En matière de design historique ou contemporain, le PAD Paris 2023 demeure un rendez-vous très prisé regroupant les meilleures galeries françaises et internationales.
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Pour cette session anniversaire, la manifestation reste fidèle à sa taille, à sa configuration, à sa philosophie, à sa localisation – dans le jardin des Tuileries – et à son absence délibérée de thématique.
Cette année, l’installation de l’entrée du salon a été confiée à la Galerie Gosserez, qui a choisi l’architecte d’intérieur et sculptrice Diane de Kergal pour réaliser Above the Sun, Only the Sky, une sorte de forêt poétique. Au-delà, on retrouve la synergie créative.
Soixante-dix exposants ainsi qu’une quinzaine d’enseignes récentes présentent sur des stands toujours aussi sophistiqués la quintessence de leur univers.
« Il est vrai que les grandes galeries institutionnelles des débuts ont un peu disparu au profit de nouvelles, et notamment étrangères, confirme Patrick Perrin, fondateur et président du PAD. Certaines viennent des puces également. Paris reprend sa première place, confisquée il y a quelques années par Londres et par New York. »
Il poursuit : « À noter, l’arrivée de galeries créées et dirigées par des femmes ou par des galeristes très jeunes qui s’investissent avec passion dans le métier. D’ailleurs, notre foire s’est progressivement spécialisée en design contemporain. »
Autre évolution, la différence entre les galeries institutionnelles (Avant-Scène, Yves et Victor Gastou, Dumonteil, Downtown, Dutko, Kreo, Lacoste, Mougin, Armel Soyer…), qui continuent à mêler antiquités du XXe siècle, et la plupart des galeries contemporaines, qui font essentiellement de l’édition.
Une raison à cela ? Le changement de positionnement du PAD, qui délaisse peu à peu les XVIIIe et XIXe siècles au profit des arts décoratifs du XXe siècle avec, actuellement, un regain notoire pour les années 80 et leur joyeuse effervescence.
1. Anne Jacquemin Sablon, l’esprit haute facture
C’est toute l’élégance à la française qu’Anne Jacquemin Sablon expose sur son stand, illustrée par des bouts de canapé, des miroirs, des suspensions, des tables basses… signés Tristan Auer, Samuel Latour, Maxime Old, Garnier&Linker…
Dans la galerie qu’elle a ouvert en 2015 au cœur de Paris, la galeriste et architecte d’intérieur — elle a passé dix ans au studio Christian Liaigre — laisse filer sa sensibilité entre design et arts appliqués contemporains et montre meubles, luminaires et œuvres d’art dans une scénographie raffinée.
Cette défense des lignes intemporelles affectées à un mobilier et à des objets décoratifs, on la retrouve aussi dans ses nombreuses réalisations en architecture intérieure et dans des collaborations prestigieuses, notamment la rénovation de l’Hôtel de Crillon et de l’hôtel Les Bains, à Paris, avec Tristan Auer, ou encore aux États-Unis avec la designer Holly Hunt.
> 34, rue Coquillière, 75001 Paris. Tél. : 01 71 24 80 06. Annejacqueminsablon.fr
2. Foreign Agent, l’effervescence africaine
C’est coloré, déluré, rempli de lumière, fait avec des bouts de vie récupérés. On est en Afrique. Cette joie de vivre est communiquée par Olivier Chow dans sa galerie de Lausanne et dans les pièces chargées d’âme qu’il expose pour cette première session au PAD.
Du mobilier réalisé à partir de barils et de bidons recyclés de la collection « Bolibanan » (signifiant en langue bambara « fin heureuse d’un voyage inattendu ») d’Hamed Ouattara, artiste établi à Ouagadougou, la capitale du Burkina, exprimant sur fond de tradition ancestrale les thèmes de l’amour et de la spiritualité.
Ou encore, un fauteuil et un banc en fibre de verre de Yinka Ilori, artiste nigérian basé à Londres, ayant collaboré avec Adidas, Bombay Sapphire, Pepsi et visible au Design Musem, à Londres.
