Jean-François Rial (Voyageurs du monde) : « Si je fais voyager des gens quelque part, c’est qu’il n’y a pas de risque ! »

Leader en France du voyage sur mesure et du tourisme d’aventure, notamment via ses marques Comptoir des Voyages, Bynativ, Terres d’Aventure, Nomade Aventure ou Allibert Trekking, le groupe Voyageurs du Monde s’engage depuis dix ans pour un tourisme plus vertueux et contre le réchauffement climatique depuis deux ans. Jean-François Rial, son patron, nous parle d’empreinte carbone et de reforestation, de mesures visant à endiguer la crise migratoire et d’actions de mécénat concrètes.

Votre moyen de transport favori ?
Jean-François Rial : Le train ! Pour arriver au dernier moment, profiter d’un siège confortable, bouquiner, admirer le paysage, travailler sur ordinateur… De plus, en avion, je supporte très mal la trop forte pressurisation de certaines cabines.

L’aéroport que vous préférez et celui que vous évitez ?
Aurillac, comme tous ces petits aéroports à l’ancienne où l’on arrive à la dernière minute. J’aime aussi celui d’Ibiza. Quant au terminal 1 de Paris–Charles-de-Gaulle, à Roissy, on ne fait pas plus ringard et plus mal foutu. Celui de Bordeaux, actuellement en travaux, est tout aussi épouvantable. Quant à Londres-Heathrow, il est carrément monstrueux !

Le meilleur lounge d’aéroport ?
Sachant que l’on voit beaucoup de lounges nuls, qui ressemblent à des cafétérias, il faut saluer l’excellence des lounges Air France à Roissy, sur les terminaux 2E (en portes K, L et M) et 2F, particulièrement réussis, éclairés, confortables et élégants.

A Roissy, Air France accueille depuis peu ses clients dans un salon imaginé par le designer Mathieu Lehanneur.
A Roissy, Air France accueille depuis peu ses clients dans un salon imaginé par le designer Mathieu Lehanneur. Felipe Ribon

Votre compagnie aérienne préférée ?
Air France ! Et de loin. Pour son service chic sans être obséquieux, un vrai service à la française.

Aujourd’hui, le problème numéro un du tourisme…
Primo, l’empreinte carbone du voyage. Secundo, la foule. Dans un contexte où le tourisme explose et où les spots à visiter sont de plus en plus nombreux, mieux vaut composer : visiter la place Saint-Marc sans personne ou regarder l’îlot du mont Saint-Michel depuis Cancale plutôt que d’aller faire l’imbécile au milieu des parkings de bus.

De fait, comment être vertueux en voyageant en avion ?
Comme il est impossible de voyager vert, soit vous ne voyagez pas, soit vous voyagez en plantant l’équivalent d’un arbre par passager et par heure de vol – voire deux arbres pour atteindre 200 % d’absorption carbone. Depuis 2017, nous plantons 4 000 arbres par jour et nous nous engageons à compenser 100 % des émissions de CO2 générées par les voyages de nos clients et de nos collaborateurs. Chaque année, nous investissons 1,5 million d’euros pour lutter contre le réchauffement climatique. Née en 2009, notre fondation Insolite Bâtisseur Philippe Roméro a deux vocations de mécénat principales : réduire les inégalités Nord-Sud et lutter contre le réchauffement climatique par la reforestation en Inde, en Indonésie, au Sénégal et au Pérou.

Dans un rapport de l’Institut Montaigne en partenariat avec le laboratoire d’idées Terra Nova sur la crise migratoire, vous proposiez des solutions concrètes…
La première idée serait de supprimer le règlement de Dublin, qui impose que la demande d’asile soit faite dans le pays d’arrivée. Pays où, si elle est refusée, le migrant se voit contraint au « shopping de l’asile » parmi d’autres pays, une procédure qui peut prendre dix-huit mois et pendant laquelle il est condamné à errer. Le droit d’asile ne devrait pas dépendre du pays dans lequel on échoue. Nous proposons donc qu’un Office européen du droit d’asile soit créé pour que la répartition des migrants se fasse de façon équitable, en fonction de leurs demandes, mais aussi de la capacité d’accueil de chaque pays. Il faut que le droit d’asile soit géré par des autorités indépendantes, distinctes des autorités politiques locales. Si on est d’accord pour ne pas accueillir tout le monde (nous ne sommes pas naïfs), il est primordial d’accueillir dignement ceux qui arrivent selon leurs droits – droit à l’asile, visa économique, visa humanitaire ou regroupement familial, ou même droit à rien – et de décider en conscience de les garder ou pas. Éviter de prétexter « l’appel d’air », comme certains le font bêtement, pour ne plus ouvrir de centres d’accueil aux portes de Paris. C’est précisément à l’État, et non aux municipalités, de résoudre la question migratoire.

Le groupe Voyageurs du Monde est l’un des principaux soutiens français de l’ONG SOS Méditerranée. Aimeriez-vous voir plus de tour-opérateurs et agents de voyage s’engager dans cette voie ?
Nos actions liées à l’environnement et à l’humanitaire occupent 98 % des deux millions d’euros annuels consacrés au mécénat. Dès 2016, nous avions financé l’Aquarius. Aujourd’hui, nous renouvelons notre soutien à SOS Méditerranée et à L’Auberge des Migrants, à Calais. Nous avons contribué à monter Le Refettorio, le restaurant solidaire du chef Massimo Bottura, qui aide les plus démunis dans le cadre magnifique de la crypte de l’église de la Madeleine, à Paris. Parce que nous faisons voyager les gens dans le monde entier, que nous avons des collaborateurs partout, nous devons nous préoccuper des citoyens tout autour de la planète. L’idée est bien moins de donner des leçons que de convaincre qu’il y a urgence humanitaire.

