sa femme Elda, il conçoit la chaise du même nom en 1964. Sa structure autoportante en fibre de verre garnie de coussins de cuir et dont le dossier haut est enveloppant est particulièrement iconique. On lui doit également le fauteuil Tube pour Cappellini (1969). Il était persuadé qu’à l’avenir, les habitations seraient composées d’ensemble de mobilier et non plus de pièces distinctes. Joe Colombo est mort prématurément à l’âge de 41 ans, en 1971.

S’il fallait retenir une pièce de Joe Colombo …

Fauteuil Elda de Joe Colombo
Fauteuil Elda de Joe Colombo DR

> Pour en savoir plus sur Joe Colombo, regardez une vidéo sur sa chaise Tube iconique ici. 


9 – Vico Magistretti

Vico Magistretti en plein travail dans les ateliers de Fritz Hansen en 1997.
Vico Magistretti en plein travail dans les ateliers de Fritz Hansen en 1997. Fritz Hansen

Vico Magistretti naît le 6 octobre 1920 dans une famille de la bourgeoisie milanaise. Lors de ses études d’architecture au Politecnico de Milan, il a pour professeur … Gio Ponti, de quoi lui présager un avenir brillant.

Une fois son diplôme en poche, il rejoint le studio de son père, également architecte.Son apport à l’architecture a de révolutionnaire l’utilisation qu’il fait de l’espace. Dans le contexte d’après-guerre, il s’attaque aux recoins en exploitant leur potentiel au maximum. A mille lieues des architectes qui accordent aujourd’hui une place importante à l’histoire d’un bâtiment, Vico Magistretti préfère pour sa part ne pas en tenir compte et se rapproche ainsi du Style International.Mais c’est sans doute dans le monde du design que son nom résonne le plus fort.

En mêlant simplicité et sophistication dans ses créations dès les années 60, Magistretti multiplie les best-sellers pour Artemide, Cassina, B&B Italia, O Luce ou Kartell. On lui doit notamment la lampe Eclisse, le canapé Maralunga, la lampe Atollo et la chaise Carimate.Prolifique, il imagine une multitude de meubles et d’objets qui participent d’une recherche formelle de la simplicité géométrique. En d’autres termes, il met en lien ses activités d’architecte et de designer en concevant des pièces intemporelles.

Récompensé à de multiples reprises, Vico Magistretti a bousculé le design et l’architecture du XXe siècle. Au-delà de ses nombreux best-sellers toujours édités, ses avancées théoriques continuent d’imprégner notre façon d’habiter.

S’il fallait retenir une pièce de Vico Magistretti …

La lampe Atollo de Vico Magistretti
La lampe Atollo de Vico Magistretti O Luce

Pour en savoir plus sur Vico Magistretti, lisez son portrait en intégralité ici. 


10 – Enzo Mari

L’architecte et designer italien Enzo Mari, dans son studio avec des maquettes de ses derniers projets, à Milan, en 1974.
L’architecte et designer italien Enzo Mari, dans son studio avec des maquettes de ses derniers projets, à Milan, en 1974. Adriano Alecchi (Mondadori Publishers)

Né en 1932 à Cerano, près de Novara, Enzo Mari devient designer un peu par hasard. Il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Brera sans le bac, s’oriente ensuite vers la psychologie de la perception visuelle avant de se focaliser sur l’architecture et le design.

Après ses études, il imagine des pièces iconiques comme le puzzle en bois 16 animali (1957), un rectangle de chêne dans lequel sont découpés 16 animaux différents. Initialement dessiné pour ses propres enfants, Mari décide de le présenter à Danese quand il voit le succès qu’il remporte auprès d’eux. Il deviendra un classique de l’éditeur, et sera même décliné en 1973 dans une version baptisée 16pesci (16 poissons).

