Victor Bonnivard, architecte d’intérieur incontournable de 2023

Même si l'architecte d'intérieur Victor Bonnivard puise son inspiration dans l’histoire, ses reconstitutions demeurent très personnelles. Rencontre.

C’est bien là la singularité de l’architecte d’intérieur Victor Bonnivard qui, sur ses chantiers, est naturellement en phase avec les enjeux écologiques, lui qui ne jure que par réhabilitation, anciennes méthodes et préservation. Fou d’histoire et plus particulièrement celle du XIXe siècle, Victor Bonnivard nourrit cette passion dévorante jusqu’à s’offrir une partie d’un hôtel particulier de 1830 classé, au cœur du Jura : « Un endroit qui me permet d’être jusqu’au boutiste, un lieu invivable, car je veux le conserver en l’état, avec des pièces dont je n’ouvre pas les volets pour préserver les teintes originelles : un exutoire. »



L’agence de Victor Bonnivard, au centre de Paris, rassemble styles et objets rares avec une érudition singulière et généreuse.
L’agence de Victor Bonnivard, au centre de Paris, rassemble styles et objets rares avec une érudition singulière et généreuse. Yannick Labrousse

Outre cette « œuvre d’art totale », l’homme de 33 ans travaille sur trois chantiers de réhabilitation exceptionnels : un château dans l’est de la France, un second dans le Cantal et un manoir à Rambouillet. Un sillon que peu de professionnels creusent. « Ce sont des chantiers très onéreux, explique l’architecte, car imprimer, par exemple, des papiers peints à l’identique ou faire fabriquer des moquettes semblables aux précédentes coûte très cher, et il est impossible de tricher avec les matériaux qui doivent être du niveau de l’enjeu. »

Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art.
Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art. Victor Stonem

C’est par l’intermédiaire des architectes des monuments historiques et du patrimoine qu’il rencontre la plupart des propriétaires de ces demeures. « J’aime partir de documents d’archives sur la maison, de toutes les traces conservées et ensuite je m’applique à ne jamais m’en déconnecter… » Il fouille dans les greniers et les caves, gratte les cloisons pour comprendre les demeures dont il va s’emparer : « Par exemple, en Auvergne, j’ai trouvé une toile de jute teintée à l’indigo et imprimée en doré au pochoir. J’aime aussi beaucoup les papiers peints anciens qui en disent long sur la chromie de l’époque. » Mais parfois l’histoire n’est pas là, « ou alors elle est trop délayée, alors je l’écris », révèle l’homme de l’art.

Le salon France-Amériques de l’Hôtel Le Marois, l’un des premiers projets de l’architecte.
Le salon France-Amériques de l’Hôtel Le Marois, l’un des premiers projets de l’architecte. Stephan Julliard

C’est le cas au Hilton Belgrand et au manoir de Rambouillet, une bâtisse du XVIIIe siècle inachevée pour laquelle il a recomposé deux cent cinquante ans d’histoire à sa manière, car chaque génération était venue y apporter sa touche. Cette culture de l’histoire a infusé tout au long de son enfance, grâce à un père architecte et une bibliothèque foisonnante à la maison. Mais loin de la pasticher, Victor Bonnivard s’en inspire pour créer son propre langage et la reconstituer à sa façon. « On peut ajouter un gros canapé confortable et des néons, mais il faut pouvoir croire à l’histoire, comme dans la série Downton Abbey. Un équilibre précaire est à trouver », reconnaît le jeune homme.



L’ancien au service de l’environnement

L’agence de Victor Bonnivard, au centre de Paris, rassemble styles et objets rares avec une érudition singulière et généreuse.
L’agence de Victor Bonnivard, au centre de Paris, rassemble styles et objets rares avec une érudition singulière et généreuse. Yannick Labrousse

Il s’agit d’une approche écologique aussi, selon lui, puisque composer avec de l’ancien permet de ne (presque) rien jeter grâce au réemploi de matériaux généralement naturels, développés avant l’invention des matières synthétiques, comme l’huile d’œillette (une huile de pavot employée comme liant dans la peinture). Il développe cette pratique avec des historiens et des artisans, et notamment avec l’école d’Avignon, spécialisée dans la réhabilitation du patrimoine architectural, véritable conservatoire des techniques anciennes. 

Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art.
Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art. Victor Stonem

Naturellement le dessin est aussi un médium qu’il affectionne pour mettre en forme ses chantiers : « Lorsque je suis arrivée à l’école d’architecture de Lyon, je dessinais beaucoup, mais les professeurs m’en ont détourné pour m’orienter vers la 3D », regrette Victor Bonnivard qui, après son diplôme, a multiplié les expériences chez des professionnels, parmi lesquelles deux d’entre eux l’ont particulièrement marqué.

Le salon France-Amériques de l’Hôtel Le Marois, l’un des premiers projets de l’architecte.
Le salon France-Amériques de l’Hôtel Le Marois, l’un des premiers projets de l’architecte. Stephan Julliard

« Alors que je sortais de la pure architecture, India Mahdavi m’a permis d’expérimenter en décoration ; j’ai pu me “lâcher” avec des matériaux comme le marbre. Plus tard, chez Rodolphe Parente, j’ai pu consolider ces connaissances  pour ensuite oser me lancer », détaille-t-il. Les projets se sont ainsi succédé de manière naturelle. « La salle de bal des salons France-Amériques à l’Hôtel Le Marois, qui est parue dans la presse, m’a amené le chantier du Belgrand, l’hôtel Hilton des Champs-Élysées… »

Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art.
Le Belgrand, hôtel du groupe Hilton, sur les Champs-Élysées, affiche un style inspiré du XIXe, le siècle favori de l’homme de l’art. Victor Stonem

Actuellement, il fignole son agence au centre de Paris, un lieu hétéroclite où voisinent des bougeoirs Arts and Crafts, un tableau symboliste d’Arthur Harald-Gallén, deux fauteuils années 30, une table brutaliste des années 80 et le tabouret Bishop, « souvenir de mes années India [Mahdavi] ». Victor Bonnivard est aussi un homme de son temps. Comme la plupart de ses confrères, il développe sa propre collection de mobilier. Prévue pour février, elle est composée de lampes, d’un bout de canapé ou table basse en céramique, matériau phare de… notre époque.

Les inspirations de Victor Bonnivard

  • Un lieu : Le château du Champ de Bataille, du XVIIe siècle, repris par le décorateur Jacques Garcia, est un modèle de reconstitution personnelle.
  • Un musée : Le musée de la Chasse, un lieu classique où le contemporain dialogue parfaitement avec l’ancien. 
  • Des références : Les architectes d’intérieur Henri Samuel, François-Joseph Graf et Jacques Garcia.
  • Un site Internet : Je suis un grand amateur des puces où je me rends tous les week-ends, mais j’écume aussi tous les matins les sites Interenchères et Drouot. Je suis aussi un habitué des sites eBay, Pamono et Selency…