Le restaurant Reffetorio, aménagé de concert par le designer Ramy Fischler et l’architecte Nicola Delon du collectif Encore Heureux.
Le restaurant Reffetorio, aménagé de concert par le designer Ramy Fischler et l’architecte Nicola Delon du collectif Encore Heureux. JR

Une astuce pour combattre le jet-lag ?
J’anticipe en me mettant à l’heure du pays. Par exemple, avant un voyage à Los Angeles, je me couche et me lève très tard. Sur place, je ne cherche pas à adopter absolument l’horaire du pays, surtout si mon séjour est court. Autrement, j’essaie de faire de petites étapes en cours de route, à New York ou à Detroit – les sites d’agriculture urbaine que j’ai visités étaient passionnants ! –, ce qui allège considérablement un jet-lag de neuf heures.

Dans votre valise, vous emportez toujours… ?
Des livres ! L’été, quand je pars en vacances, de préférence en France, j’emporte deux valises dont une entièrement consacrée à la lecture. Et surtout pas de liseuse électronique, je suis suffisamment esclave du numérique dans mon quotidien pour sanctuariser mon plaisir de la littérature sur papier.

L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Mon bureau en Auvergne, dans le Cantal, près du puy Mary. Et notre maison dans le Perche. C’est un peu l’Angleterre en France. Mon fils est en train de développer là-bas une ferme en permaculture.

Le pays ou la culture qui vous parle ?
L’Inde… et de très loin !

Le voyage que vous rêvez de refaire ?
La traversée du Sahara, dans le Sud algérien, mais il faut encore attendre avant d’y retourner. J’ai une affection profonde pour le désert, en particulier pour le tassili des Ajjer et le tassili du Hoggar.

Une route, un paysage mémorable ?
En Islande, la piste de Fjallabak et la région d’Askja, des paysages lunaires uniques au monde, réellement envoûtants.

La ville la plus excitante du moment ?
New York ou Londres. Si vous voulez savoir ce qui se passe dans le monde, c’est là que la créativité, tous les styles et toutes les cultures se donnent rendez-vous.

A New York, vue sur la 23e Rue Ouest et la 10e Avenue depuis la High Line, cette promenade plantée (inspirée de la Coulée verte du XIIe arrondissement de Paris !).
A New York, vue sur la 23e Rue Ouest et la 10e Avenue depuis la High Line, cette promenade plantée (inspirée de la Coulée verte du XIIe arrondissement de Paris !). Jonathan Pilkington pour IDEAT

La ville de demain ?
Tel-Aviv, absolument incroyable d’énergie.

Vous est-il facile de déconnecter ?
C’est très difficile, car je suis engagé sur des quantités de sujets, professionnels et annexes, mais le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de bannir de certains moments privilégiés ces outils électroniques hautement parasites.

Plutôt France profonde ou bout du monde ?
Les deux. Bien que je n’aie ressenti aucune affinité avec le bout du monde qu’est la Nouvelle-Calédonie.

Plutôt tribu de copains ou premier cercle ?
Premier cercle. D’autant que j’ai de plus en plus besoin d’être seul.

Vos dernières vacances ?
J’ai alterné entre la maison de mon épouse au cap Ferret, mon bureau dans le Cantal et Ibiza.

Le long des côtes d’Ibiza, les curiosités naturelles sont légion, à l’exemple de la pointe du cap Nonõ.
Le long des côtes d’Ibiza, les curiosités naturelles sont légion, à l’exemple de la pointe du cap Nonõ. Pascale Béroujon

Votre prochaine destination business ?
L’Arabie saoudite, car malgré tous les griefs et reproches connus, je crois important d’ouvrir ces pays au tourisme, pour la simple raison que le contact entre les populations autochtones et les populations occidentales finit toujours par affaiblir la dictature.

La première chose que vous notez dans un hôtel ?
Le code Wi-Fi.

La première précaution à prendre en voyage ?
Aucune ! Si je voyage ou fais voyager des gens quelque part, c’est qu’il n’y a pas de risque, sinon je n’y vais pas. Récemment, j’ai adoré circuler dans le nord du Soudan, une zone « verte » pour les Britanniques, où la paix est maintenue. Pas fous, ils n’ont aucun intérêt à ternir la relation historique qui lie leurs deux pays. Pour le Maroc, le site français des Affaires étrangères, par exemple, sera plus précis.

Une musique ou une chanson qui vous transporte illico ?
Positive Vibration de Bob Marley.

Un livre à emporter ?
Le Livre de la méditation et de la vie, de Jiddu Krishnamurti, philosophe laïc inclassable.

Un lieu hors du temps ?
À Jérusalem, l’église grecque orthodoxe du sépulcre de la Sainte Vierge, creusée dans une grotte, inouïe de beauté et de puissance ; tout comme la petite église éthiopienne du Saint-Sépulcre et son monastère. Autre merveille tellurique : la colline de Saint-Siméon-le-Stylite, en Syrie, non loin de la frontière turque. Quant aux ruines du château de la Ferté-Vidame, en Eure-et-Loir, je m’y arrête quasiment chaque mois en me rendant dans le Perche.

Plutôt grands espaces ou pause culturelle urbaine ?
Les deux. Tout sauf la plage et le bateau qui pue le diesel. Cela mis à part, j’adore regarder la mer. Et n’étant pas skieur, la montagne en été, c’est fantastique !

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