Avec ses 200 kilomètres de lignes de métro supplémentaires, Le Grand Paris Express va structurer durablement la métropole parisienne et chambouler d’ici à 2030 le quotidien de millions de voyageurs. 68 nouvelles gares au total seront connectées aux réseaux de transports existants, générant une densification urbaine via des projets immobiliers regroupés autour de ces pôles. Le cabinet français Valode & Pistre a conçu trois de ces stations : Thiais/Orly sur la ligne 14, inaugurée en juin dernier, ainsi que Les Ardoines et Vert de Maisons sur la future ligne 15. transport. Des gares monumentales, modernes, et surtout durables.
À lire aussi : Coup de projecteur sur la nécropole Sexto Panteón de Buenos Aires, un trésor brutaliste oublié
Des bâtiments contextuels
“Ce qui nous intéresse, c’est de créer des bâtiments qui n’auraient pas pu naître à un autre endroit, affirme Denis Valode, co-fondateur de l’agence lancée en 1980. Le geste architectural prend alors un sens, des racines .” À Thiais/ Orly, la station de 11 400 mètres carrées a été placée au nord des installations techniques de l’aéroport, sur une aire industrielle où trois zones d’aménagement concerté, situées à l’Est, à l’Ouest et au Nord du site vont se développer.
La station est conçue comme le point de départ de ces aménagement industriels, organisée selon les quatre points cardinaux par de grandes arches ouvertes sur l’extérieur. “Lorsque nous avons conçu cette gare, celle-ci ne se trouvait pas en zone urbanisée, continue l’architecte. Nous l’avons donc imaginée comme une sorte d’amorce de la ville future. ”
Même constat pour la gare de Vert de Maisons, 6 800 mètres carrés, qui ouvrira en 2025 dans le Val-de-Marne sur une place commerçante. “Au sein d’une gare, nous tenons à ce que les usagers soient sollicités par un environnement qui soit lié à l’histoire du lieu .” La station a été dessinée en fonction de son environnement urbain direct, son hall d’accueil étant surmonté d’un immeuble tertiaire composé de deux bâtiments parallèles allongés.
L’un, fait de briques, dialogue avec la cité HBM des années 1930 située à proximité, exprimant ainsi l’ancrage du projet dans l’histoire. L’autre, aligné le long des voies de chemin de fer du RER C en correspondance, développe une façade en verre et métal qui évoque le déplacement, la vitesse et exprime ainsi la dynamique nouvelle du quartier. Comme un lien entre passé et avenir.
La gare des Ardoines, 12 600 mètres carrés, a quant à elle été pensée selon l’histoire économique de la ville, en mutation depuis plusieurs années. Son industrie, originairement liée à l’énergie et aux transports, se tourne aujourd’hui vers la santé et les nouvelles technologies. La station, dont la livraison est prévue pour 2025, s’inspire donc de ce contexte, sa structure en béton apparent évoquant ainsi la bio-morphologie : un “squelette” prend racine en profondeur au niveau des quais, pour jaillir toujours plus léger au fur et à mesure qu’il s’élève, et finir par une sorte de dentelle qui se prolonge à l’extérieur en une passerelle qui franchit les voies ferrées du RER C.
« Cela raconte l’évolution de ce territoire, qui est passé d’industries primaires aux nouvelles technologies, décrypte Valode. Des choses sophistiquées qui deviennent plus légères ». Le bâtiment sera surplombé par des logements étudiants et familiaux en lieu d’un immeuble pont et d’une petite tour. « Il y a une densité importante, souligne-t-il encore. Le nombre de voyageurs est considérable, on l’estime à 98 000 par jour ».
Les gares du Grand Paris Express : bien plus que 6 pieds sous terre
40 mètres environ : voilà ce qu’il faudra descendre pour se rendre sur les quais de la station Vert de Maisons. (Jusqu’à présent, la station des Abbesses, 36 mètres sous terre, était la plus profonde du réseau francilien, dépassant de loin la moyenne locale de 6,5 mètres.) Une cavité traitée à l’instar d’une carrière de calcaire reconstituée, façon d’évoquer l’activité historique de Maisons-Alfort où furent extraites les pierres de nombreux monuments de Paris, comme le Panthéon.
De multiples escalators assurent le déplacement vertical. Ces descentes et ascensions deviendront une expérience spatiale et esthétique proche des gravures de Piranèse pour les quelques 69 000 voyageurs quotidiens attendus. “ Nous avons voulu dessiner un environnement qui accroche l’œil, donner un attrait au déplacement, donner à voir, à sentir, à comprendre ”, décrypte le co-fondateur de Valode & Pistre.
Certes moins impressionnante, la gare des Ardoines, à Vitry-sur-Seine, placée à 28 mètres sous terre, est tout de même très profonde. Une signalétique graphique, fait de losanges aux angles arrondis de plus en plus denses en descendant vers les quais et inversement permettra aux usagers de se situer verticalement dans leurs déplacements. Car les stations du Grand Paris Express sont conçues comme des sortes de puits creusés au tréfonds de la terre francilienne.
À Thiais/Orly, où le quai s’enfonce à 26 mètres, l’espace intérieur de la gare est en conséquence dessiné comme une large voute aux lignes tendues pour laisser passer la lumière du ciel dans les profondeurs souterraines. “Cette couverture est traitée avec des panneaux qui petit à petit sont de plus en plus transparents au centre, formant comme une sorte de voute céleste”, note Denis Valode, qui appuie sur l’importance d’une lumière naturelle diffuse pour le confort des 30 000 voyageurs attendus au quotidien.
Des lieux d’expression artistique
Rien ne serait pire que d’avoir des stations standardisées et impersonnelles. Au contraire, les stations du Grand Paris Express ont été pensées pour être des lieux d’intervention artistique, grâce à des collaborations en tandem entre un artiste et un architecte, projet mis en œuvre avec la participation du Centquatre-Paris, de Manifesto et de l’agence Eva Albarran. Des œuvres entreront en résonance avec le projet architectural, créant ainsi la plus grande collection d’art urbain d’Europe. Si la plupart des projets restent encore confidentiels, celui de Thiais/Orly a été dévoilé lors de l’inauguration de la gare en juin dernier.
L’éclairage naturel cher à Denis Valode a servi de base à Lyes Hammadouche, l’artiste invité. En réponse, il a suspendu quatre sculptures satellitaires de 4,5 mètres de diamètre dans le hall principal. Une œuvre qui reprend et transforme l’un des objets emblématiques et historiques des gares, l’horloge, déclinée ici par en quatre formes futuristes qui agissent comme une montre diffractée et décrivent des rotations par minute, heure, jour et année. Une réflexion sur la notion pendulaire du trajet quotidien des travailleurs. Et une manière de matérialiser le temps qui court, toujours plus vite.
> Plus d’informations sur le Grand Paris Express ici.
À lire aussi : Le Grand Paris Express dévoile le design de ses futures gares