Cinq ans déjà que Manifesta, phare culturel hybride rayonnant au cœur de Lyon, donne à voir et à comprendre l’art du temps. Dans cet ancien atelier de soyeux, revampé de bleu Klein et de mobilier design par la décoratrice Claude Cartier, les galeries d’art françaises les plus inspirées exposent leurs protégés à tour de rôle. Manière pour Céline Melon, directrice des lieux, d’attiser la curiosité des collectionneurs et d’offrir aux entreprises un lieu de réception où se familiariser avec la création d’aujourd’hui. La notion d’hospitalité, au cœur de la 17e Biennale d’art contemporain de Lyon, traverse aussi l’exposition Dérives.
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L’héritage des soyeux de Lyon
« Les quatorze artistes de la galerie Binome que nous accueillons entretiennent un lien particulier avec le territoire régional, cela s’exprime de manière singulière grâce aux matériaux et aux savoir-faire traditionnels », souligne Céline Melon.
C’est le cas de Laurent Lafolie, qui joue avec nos perceptions en imprimant ses portraits grand format sur des fils de soie (industrie dont la ville, s’il faut le rappeler, fut le berceau français). Au gré des mouvements du visiteur, ces fils un peu magiques alignés sur plusieurs rangées, font apparaître ou disparaître des visages, dans une vibration subtile.
Autre référence textile forte, les tapisseries Jacquard réalisées par Laurence Aëgerter, reproduisent des images que l’artiste pioche sur internet, dans des catalogues de musées, des encyclopédies ou encore des tableaux. Souvent assemblées comme un patchwork, ces photos tissées racontent une nouvelle histoire.
D’une beauté déroutante, les images de bâtiments frappés par la guerre, que Lisa Sartorio imprime sur du papier japonais, mouillé par endroit pour en repousser la matière avec le doigt, créent une collision visuelle entre la délicatesse du support et le propos politique.
Chez Manifesta, l’exposition « Dérives » lève les yeux au ciel
Bien plus ludique, la collection de diapositives d’amateurs réunie par Lee Shulman, génial créateur de The Anonymous Project, nous fait voyager dans le passé avec une nostalgie joyeuse. Ces pépites anonymes réunies par gamme de couleur comme des vitraux (scènes de baignades pour la série bleue, inspiration printanière et réunions de famille pour la jaune), ont une portée universelle qui fait sourire l’œil. Certaines diapos sont aussi présentées à l’unité dans un écrin digne d’un bijou, telle une tranche de vie encapsulée.
Du bleu de l’âme au bleu du ciel, il n’y a qu’un pas que franchissent volontiers plusieurs artistes, dont Marie Clérel, qui capture chaque jour à heure fixe l’éclat de l’azur. À partir de toutes ces nuances, elle compose un tableau calendaire qui tient autant du bulletin météorologique que de la chronique onirique du temps qui passe. Quant à Laurent Millet, il ressuscite à travers sa série Cyanomètre un ancien procédé photographique lui permettant de mesurer l’intensité du firmament.
D’une beauté irréelle, les nuages mis en scène par Thibault Brunet nous transportent entre ciel et terre. Passé maître dans l’exploration d’images en 3D et de jeux vidéo, l’artiste interroge en douceur notre rapport aux mondes virtuels.
Plus conceptuels et totalement hypnotiques, les enregistrements photographiques réalisés par Mustapha Azeroual, restituent les variations colorées de la lumière lors du lever ou du coucher de soleil. Grâce à l’impression de ces dégradés sur un support lenticulaire, il immortalise des sensations éphémères.
« Tous ces artistes sont en train de réinventer la photographie. Ils s’imposent de nouveaux processus qui résonnent parfaitement avec la Biennale de Lyon. Ce sont des œuvres exigeantes mais accessibles, en cela, notre galerie joue pleinement son rôle d’initiation », conclue Céline Melon.
> Exposition « Dérives » à la Galerie Manifesta, 6, rue Pizay, Lyon 1er, jusqu’au 26 octobre 2024. Manifesta-lyon.fr
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