Une chambre dévastée : matelas lacéré, chaise renversée, chaussures et vêtements éparpillés… la première photographie de Jeff Wall possédait déjà toutes les caractéristiques de son oeuvre. L’image grand format (159 x 229 cm) au décor théâtral minutieusement élaboré en studio The Destroyed Room, insérée dans un caisson lumineux, est l’adaptation version 1978 de La Mort de Sardanapale, un tableau peint par Eugène Delacroix en 1827.
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Une peinture photographique
Jeff Wall (1946-) a donc réussi à combiner ses principaux centres d’intérêt – l’histoire de l’art et le cinéma – dans une image monumentale présentée telle une affiche publicitaire au sein d’un panneau rétroéclairé.
Si la technique emprunte au pop art, la recherche en matière de lumière, le dispositif de mise en scène, la composition ainsi que les références du plasticien et historien de l’art sont bien plus académiques.
L’artiste s’inspire à la fois de peintures de grands maîtres comme Le Caravage (1571-1610), Ingres (1780-1867), Manet (1832-1883) ou Hokusai (1760-1849), avec A Sudden Gust of Wind, et de classiques du cinéma ou de la littérature.
Rendre compte du réel
En témoigne, par exemple, After Invisible Man, illustration spectaculaire du prologue du roman de Ralph Ellison Invisible Man. Cette fois, un personnage solitaire est assis dans une cave de Harlem, à Manhattan, sous un plafond recouvert de 1369 ampoules.
Ce cliché est une manière de rendre visible l’homme invisibilisé dans son pays natal dominé par les Blancs. Car telle est l’ambition de Jeff Wall : rendre compte du réel en produisant des oeuvres non dénuées de critique sociale.
Son travail, qu’il qualifie de « cinematographic photography », séduit les amateurs, comme les membres de Sonic Youth – rockeurs avant-gardistes qui firent de The Destroyed Room la pochette d’un de leurs albums –, les professionnels, qui lui décernent en 2002 le prestigieux prix Hasselblad, et les collectionneurs, qui s’arrachèrent la photo Overpass pour la somme de 501160 euros lors d’une vente chez Sotheby’s, à New York, en 2017.
> « Jeff Wall ». À la Fondation Beyeler, à Bâle (Suisse), jusqu’au 21 avril. Fondationbeyeler.ch
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