Milan Design Week 2025 : toutes les tendances repérées par la rédaction

6 jours, plus de 25000 pas quotidiens et tellement d'installations et d'expositions à découvrir qu'il nous faudrait le don d'ubiquité ! IDEAT a tenté de tout voir, et voici ce que la rédaction a repéré.

Après une semaine passée à arpenter les rues de la capitale lombarde, à vibrer au rythme de la création lors de la Milan Design Week 2025, IDEAT revient la tête pleine des tendances qui vont colorer et donner le ton de l’année. Tour d’horizon de ce qui a marqué la rédaction.


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1- Des lits à vivre

Lundi 7 avril, 9 heures. Ce matin, le jour se lève sur le quartier de Brera. Via Fatebenefratelli, les designers, journalistes ou encore curateurs ouvrent l’œil, sortant du lit-canapé signé Espace Aygo installé de manière inattendue face à la vitrine de la galerie Delvis (Un)Limited. Pendant 7 jours et 7 nuits, les hôtes s’enchaînent, prenant part à une expérience immersive invitant les passants au voyeurisme, justement baptisée “The Theatre of Things” (comprendre, “le théâtre des choses”).

À peine (bien) réveillé, direction le Teatro Litta, où Laila Gohar, star du food design (presque 300 000 abonnés sur Instagram), convie une poignée de happy few à un petit déjeuner sous la couette vautré dans un lit XXL – le tout afin de célébrer les draps et chics pyjamas imaginés par la chef-scénographe pour Marimekko, habillés des rayures joyeuses et colorées signées Maija Isola.

Peut-être est-ce l’époque qui fatigue ? Nouveauté ou non mais toujours aussi loin des canapés guindés, le mobilier privilégiant une vie passée allongée est légion pendant la Milan Design Week 2025. Acerbis exhibe fièrement son Free System, imaginé en 1973 par Claudio Salocchi, Pedro Almodovar a choisi pour sa collection réalisée en partenariat avec Roche Bobois d’orner les éléments du Lounge de motifs tirés des affiches de ses films, et HEM dévoile son Grand Sofa, modulable à souhait. Le tout transformant n’importe quel salon en douillet cocon.

MARIMEKKO collection by Laila Gohar Palazzo Litta IDEAT MILAN DESIGN WEEK 2025
MARIMEKKO collection by Laila Gohar Palazzo Litta IDEAT MILAN DESIGN WEEK 2025 Sean Davidson

2- Ode à la nature

Au sein de la galerie Nilufar, la nature a repris ses droits, brouillant les frontières entre création naturelle et humaine. Maximilian Marchesani rappelle ainsi à quel point l’Homme a perturbé son environnement à travers des luminaires grandioses fabriqués à partir de branches de noisetiers tortueux et de plumes de perruches à collier collectés dans les Jardins de Palestro, à Milan et utilisés tels quels, éclairés grâce à un câblage électrique inséré dans les rainures.

 

Sur la troisième édition du Labò, la jeune galerie Aleor, spécialisée dans le biodesign, démontre preuves à l’appui qu’une autre manière de créer est possible, grâce à l’utilisation de matériaux vivants bluffants. On y découvre notamment le travail de Marlène Huissoud – une créatrice expérimentale détentrice d’un Master en Material Futures à la Central Saint Martins de Londres en 2014 -, une œuvre multisensorielle en marqueterie de cuir d’insecte, conçus à partir de cocons de vers à soie et de cire d’abeille, qui fleure bon le miel.

Ou encore celui d’Anaïs Jarnoux et Samuel Tomat, qui s’intéressent quant à eux au potentiel des algues, qu’ils transforment en matériau aux airs de résine naturelle. En résultent des lampes d’allures fragiles, notamment en spiruline, qui laisse en surface des motifs façon tie&dye magnifiques.

De retour en ville, Gucci a transformé le Chiostri di San Simpliciano en une jungle de bambou labyrinthique ouvrant sur une exposition célébrant cette essence chérie par la griffe – dans laquelle est fabriquée depuis 1947 la anse du sac auquel elle a donné son nom – à travers des œuvres d’artistes et designers de tous horizons.

Résultat, des paniers en bambou tressé rehaussés de perles de verre soufflées à la bouche (Dima Srouji), des tables basses en résine emprisonnant les cannes en suspension (Laurids Gallée), du mobilier empreinte en aluminium (Sisan Lee), un luminaire à la croisée des époques… Quant au Kite Club, un compte Instagram lancé en 2020 par le designer textile Bertjan Pot et la photographe Liesbeth Abbenes célébrant leur amour des cerfs-volants, il rend hommage à l’essence qui a permis l’essor de cette pratique qui leur tient si fort à cœur.

« Sans toi, le cerf-volant ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Ta solidité, ta flexibilité et ta légèreté ont été essentielles au développement de cet objet à travers le monde. Oui, nous avons évolué – aujourd’hui, nous utilisons des tiges et des tubes en carbone ou en fibre de verre pour fabriquer des armatures qui, autrefois, étaient soigneusement sculptées en bambou. Le papier a été remplacé par des matériaux synthétiques comme le plastique et le nylon, conçus pour résister à des vents plus forts et à la pluie. Mais aucune de ces innovations n’aurait été possible si, à l’origine, les gens n’avaient pas fabriqué de cerfs-volants en bambou. »

3- L’air de la lumière

Un objet qui a également inspiré Michael Anastassiades Cygnet, un luminaire sculptural révélé au sein de la magnifique Jacqueline Vodoz and Bruno Danese Foundation, un bâtiment historique rénové par Achille Castiglioni dans les années 90 et d’ordinaire fermé au public.