Mais aussi, des sculptures de Jean Servais Somian, revisitant bassines, éponges et anciennes pirogues ; et, enfin, les acryliques sur papier de Didier Viodé, inspiré du quotidien.
> 64, avenue d’Ouchy, 1006 Lausanne. Tél. : + 41 21 90 90 007. Foreignagent.ch
3. Æquo, le culte de l’essence
Fondée en 2022 par Tarini Jindal Handa, la galerie Æquo, basée à Bombay, présente dans des scénographies épurées les pépites de l’artisanat et du design néo-indien, avec un état d’esprit et une créativité mêlant fonctionnalisme et sophistication.
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Gravés par l’illustrateur français Boris Brucher, les paravents en bidri (alliage métallique) de la ligne « Handmade Tale », de Florence Louisy, partagent le même ascétisme sculptural que la collection « Raw », également de Florence Louisy, en outre directrice artistique de la galerie.
Æquo expose aussi « Living Archive », les sculptures en cuir de Cédric Courtin, ou encore la série « Kothi » regroupant les travaux de Valériane Lazard, Chamar, Wendy Andreu, Frédéric Imbert, Cédric Courtin et Florence Louisy, où la dimension expérimentale de chaque œuvre ne se distancie jamais de la quête esthétique.
> Aequo.in
4. DimoreGallery, fenêtre sur les arts décoratifs
C’est la première fois que DimoreGallery, studio d’architecture et de design créé en 2003 à Milan par Emiliano Salci et Britt Moran, expose au PAD de Paris. Mais le duo est coutumier de la manifestation pour avoir présenté à plusieurs reprises son univers au PAD de Londres.
On verra donc ici des pièces de Gabriella Crespi, designer et décoratrice italienne des seventies, dont le style a préfiguré le courant bobo chic d’aujourd’hui; Gio Ponti, architecte et designer de renommée internationale, auteur de la célèbre chaise Superleggera, éditée par Cassina, en 1957.
Ou encore, Mario Bellini, architecte et designer italien, à l’origine de la Villa Erba, à Cernobbio, ou du département des arts de l’Islam du musée du Louvre. On découvrira également, lors du PAD Paris 2023, un luminaire du designer et décorateur français Pierre Marie, qui met toujours l’artisanat au cœur de ses créations.
5. Rademakers Gallery, univers croisés
Dans la galerie qu’elle a fondée en 2007 à Amsterdam, Pien Rademakers expose tout un univers croisé entre art, design, mode et joaillerie, constitué en grande majorité par des artistes femmes, autrices d’œuvres engagées.
Une découvreuse de talents qui présente ici un panel éclectique: œuvre lumineuse Colour Shift Black Medium, de Rive Roshan; mobilier du studio d’art et de design REM Atelier; bestiaire de Sebiha Demir, conçu à partir de douilles de cartouches qui illustrent la menace que fait peser l’homme sur l’animal ; les montages vidéo, bons pour le moral, d’Irma De Vries ; le travail de Studio Job…Mais aussi divers travaux textiles, celui de Joana Schneider à base de filets de pêche, de chaume ou de roseau; de Simone Post, plus passionnée par la durabilité et le processus de fabrication que par le produit fini ; ou encore de Mae Engelgeer, créatrice de tapis aux couleurs flamboyantes.
> KNSM Laan 291, 1019LE, Amsterdam. Tél. : + 31 642 302 293. Rademakersgallery.com
6. Romain Morandi, la veine surréaliste
Le dialogue entre les époques et les factures est le thème que Romain Morandi décortique dans sa galerie avec des pièces qui évoquent autant l’esprit dada des années 20 que l’épure, le courant néobaroque, l’expressionnisme ou l’inspiration tribale et théâtrale des années 80 et 90.
D’où cette juxtaposition de créations: meuble sur pied d’Oscar Jespers, paravent Virgin, de Dan Friedman, table Tabula Rasa, de Ginbande Design, bureau Pettit, de Martin Szekely, pièces en coquilles d’œuf de Christian Duc faisant partie des collections du Mobilier national.
