Berlin, le laboratoire arty pauvre mais sexy

Vibrante et effervescente, Berlin est un bouillon créatif sans limites. Près de trente ans après la chute du mur, la capitale allemande transforme ses bunkers, usines et brasseries en espaces culturels. Mécènes et collectionneurs privés y avancent leurs pions, ouvrant des lieux plus séduisants et atypiques les uns que les autres.

Au point que l’éditeur Joseph Djenandji, des guides Lost In, qui habite Mitte, plaisante : « J’ai l’embarras du choix pour trouver des bougies parfumées, mais si je veux acheter une pomme ou une banane, c’est plus compliqué. » La gentrification a gagné le quartier voisin de Prenzlauer Berg et bientôt, dit-on, Neukölln. Alors, on commence à s’éloigner vers de nouveaux territoires. « À la chute du Mur, reprend Joseph Djenandji, les gens ont investi les anciens quartiers de l’Est. Maintenant, ils redécouvrent les quartiers ouest et leur histoire. »

Un univers en soi, le Bikini Berlin de la chaîne d’hôtels 25Hours off re une multitude de propositions : chambres, restauration, boutiques, pop-up de marques, expositions… Ce hub urbain participe du nouveau visage de la partie ouest de Berlin, branchée et attractive.
Un univers en soi, le Bikini Berlin de la chaîne d’hôtels 25Hours off re une multitude de propositions : chambres, restauration, boutiques, pop-up de marques, expositions… Ce hub urbain participe du nouveau visage de la partie ouest de Berlin, branchée et attractive. Stevens Frémont pour IDEAT

Car malgré la grisaille, dans les années 70 et 80, l’Ouest était un bouillon de culture underground. Iggy Pop et David Bowie y ont d’ailleurs laissé des traces… ou plutôt des chansons. Ainsi, la réhabilitation du complexe Bikini Berlin, un ensemble architectural classé des années 50 (où le 25Hours Hotel a logé ses chambres), a donné un coup de fouet au quartier et à la très longue Ku’damm (Kurfürstendamm).

La Hallesches Haus, pour faire du shopping ou déguster des bagels et autres aliments healthy de producteurs locaux.
La Hallesches Haus, pour faire du shopping ou déguster des bagels et autres aliments healthy de producteurs locaux. Stevens Frémont pour IDEAT

« C’est la Potsdamerstrasse qui est aujourd’hui très intéressante », précise encore l’éditeur. Connue pour sa proximité avec le red light district, la rue a commencé à changer quand, en 2011, le gourou des tendances, Andreas Murkudis, y a posé sa boutique. La même année que la célèbre galerie d’art contemporain Blain/Southern. Depuis, Acne Studios, Odeeh et bien d’autres les ont rejoints. Au point, de nouveau, d’engendrer une potentielle gentrification…

Le propriétaire du restaurant Oliv Eat, Oliver Mahne, ne peut renier son ancienne activité de décorateur d’intérieur.
Le propriétaire du restaurant Oliv Eat, Oliver Mahne, ne peut renier son ancienne activité de décorateur d’intérieur. Stevens Frémont pour IDEAT

Trop lisse, Berlin ? Peut-être… L’artiste Asta Gröting joue donc aux archéologues, faisant « parler » les murs en montrant leurs cicatrices des impacts de balles ou d’obus de la Seconde Guerre mondiale grâce à des moulages géants en silicone. « À la réunification du pays, l’argent est arrivé en masse. On a rénové la ville en détruisant les marques et les traces du passé. Mes moulages sont ceux des dernières façades abîmées par la guerre, des bâtiments publics qui attendent d’être ravalés. » Exposées récemment au Kindl, ses sculptures, d’une poésie folle, sont comme des paysages de la ville décrivant un passé que l’on cache aujourd’hui. Pourtant, ce sont aussi ces stigmates qui attirent les touristes, toujours plus nombreux. Checkpoint Charlie, ancien lieu de passage du Berlin divisé, a des allures de Disneyland.

L’incontournable Checkpoint Charlie, ex-poste-frontière entre l’Est et l’Ouest, sert aujourd’hui de cadre pour les photos des touristes.
L’incontournable Checkpoint Charlie, ex-poste-frontière entre l’Est et l’Ouest, sert aujourd’hui de cadre pour les photos des touristes. Stevens Frémont pour IDEAT

Pour quelques euros, on s’offre un selfie devant de faux soldats après avoir acheté un morceau de béton du soi-disant mur de Berlin. Comble de l’histoire, un Hard Rock Hotel devrait voir le jour sur l’ancienne frontière. Une drôle de façon de (re)composer avec le passé. Mais Berlin n’est pas à un paradoxe près…

Une densité cinq fois moindre qu’à Paris pour une superfi cie huit fois plus importante. On y respire !
Une densité cinq fois moindre qu’à Paris pour une superfi cie huit fois plus importante. On y respire ! Stevens Frémont pour IDEAT

MUR DE BERLIN

Que reste-t-il du mur de Berlin ? L’East Side Gallery est la plus longue section encore debout, totalisant 1 316 mètres de béton décoré (par 118 artistes de plus de 21 pays, en 1990). Une véritable galerie d’art à ciel ouvert qui a désormais un statut protégé. L’œuvre la plus célèbre reste le Baiser fraternel, entre Leonid Brejnev et Erich Honecker, signé par Dmitri Vrubel.
Eastsidegallery-berlin.de

À LIRE

Berlin, éditions Lost In. Un guide décalé de Berlin (et d’autres villes) où des locaux livrent leurs adresses. S’y ajoute le regard d’un photographe et d’un écrivain. Sur papier ou appli. Lostin.com
Modern Berlin Map, éditée par Blue Crow Media. Une carte papier proposant une sélection de bâtiments modernistes de Berlin brièvement décrits.
Bluecrowmedia.com
Berlin mis en scènes, de Camille Larbey, collection « Ciné voyage », Espaces & Signes. La ville présentée à travers des lieux de tournage de scènes culte. Une jolie façon de l’approcher.
Espacesetsignes.com