La nature, Sou Fujimoto en a fait son allié pour façonner des architectures urbaines novatrices, alliant à merveille rigueur conceptuelle et poésie formelle. De l’Arbre blanc à Montpellier (2019) à la conception du site de l’Expo 2025 d’Osaka, en passant par le musée de la Musique hongroise à Budapest (2021), ses créations épousent des formes organiques aussi sensuelles que radicales. Il en va de même pour son projet niçois actuel, baptisé Hana, signifiant « pétale » en japonais, sa langue maternelle. Portrait de cet architecte du végétal, dont l’antenne parisienne de son agence fête ses dix ans.
À lire aussi : Architecture scolaire : peut-on encore construire des lieux qui donnent envie d’apprendre ?
Sou Fujimoto, architecte de la nature et du futur
Faire pousser la ville telle une fleur qui éclot : telle pourrait être la devise de Sou Fujimoto. Né en 1971 à Hokkaidō, l’île la plus sauvage du Japon, il grandit au cœur d’un environnement végétal qui s’ancre profondément dans sa mémoire, au point de marquer durablement son travail et d’imprégner son architecture. « Lorsque je suis arrivé à Tokyo pour mes études, j’ai trouvé, dans le chaos de la ville ultra-dense, des analogies avec la végétation de mon enfance, où les feuillages des arbres se laissent mutuellement de la place pour grandir, tout comme les constructions hétéroclites. Ces chaos visuels, naturels ou construits, sont en réalité organisés », raconte l’architecte. Cette fascination pour la nature, il l’a nourrie aussi dans les livres de la bibliothèque familiale, où il découvre Antoni Gaudí et ses monuments aux formes courbes et aux motifs végétaux. « J’ai pu par la suite les admirer de visu, lors de voyages inspirants à Barcelone. »

Parfait héritier de cette pensée moderniste, Sou Fujimoto s’installe à Tokyo en 2000 et y fonde son agence, qui se distingue d’emblée par des structures futuristes évoquant les formes organiques et fluides de la nature, tant dans leur fonctionnement que dans leur apparence. Après de nombreux projets primés en Europe, il ouvre une première antenne à Paris en 2015, puis une seconde à Shenzhen en 2024. Fort de ces trois implantations, Sou Fujimoto Architects rassemble aujourd’hui plus de 110 têtes pensantes, œuvrant dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme, mais aussi de la recherche et de l’innovation.
Ainsi, en 2019, au cœur de Montpellier, il érige l’Arbre blanc : une tour de 17 étages et de 56 mètres de haut, dotée de larges terrasses et de pergolas suspendues dans le vide, figurant le feuillage d’un arbre, comme une métaphore de la photosynthèse. Résultat : l’année même de son inauguration, ArchDaily lui décerne le prix du plus beau bâtiment du monde. Outre son esthétique hors du commun, l’Arbre Blanc mêle volontairement salon et balcon, prônant ainsi le « vivre dehors », l’une des principales caractéristiques du travail de Sou Fujimoto : « Nous cherchons à penser la construction comme un tout où les frontières entre intérieur et extérieur, entre public et privé, entre nature et architecture n’ont plus de raison d’être. »









L’architecte du blanc
Cet arbre fabuleux ne fait que cacher la forêt de Sou Fujimoto, riche d’espaces ininterrompus entre béton et nature, formant une symbiose autrefois utopique, aujourd’hui devenue réalité. D’une part, il fait écho à la House NA de Tokyo (2009), une relecture contemporaine des cabanes construites dans les arbres par nos ancêtres. D’autre part, il annonce ses projets post-2020, portés par une volonté affirmée de végétaliser la ville en créant des « paysages urbains naturels », où l’arbre devient un véritable totem. Il est ainsi au cœur de plusieurs chantiers français en cours, comme la tour Hana à Nice ou le KI à Lyon, dotée d’une immense terrasse verte. Et espérons-le, des Mille Arbres, bâtiment prévu pour 2030 et lauréat de l’un des sites les plus prestigieux de l’appel à projets Réinventer Paris. Du Musée de la Musique hongroise (2021) à la São Paulo House, en passant par le Musée Lavender à Taïwan, tous ses édifices et projets récents intègrent l’arbre comme fil conducteur. Mais une majorité d’entre eux ont un autre point en commun : le blanc.












Pour autant, Sou Fujimoto se défend d’en faire une signature : à ses yeux, cette couleur apparaît avant tout comme une solution pratique. « Le blanc possède des propriétés intrinsèques liées à la lumière. Achromatique, il réfléchit l’ensemble des longueurs d’onde visibles qu’elle contient. Il permet ainsi d’offrir une plus grande variété de jeux d’ombre et de lumière, rendant le bâtiment vivant, car changeant au fil de la journée, des saisons ou selon son orientation », précise-t-il. Grâce à lui, ses édifices, comme le Bâtiment d’Enseignement Mutualisé (BEM) de l’École Polytechnique, s’effacent au profit de leurs occupants et surtout des arbres qu’ils accueillent, dont le vert ressort particulièrement. En somme, le blanc chez Sou Fujimoto sublime la vie organique au cœur de structures de verre, d’acier et de béton.
À lire aussi : Qui est Tadao Ando, architecte de la Bourse de Commerce ?