Pulp Galerie : l’aventure de deux prodiges qui fait du bruit

Paul Ménacer-Poussin, 24 ans, et Paul-Louis Betto, 25 ans, les fondateurs de Pulp Galerie, ont transformé leur appartement parisien en galerie d'art incontournable en seulement deux ans. Rencontre avec un duo à l'ascension fulgurante qui n'a pas fini de faire parler de lui.

En à peine deux ans, Paul Ménacer-Poussin, 24 ans, et Paul-Louis Betto, 25 ans, ont inauguré la Pulp Galerie, ouvert un showroom-appartement de 200 mètres carrés, participé au Pad Paris et à Design Miami/Basel et se sont frotté aux puces de Saint-Ouen. Une ascension fulgurante pour ce duo qui place le coup de cœur et l’art de recevoir au centre de leur affaire. Rencontre.


À lire aussi : Galerie Pradier-Jeauneau : « Notre idée est de devenir un laboratoire du design »


Un appartement-galerie

Rendez-vous est pris dans le 9e arrondissement, au pied d’un imposant immeuble digne des plus beaux quartiers de Paris. Ni enseigne, ni plaque, ni indication. D’ailleurs, si l’on se fie à un moteur de recherche, l’adresse de Pulp Galerie est toute autre. Un leurre, en sommes. « Puisque nous vivons ici, dans cet appartement du 4e étage, il nous est difficile d’accueillir les visiteurs à l’improviste« , expliquent Paul Ménacer-Poussin et Paul-Louis Betto, les deux amis et fondateurs de Pulp Galerie, qui ont pris soin de conserver leur adresse secrète.

Paul-Louis Betto, à gauche et Paul Ménacer-Poussin, à droite, dans leur appartement-galerie. © Guillaume Benoit
Paul-Louis Betto, à gauche et Paul Ménacer-Poussin, à droite, dans leur appartement-galerie. © Guillaume Benoit

Si, au départ, le choix de faire de leur lieu de vie leur espace de vente était pour eux une question de moyens, le duo se rend vite compte que le format leur convient. Loin d’être un appartement témoin, le lieu est vivant et les meubles, à vendre évidemment, utilisés au quotidien. Dans le salon, l’œil se pose sur l’ensemble d’imposants fauteuils et sofas Obliqua de Mario Botta (1987) aux assises rabattables.

« Ces pièces étaient installées dans la salle d’attente d’un médecin. Si elles ont pu résister 40 ans au passage incessant des patients, elles ne vont pas tomber en ruine après avoir passé quelques semaines avec nous. Nous connaissons bien notre mobilier et savons distinguer les objets fonctionnels des pièces sculpturales, à l’instar de cette chaise de Gaetano Pesce, qui n’a d’ailleurs jamais utilisée par ses anciens propriétaires. » Ou encore le cube-salle à manger Ollo imaginé par Alessandro Mendini et Alessandro Guerriero en 1988, « resté quasiment à l’état de prototype », une pure merveille.

La décoration et l’agencement de Pulp Galerie est en perpétuel changement. © AN Print
La décoration et l’agencement de Pulp Galerie est en perpétuel changement. © AN Print

Prendre le temps de tisser des relations

Les acolytes préfèrent le temps long, nouer de vrais liens et apprécient l’art de recevoir. « Si des clients sont intéressés par une salle à manger, nous les invitons à dîner pour que nous passions un moment ensemble et qu’ils puissent essayer les meubles en situation. Nous nous préparons avec attention, passons une belle chemise et cuisinons tout nous-mêmes. Une chance pour nos convives : nous sommes plutôt doués ! confie Paul-Louis, pas peu fier, le rire aux lèvres. Nous aimons les repas à thème : le dernier était dédié à la région lyonnaise, mettant en avant les vins, mets et spécialités locales. Nous aimerions, à la façon des grands étoilés, tenir un carnet dans lequel nous immortaliserions le déroulé des soirées, quel menu a été servi, s’il a plu… Afin de pouvoir ajuster et être sûrs de se renouveler. »

Une méthode qui fonctionne : Pulp Galerie, lancée en 2022, n’a pas toujours élu domicile dans un sublime 200 mètres carrés typiquement parisien aux beaux volumes, parquet en point de Hongrie, moulures et cheminées. Paul et Paul-Louis se rencontrent pendant leur première année de Master à l’IESA, l’école internationale des métiers de la culture et du marché de l’art fondée en 1985. Nous sommes en 2020 et s’ils ont en tête de monter ensemble un business, la pandémie freine leurs envies.