Diplômé en histoire de l’art, Romain Morandi a débuté dans la galerie Alexandre Guillemain où il organisait de nombreuses expositions contribuant à la reconnaissance de l’American Studio Craft Movement en Europe.
Il a ouvert sa galerie en septembre 2022 et a publié le mois suivant Chess Design (Norma Éditions), un ouvrage sur les jeux d’échecs d’artistes et de designers, de 1890 à nos jours.
> 18, rue Guénégaud, 75006 Paris. Tél.: 06 76 91 20 92. Romainmorandi.com
7. Mélissa Paul, le flair outre-Manche
Dans la galerie qu’elle a créée en 2018, Mélissa Paul excelle à mélanger l’art et le design. Exercice qu’elle nous fait partager ici en exposant d’un côté des œuvres sculpturales, tels le séparateur Divider en grès émaillé ; une création abstraite de la céramiste Natasha Dakhli.
Mais aussi, la table basse Opéra en bronze, de Colo Studio ; la sculpture Secret en pierre, de Bertrand Créac’h ; ou encore la Hanging Sculpture en fil galvanisé tissé à la main, d’Ulrikk Dufossé, hommage au corps féminin, que l’on retrouve au PAD Paris 2023.
Second volet, un parti pris plus organique que l’on retrouve au travers de la lampe Petit Carrousel et de la chaise Bergère inspirée par la série « Morille » d’Agnès Debizet; du miroir Bubble en bronze de Clotilde Ancarani ; ou des créations fossiles de Dominique Legros.
C’est ce tendre chaos qui intéresse la jeune galeriste, assortir les factures, les provenances, faire cohabiter ce qui est institutionnel et ce qu’elle défriche…
> 3-5 Dunston Road, Londres E8 4EH. Tél. : + 33 (0) 6 50 69 63 45. Galerie-melissa.paul.com
8. Nes Gallery, pièces à histoires
C’est toute la quintessence du design français et italien des années 80 (Paolo Pallucco et Mireille Rivier, Martin Szekely, Philippe Starck…) que l’on retrouve avec une certaine émotion dans cette galerie que Nans Bouchet a inaugurée au marché Paul-Bert, à Saint-Ouen, en 2017.
Décoré avec des pièces de Shiro Kuramata, de Philippe Starck et de Bob Wilson, le stand conçu pour le PAD est la projection d’un intérieur rêvé de collectionneur.
Œuvres à haute valeur historique que l’on verra également dans un espace inédit baptisé Nes Gallery (nom tiré de la chanson des années 80 Never Ending Story, de Limahl) et situé au premier étage d’un appartement du Palais-Royal.
« Nous l’avons créé afin de recevoir dans un lieu propice à l’échange et à la présentation de nos pièces, explique Nans Bouchet. Dans un écrin qui rende justice à ces années. »
> 110, rue des Rosiers, marché Paul-Bert, 93400 Saint-Ouen. Tél. : 06 78 41 58 99.
9. Objects With Narratives, variations en bleu
C’est autour de la couleur du ciel que la scénographie de la galerie s’est articulée et notamment autour du bleu nuit, du monde du sommeil et de la chambre à coucher pour le PAD Paris 2023.
Pour pallier la perte d’identité de cette pièce au fil des années, la galerie s’est donc chargée de la reconstituer comme autrefois avec un grand lit, une armoire, un miroir, un chandelier, une chaise longue, une sculpture lumineuse et un meuble bar-console, signé Pierre De Valck, fermé par un lapis-lazuli, une pierre bleue, fil conducteur de la mise en scène.
Celle-ci a été confiée à une dizaine d’artistes ayant conçu chacun une pièce du décor. Un résultat en phase avec la démarche défendue depuis le début par cet espace genevois: présenter des œuvres qui racontent une histoire.
> 7, rue de Croix-d’Or, 1204 Genève. Tél. : + 32 471 79 80 09. Objectswithnarratives.com
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