Lampe « Cygnet » de Michael Anastassiades dévoilée pendant la Milan Design Week 2025.
Lampe « Cygnet » de Michael Anastassiades dévoilée pendant la Milan Design Week 2025. © Nicolò Panzera

« Enfants, nous fabriquions des cerfs-volants avec du roseau, du papier et de la colle que nous créions nous-mêmes avec de la farine et de l’eau, se rappelle le designer avec nostalgie. Nous les faisions voler aussi haut que la ficelle le permettait. Et à un moment donné, on ne le voyait plus dans le ciel tellement il s’était éloigné. Ce n’était que lorsqu’il attrapait la lumière du soleil et se mettait à briller qu’on savait qu’il était encore là. »

Inspirée par les modèles mis au point par Alexander Graham Bell, l’inventeur du téléphone, les lampes se composent de deux triangles de papier équilatéraux qui s’unissent sans couture apparente, mettant en valeur leur géométrie subtile sous l’éclat discret d’une source lumineuse dissimulée. Des objets modulables qui semblent flotter dans l’espace, suspendus, immobile ou en mouvement, selon l’angle du regard.

Les lampes Maat d’Erwan Bouroullec pour Flos sur leur stand Euroluce pendant la Milan Design Week 2025.
Les lampes Maat d’Erwan Bouroullec pour Flos sur leur stand Euroluce pendant la Milan Design Week 2025. Gianluca Bellomo

Autres objets lumineux et aériens, les lampes nomades réalisées par A-Poc Able Issey Miyake en collaboration avec Ambientec, un fabricant japonais spécialisé dans l’éclairage portable et les designers suisses ​​d’atelier oï. La maison de mode nippone a ainsi transposé sa fameuse technique de plissée tridimensionnelle“Steam Stretch” sur des abat-jours immaculés fixés sur des arceaux métalliques. Les deux éléments se détachent, permettant à la lampe de se ranger pliée à plat si besoin, le tissu conservant sa forme à jamais grâce à ce savoir-faire unique.

Le modèle mural en Tyvek (papier non-tissé fabriqué à partir de fibres de polyéthylène) Maap, signé Erwan Bouroullec, pour Flos est lui aussi vendu à plat mais à froisser soi-même. Si le modèle uni s’apparente à un paysage de roches lunaires, celui à rayures tennis ressemble davantage à une feuille de cahier d’écolier chiffonnée. Autant de luminaires sculptures aussi légers que l’air !

4- Architecture sensible

Aesop a toujours mis autant de soin dans la conception de ses produits que de ses boutiques, en témoignent leurs écrins léchés, dont celle de Corso Magenta, à Milan, a d’ailleurs été dessinée par Dimore. L’installation imaginée par le créatif Gabriel Santos pour Aesop permet une pause (bien méritée) au milieu de la frénésie milanaise. L’entrée dans le cloître de l’église Santa Maria del Carmine se fait au compte goutte, préservant à l’intérieur un calme à toute épreuve.

Après s’être lavé et crémé les mains – un rituel que la marque de cosmétique propose dans tous ses magasins -, direction la sacristie, éclairée seulement par quelques bougies. Au centre trône une structure conçue à partir de baume pour le corps mélangé à du stuc que l’architecture s’apparente à une seconde peau, qui nous protège de l’extérieur au même titre que notre propre épiderme. Un matériau qui, comme elle, doit être hydraté et nourri, et qui fleure bon les huiles essentielles chères à la marque australienne.

« Au cours des quatre dernières décennies, j’ai essayé de redonner à l’architecture sa capacité à être utile à l’esprit, en utilisant des images facilement reconnaissables et généralement associées à la vie urbaine et à la culture populaire, disait Gaetano Pesce. J’ai toujours cherché à trouver de nouveaux matériaux qui respectent la logique de la construction et offrent des services adaptés aux besoins réels des gens. À travers mon travail, j’ai tenté de transmettre un sentiment de surprise, de découverte, de féminité, d’optimisme, de générosité et de joie. »

Si le mobilier du maestro semble envahir les foires depuis sa disparition l’an dernier, force est de constater que son architecture reste encore méconnue… Jusqu’à aujourd’hui. La galerie Antonia Jannone Disegni di Architettura présente “Gaetano Pesce. A celebration for the architecture: models, thoughts and drawings”, une exposition qui retrace la révolution opérée par Pesce dans le domaine à travers trois projets : Pluralist Tower (1987), World Trade Center (2002) et Pink Pavilion (2007).

Le premier est un gratte-ciel de quarante étages conçu comme un manifeste du pluralisme. Chaque habitant aurait la possibilité de faire concevoir sa portion de façade par un architecte ou artiste différent. Résultat : une architecture vivante, hétérogène, reflet de la diversité humaine. Le bâtiment devient une œuvre collective, non standardisée, symbole de liberté et d’individualité. Pour se rendre compte de son originalité, il suffit d’observer la maquette exposée.

Le second a été imaginé suite aux attentats du 11 septembre, Gaetano Pesce propose deux tours jumelles reconstruites, qui tournent sur elles-mêmes à mesure qu’elles s’élèvent. Au sommet, un grand cœur lumineux relie les deux structures, flottant dans le ciel de New York. Une vision poétique de mémoire, de lien, et d’espoir, à travers une architecture symbolique et émotionnelle.

Quant au troisième, un pavillon d’un nouveau genre entièrement réalisée en mousse de polyuréthane, est un prototype d’architecture rapide, spontanée, presque organique. Conçu pour la Triennale de Bovisa, il valorise l’aléatoire et l’émotion dans la forme. Démoli depuis, il reste un exemple fort de l’architecture comme acte expérimental, expressif, joyeux et accessible.


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