Ville de Laval / Musée d'Art naïf et d'Arts singuliers

Deux expositions de peinture à voir absolument cet hiver

Tout les sépare : la génération, le pays d’origine, le parcours… sauf la diversité de leur expression artistique.

Artistes peintres avant tout, Baya, l’Algérienne, comme Ghada Amer, l’Égyptienne, créent aussi des céramiques et des tapisseries. À l’Institut du monde arabe, au FRAC, à la Vieille Charité et au Mucem, IDEAT a visité ces expositions de peinture à Paris et Marseille.

Au jardin des délices de Fatma Haddad

L’Âne bleu (vers 1950), de Baya, gouache et aquarelle sur papier, 100 x 150 cm. Collection Kamel Lazaar Foundation.
L’Âne bleu (vers 1950), de Baya, gouache et aquarelle sur papier, 100 x 150 cm. Collection Kamel Lazaar Foundation. Firas Ben Khalifa

Rien ne destinait Baya, née Fatma Haddad en 1931, à Bordj El Kiffan, dans la banlieue d’Alger, à prendre les pinceaux. Orpheline à l’âge de 9 ans, femme de ménage à 12 ans, elle s’invente un monde merveilleux inspiré des contes populaires de son enfance.



Il est peuplé de femmes alanguies dans des jardins luxuriants où, comme l’écrit le poète Tahar Djaout (1954-1993), « l’oiseau s’étire et devient serpent, arbres et cahutes poussent de guingois, les vases se ramifient, deviennent arborescents comme des queues ou des huppes d’oiseaux ». Grâce à ses employeurs qui l’ont adoptée, Baya expose à Paris, dans la galerie d’Aimé Maeght. Elle a 16 ans, le succès est immédiat. Elle rencontre Georges Braque puis Pablo Picasso ; André Breton chante ses louanges.

Les oiseaux musiciens, de Baya, 1976. Gouache sur papier, 100 x 150 cm. Collection particulière.
Les oiseaux musiciens, de Baya, 1976. Gouache sur papier, 100 x 150 cm. Collection particulière. Alberto Ricci

Aujourd’hui, vingt-quatre ans après la mort de l’artiste, l’Institut du monde arabe présente un ensemble de dessins, gouaches, peintures et sculptures qui explosent de couleurs, celles de l’Algérie. « Le bleu de la Méditerranée, le rouge de sa terre, le vert de sa végétation, l’or de ses dunes », selon Claude Lemand, l’un des commissaires de cette exposition. Des œuvres qui rappellent que Baya est considérée comme l’une des pionnières de l’art moderne algérien.

> « Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur jardin ». Une exposition de peinture à voir à l’Institut du monde arabe, à Paris (Ve), jusqu’au 26 mars. Imarabe.org

La révolution au bout du fil de Ghada Amer

Les Grands Nymphéas (2021), de Ghada Amer, broderie et gel médium sur toile. Collection de l’artiste, New York (États-Unis).
Les Grands Nymphéas (2021), de Ghada Amer, broderie et gel médium sur toile. Collection de l’artiste, New York (États-Unis). Christopher Burke Studios

Est-ce parce que les Égyptiennes ont été contraintes de porter le voile ou parce que certains cours de la Villa Arson, à Nice, étaient exclusivement destinés aux étudiants masculins que l’artiste peintre Ghada Amer, née en 1963, au Caire, est devenue une artiste féministe ? On lui interdit de peindre.

Qu’importe, elle abandonne le pinceau pour l’aiguille, la gouache pour le fil. Et fait du tissage, activité domestique traditionnellement réservée au sexe féminin, son moyen d’expression. Elle emprunte alors aux films de Disney les personnages stéréotypés, de Blanche-Neige à la sorcière, et aux magazines pornographiques les corps suggestifs des actrices pour créer des toiles brodées dans lesquelles elle dénonce le regard de l’homme sur le corps de la femme.

Test #7 [étude #7] (2013), peinture acrylique, broderie et gel médium sur toile. Collection de l’artiste, New York (États-Unis).
Test #7 [étude #7] (2013), peinture acrylique, broderie et gel médium sur toile. Collection de l’artiste, New York (États-Unis). Ghada Amer / Cheim & Read
Désormais, outre la broderie, l’artiste peintre utilise de nombreux médiums (peinture, céramique, bronze ou installation végétale), mais n’a qu’une ambition : s’attaquer aux discriminations sexistes. Ce dont témoigne cette première rétrospective en France, déployée dans différents lieux culturels de Marseille.

> « Ghada Amer. Witches And Bitches ». Une exposition de peinture à voir au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille (IIe), jusqu’au 26 février. Frac-provence-alpes-cotedazur.org. « Ghada Amer. Sculpteure ». À la chapelle du Centre de la Vieille Charité, à Marseille (IIe), jusqu’au 16 avril. Vieille-charité-marseille.com « Ghada Amer. Orient – Occident ». Au Mucem, à Marseille (IIe), jusqu’au 16 avril. Mucem.org