Le design japonais peut-il changer nos voyages en TGV ?

Les nouveaux sièges du TGV ont été dévoilés par la SNCF. Réalisés par le studio japonais Nendo, ces sièges innovants feraient gagner de l'espace pour le confort des passagers.

Depuis 2016, la SNCF planche sur de nouvelles rames pour ses TGV Inouï prévus pour 2025. Un projet colossal – et le plus gros de ce type depuis le développement du TGV Duplex de Roger Tallon au début des années 90 – qui a pour but de repenser l’objet train et de le faire entrer dans une ère plus écoresponsable et connectée. Après un appel d’offres organisé par la SNCF en 2018, Arep – agence pluridisciplinaire et filiale de l’entreprise publique SNCF Gares & Connexions – a finalement fait appel au studio de design Nendo fondé par Oki Sato et basé à Tokyo. « Nous avons consulté plusieurs cabinets de design, mais beaucoup avaient peur de travailler sur un train, avec autant d’espaces et un cahier des charges lourd, avec d’importantes contraintes techniques à respecter« , se souvient Florence Rousseau, directrice marketing de la SNCF Voyageurs.

Les sièges bordeaux de la première classe des nouveaux TGV Inouï 2025
Les sièges bordeaux de la première classe des nouveaux TGV Inouï 2025

Une toute première fois pour Nendo

Une première pour l’agence nippone, qui a dû s’immerger dans notre univers ferroviaire et se mettre dans la peau du voyageur français. “Nous ne nous sommes pas posé la question des divergences culturelles. Au contraire, ces différences, cette confrontation entre deux univers nous semblait enrichir notre propos”, explique Céline David, directrice du design chez Arep. Nos approches sont complémentaires : chez Arep, nous sommes spécialisés dans la mobilité et l’architecture des gares et de lieux publics, de par notre appartenance à la SNCF. Eux s’intéressent davantage au mobilier pur, à la sphère intime du foyer. Et puis, les questions de confort ne sont-elles pas universelles ? »

Surtout, l’agence hexagonale a pu compter sur le designer britannique Richard Bone, qui s’est non seulement déjà frotté à ce type de projets dans l’aviation, mais qui a en plus dirigé 5 ans durant les travaux européens de la firme japonaise tout en habitant la capitale du pays du soleil levant. Important maillon de la chaîne, l’Anglais a mené le projet de bout en bout, faisant le pont et facilitant la communication entre les différentes nationalités et parties impliquées.

« Le train se fraye un chemin dans le paysage, un peu comme l’écoulement d’une rivière », évoque Oki Sato. (c) Lukas Kulla / Unsplash
« Le train se fraye un chemin dans le paysage, un peu comme l’écoulement d’une rivière », évoque Oki Sato. (c) Lukas Kulla / Unsplash

« Nous nous sommes plutôt demandés ce qu’il y a derrière cette idée de voyage, à part un déplacement d’un point A à un point B, continue Céline David. La touche de poésie qui émane du vocabulaire de Nendo nous a toujours plu. Tout comme leur écriture typiquement japonaise, dénuée de formes trop bavardes qui tendent à se démoder, leur lien à la nature et aux éléments comme le feu, l’eau et la terre et comment ils les font entrer en corrélation avec le design et l’imaginaire.” Tout de suite, Oki Sato compare le train à un cours d’eau, idée qui devient le fil rouge du projet tout entier : “Ne ressemblant à aucun autre moyen de transport, il se fraye un chemin dans le paysage, un peu comme l’écoulement d’une rivière.


A LIRE AUSSI : Roger Tallon, père du TGV et pionnier du design industriel français


La lampe jaune soleil façon galet dessinée par Richard Bone pour les nouveaux TGV Inouï 2025
La lampe jaune soleil façon galet dessinée par Richard Bone pour les nouveaux TGV Inouï 2025

Ainsi, Richard Bone imagine un niveau inférieur plus sombre, simulant un effet sous-marin. A l’étage, en revanche, comme à la surface, tout est plus clair. Pour les sièges de la seconde classe, il choisit un bleu ardoise. Sans parler des lampes tout en rondeurs dont le jaune soleil énergise l’espace – autre produit phare dessiné par le Britannique -, et des repose-têtes façon galet qui viennent renforcer cette métaphore filée.

Des sièges qui font la fierté de la SNCF

Dévoilés en grande pompe le mois dernier, les nouveaux fauteuils font la fierté de la SNCF, désireuse de capitaliser sur l’héritage de Roger Tallon et de retrouver le confort des imposants sièges à ressorts ultra moelleux des trains Corail. Dans la salle, certains pourtant demeurent dubitatifs : comparées à ceux-ci, les nouvelles assises paraissent bien fines pour être vraiment confortables, tout comme les accoudoirs et les tablettes qui semblent avoir rétréci au lavage. “La SNCF essaie d’atteindre de nouveaux niveaux d’efficacité en réduisant notamment le poids au maximum, affirme Richard Bone. Mais ici, comme pour les chaises ergonomiques de bureau, le tissu, qui crée un effet hamac, soutient les corps et en assure le confort. Les usagers vont parfois s’asseoir jusqu’à 5 heures sur ces assises, qui représente ainsi une grande part de l’expérience à bord. Il est donc tout naturel d’être critique.

Les sièges de la seconde classe des nouveau TGV Inouï 2025, dont les différentes nuances de bleus évoquent les profondeurs marines.
Les sièges de la seconde classe des nouveau TGV Inouï 2025, dont les différentes nuances de bleus évoquent les profondeurs marines.

Qui dit structure plus légère, dit 5 centimètres en plus pour les jambes. « Du jamais vu », se félicite Florence Rousseau, directrice marketing de la SNCF Voyageurs. Autre aspect non négligeable de ce tricot en laine mélangée dit “3D” ? Il facilite le nettoyage. “En Europe, il faut qu’on soit sûr que la saleté puisse être facilement éliminée et que tout soit suffisamment solide pour résister à l’épreuve du temps et des malmenages, continue le consultant. Ce qui n’est pas le cas au Japon, où tout le monde nettoie naturellement ses espaces.” Et où les voyageurs font la queue de manière ordonnée avant de monter dans les wagons et respectent les équipements.

Les designers de Nendo ont donc dû se mettre dans la peau du voyageur français. “Pour cela, nous avons visité les technicentres, ils ont découvert toutes nos séries de trains et surtout, nous nous sommes baladés partout, s’exclame Florence Rousseau, directrice marketing de la SNCF Voyageurs. 3 mois d’immersion, en somme.” Il faut dire que les transports ferroviaires au Japon font rêver, surtout leur ponctualité : seulement 0,3% des Shinkansen, l’équivalent nippon de nos TGV, sont en retard… de 6 secondes en moyenne !


A LIRE AUSSI : Les 15 designers japonais à connaître absolument


Le Japon est certes un modèle en termes de gestion des gares, mais en ce qui concerne le design de l’objet train, la France est pionnière grâce au TGV, affirme Céline David, directrice du design chez Arep. Nous avons essayé de revenir à l’essence du TGV, ce moyen de transport à grande vitesse ouvert sur le paysage, et de l’adapter à nos façon de l’habiter à notre époque ultra connectée – il y a désormais des prises individuelles dans les 2 classes. La zone bar a elle aussi été repensée, mais je ne peux rien dire de plus pour l’instant !” En espérant que la nourriture à bord sera aussi bonne que les ekibento, ces paniers-repas vendus dans les gares et dans le Shinkansen au Japon.