A cette époque, Mari travaille aussi comme designer graphique avec son épouse Gabriella dite Iela, qu’il a rencontrée à l’Académie des Beaux-Arts de Brera. Ensemble, ils créent des livres pour enfants, des fables écologistes et humanistes devant contrer l’influence grandissante de la télévision sur la jeunesse…

A la fin des années 60, Enzo Mari est devenu un professeur dont l’aura commence à grandir et il édicte un certain nombre de principes qui doivent guider le designer au quotidien. A la question « Qu’est-ce qu’un bon design ? », Mari répond : « Bon signifie durable, accessible, fonctionnel, bien fait, pertinent émotionnellement, résistant, socialement bénéfique, beau, ergonomique et accessible financièrement. » Dans la foulée, il impulse le Groupe Nuova Tendenza pour lequel il organise une exposition à la Biennale de Zagreb en 1965, qui met en pratique ces préceptes.

Cela ne l’empêche pas de travailler avec la crème des éditeurs italiens auxquels il livre des meubles et objets qui feront date comme la Box Chair (Anonima Castelli, 1971-76), livrée à plat, et montable par l’utilisateur. Ou la Sof Sof Chair (Driade, 1972), une structure de métal dans laquelle s’enchassent des coussins. Pour Zanotta, il livre la chaise Tonietta, relecture de la chaise Thonet. Il conçoit aussi un système d’éclairage (Aggregate) pour Artemide, un presse-agrumes (Titanic) pour Alessi et des cocottes pour Le Creuset, toujours très recherchées des chineurs. Olivetti, Ideal Standard ou Flou comptent aussi parmi ses clients… En 1972, Mari participe à l’exposition fondatrice « New Domestic Landscape » au MoMA de New York qui consacre l’importance du design italien avec des créateurs comme Ettore Sottsass ou Vico Magistretti. Il y présente les vases Pago Pago (Danese) que l’utilisateur peut utiliser de différentes façons, toujours dans cette logique de faire du client final un acteur du design.

Tout au long de sa carrière, Enzo Mari n’aura de cesse de contester le dévoiement des grands principes du design par les éditeurs. En 1974, il fait scandale avec une exposition dans une galerie milanaise baptisée « Proposta per autoprogettazione ». Communiste auto-proclamé, Mari se propose en effet de rétablir un lien direct entre production et utilisation de meuble en fournissant gratuitement les plans d’une collection de mobilier que chacun peut réaliser chez soi en utilisant des matériaux standards donc bon marché et un minimum d’outillage (marteau, scie, clous et colle). Son idée est que les consommateurs se réapproprient la production de leur mobilier, « confisquée » par les fabricants. Conformément aux préceptes de l’art cinétique qui l’ont profondément marqué, l’utilisateur d’un meuble n’est plus un consommateur passif, mais prend une part active à sa réalisation. Dans son esprit, une personne qui a fabriqué son propre mobilier, en prendra plus soin, ce qui lui étendra d’autant sa durée de vie…

Véritable acte politique, Autoprogettazione dénonce les entreprises qui ont transformé le designer en simple interprète des tendances du moment. Enzo Mari veut supprimer les éditeurs de mobilier : autant dire que l’exposition fait scandale à Milan ! Des années plus tard, Enzo Mari confie à Artek le soin de fabriquer sa chaise issue du projet, mais l’éditeur finlandais jette vite l’éponge, sans doute après un nouveau coup de gueule du designer italien…

Malgré ses cinq Compasso d’oro, la récompense suprême du design italien (1967, 1979, 1989, 2001 et 2011), Enzo Mari a longtemps fait figure d’hurluberlu. Le monde du design a redécouvert son travail au début des années 2000 quand l’urgence écologique et le courant DIY (do-it-yourself) ont démontré toute la pertinence et la vision du designer. De même il fut un des premiers à inciter les designers à travailler en collectif, un mode de fonctionnement désormais bien installé. Il avait fermé son studio en 2013. Il s’est éteint en 2020.

Pour en savoir plus sur Enzo Mari, lisez son portrait en intégralité ici. 

S’il fallait retenir une pièce d’Enzo Mari …

Chaise Sedia à fabriquer soi-même
Chaise Sedia à fabriquer soi-même DR