Exposition de Thomas Ruff au MAMC+ Saint-Étienne Métropole : à voir absolument

Pour la première rétrospective dans un musée français du photographe allemand Thomas Ruff, le MAMC+ Saint-Étienne Métropole lui dédie son espace central de 1 000 m2. En déroulant quarante années d’exploration des procédés techniques photographiques et de production d’images par l’artiste, l’exposition retrace aussi une histoire du médium.

Plutôt que d’imaginer une rétrospective chronologique des œuvres de Thomas Ruff (1958-), le commissaire Alexandre Quoi, responsable du département scientifique du musée d’Art moderne et contemporain Saint-Étienne Métropole, a choisi de montrer ses séries – 17 au total, dont une inédite – selon l’ancienneté de leur technique photographique.

Les manipulations de Thomas Ruff

Dans sa série « Nudes » (2000), Thomas Ruff joue avec l’idée du voyeurisme en retravaillant numériquement des images pornographiques issues d’Internet.
Dans sa série « Nudes » (2000), Thomas Ruff joue avec l’idée du voyeurisme en retravaillant numériquement des images pornographiques issues d’Internet. Thomas Ruff

Le parcours débute ainsi par le XIXe siècle et les plaques de verre qui ont toujours intéressé le photographe. Alors qu’il était étudiant de Bernd Becher (célèbre pour ses photos d’installations industrielles) à l’académie des beaux-arts de Düsseldorf, dans les années 80, il a signé ses premières séries « Intérieurs » et « Portraits » puis s’est tourné vers d’autres approches. En témoigne sa magnifique dernière séquence inédite intitulée « Bonfils, 2022 », du nom du studio ouvert par Félix Bonfils en 1867, à Beyrouth.

L’argentique poétique

Image de la série « Press++ » (2015), provenant d’archives de la presse américaine des années 30 à 70, où le recto et le verso ne font plus qu’un.
Image de la série « Press++ » (2015), provenant d’archives de la presse américaine des années 30 à 70, où le recto et le verso ne font plus qu’un. Thomas Ruff

Ayant acquis des reproductions de négatifs sur verre représentant des sites antiques et des paysages du Proche-Orient, Ruff les capture pour retirer les négatifs. Tout au long de l’exposition, l’esprit de renouvellement permanent de l’artiste et sa volonté de transformer les images sont mis en évidence. Les séries « Negatives » et « Tripe » reflètent sa passion ancienne pour la photographie scientifique. La technique du photogramme lui donne aussi l’idée de travailler la solarisation dans sa série « Flower.s », de 2018.

Une traversée des pratiques photographiques

La série « Tableaux chinois » (2019), aux effets pixellisés, est réalisée à partir de photos du magazine La Chine, diffusé en France entre 1950 et 1970.
La série « Tableaux chinois » (2019), aux effets pixellisés, est réalisée à partir de photos du magazine La Chine, diffusé en France entre 1950 et 1970. Thomas Ruff

Il se réapproprie la photographie judiciaire (inventée par Alphonse Bertillon en 1890, avec ses clichés de face et de profil) en construisant des visages artificiels dans sa série « Others Portraits », en 1994-1995. Le parcours relate également le passage de la pratique analogique à l’ère du numérique, tout en révélant la nature même de la photographie et son potentiel de manipulation. L’approche analytique de la méta-photographie « ruffienne », faite d’images à partir d’images existantes ou à créer, nous plonge dans une traversée infinie des pratiques du 8e art. 

« Thomas Ruff. Méta-photographie ». Au musée d’Art moderne et contemporain Saint-Étienne Métropole, rue Fernand-Léger, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, jusqu’au 28 août. Tél. : 04 77 79 52 52. Mamc.saint-etienne.fr