S’ils ont commencé par le mobilier seventies, Paul et Paul-Louis, fondateurs de Pulp Galerie, privilégient aujourd’hui le design des années 1980 à 2000, qu’ils affectionnent particulièrement. © AN Print
S’ils ont commencé par le mobilier seventies, Paul et Paul-Louis, fondateurs de Pulp Galerie, privilégient aujourd’hui le design des années 1980 à 2000, qu’ils affectionnent particulièrement. © AN Print

« Nous logions encore chez nos parents respectifs. Une fois l’épisode du Covid derrière nous, nous nous sommes installés en colocation afin de maturer notre projet. Puis, nous nous sommes lancés grâce à nos petites économies d’étudiants, débutant par des objets seventies aux prix très raisonnables. Et nos premiers clients, à qui l’on vendait des chaises en plastique à 50 euros, devenus des amis, nous suivent toujours et nous achètent désormais des meubles beaucoup plus rares. »

Un virage à (1)80 degrés

Aujourd’hui, Paul et Paul-Louis ont laissé de côté les années Space Age pour se consacrer au mobilier des années 1980 à 2000. « Cette période a vu la création se libérer. Les designers ont remis en question la notion d’ameublement, concevant des pièces plus radicales, plus sculpturales, brouillant les pistes entre la vocation fonctionnelle d’un meuble et la portée artistique d’une œuvre. Ils ont délaissé les boutiques au profit de galeries, renoué avec les processus de fabrication et l’artisanat. Un avant-gardisme prononcé qui en a dérouté plus d’un, se traduisant par de nombreux échecs commerciaux. Résultat : des meubles édités à un centaine voire une cinquantaine d’exemplaires à peine, que nous prenons plaisir à dénicher. »

© AN Print
© AN Print

Leur plus grande fierté ? Le lit Nobody’s perfect de Gaetano Pesce (2007), pièce maîtresse de leur stand lors de leur première participation au Pad Paris, en avril dernier. « Il était dans un hôtel sicilien inauguré en 2007, dont tout le mobilier est à vendre. Un client a publié sur Facebook une photo de sa chambre sur laquelle on pouvait voir le fameux modèle jaune. Nous sommes tombés dessus par hasard et le lendemain, nous étions au téléphone avec le directeur de l’établissement. »

Dès l’accord trouvé – après un an et demi de négociations acharnées – le duo saute dans le premier avion direction la petite île. « Le surlendemain, un transporteur venait récupérer l’objet, que nous avons ensuite caché jusqu’au Pad, qui avait lieu un an plus tard. Le plus drôle, ce sont les commentaires des clients de l’hôtel qui se plaignaient du manque de confort du lit et de ses grincements déplaisants. »

Pulp Galerie à la conquête de nouveaux territoires

Le Pad Paris 2024 est d’ailleurs la première foire à laquelle ils participent, afin de se faire connaître à un plus large public. Un pari risqué puisque Paul et Paul-Louis souscrivent trois prêts pour se financer. Heureusement, le succès est au rendez-vous : « nous n’avions pas d’autre choix !« , avouent les fondateurs de Pulp Galerie. Deux mois plus tard, ils font sensation à Design Miami/Basel grâce à des pièces de Gaetano Pesce exposées telles des statues de dieux grecs dans un jardin antique, dont la Pratt chair n°7, qui reçoit le prix du Meilleur Design Historique décerné par le salon.

« Gaetano Pesce: le temps des souvenirs », l’installation de Pulp Galerie à Design Miami/Basel 2024. © Studio Shapiro High
« Gaetano Pesce: le temps des souvenirs », l’installation de Pulp Galerie à Design Miami/Basel 2024. © Studio Shapiro High

Désireux de tester le plus de modèles possibles, ils ouvrent un stand au marché Paul-Bert Serpette, à Saint-Ouen, où le design des années 1980 est encore confidentiel malgré un regain d’intérêt remarqué ces dernières années. « Seulement deux autres marchands proposent des objets de cette période, encore peu comprise par la clientèle des Puces, qui cherchent véritablement à se meubler. Plus il y aura de marchands à Saint-Ouen qui défendent les années 80, plus ce goût se propagera dans le monde entier, puisque les décorateurs viennent ici des quatre coins du globe. »

Et pour l’avenir ? L’année prochaine sera dédiée à l’ouverture d’une « vraie » galerie ayant pignon sur rue. « On sent que c’est le bon moment. Si nous le pouvons, nous conserverons l’appartement ou en prendrons un plus petit. » Et s’ils préfèrent arrêter totalement le concept d’appartement-galerie ? « Nous n’habiterons plus en colocation ! Nous sommes adultes maintenant. »

Pulp Galerie, Paris 9e, sur rendez-vous uniquement. Plus d’informations ici.


À lire aussi : Décès de Gaetano Pesce, créateur de La Mamma de B&B Italia