Agnès b., Antoine de Galbert, deux collectionneurs férus d’art contemporain et de photographies qui ont décidé de partager leurs coups de cœur. Si toute collection dessine le portrait de celui ou de celle qui l’a constituée, nul doute que les images qu’ils ont sélectionnées, intimes et singulières à la fois, racontent la même histoire : celle de la vie, avec ses joies et ses souffrances. Découverte de ces deux collections photos subjuguantes.
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Les affinités électives d’Agnès b
Sa première exposition (en 1984) était consacrée aux tirages de Martine Barrat, la dernière (en 2023) à ceux de Dennis Morris : entre les deux, quatre décennies se sont écoulées, mais Agnès b., communément présentée comme styliste, est toujours animée par la même passion, celle d’une créatrice qui, au gré de ses coups de cœur, a rassemblé quelque 2 500 photographies.
S’y distinguent des portraits emblématiques (Sarah Bernhardt sur son lit de mort ou Robert Rauschenberg tirant la langue), des décors (des graffitis vus par Brassaï, des ruisseaux par André Kertész), des enfants, beaucoup d’enfants. À l’image de Kurt et Hans grimaçant à Moscou, en 1930, symboles de la jeunesse insouciante, immortalisés par El Lissitzky, un artiste de l’avant-garde russe.
Ces clichés, réunis sans souci de hiérarchie, retracent néanmoins l’histoire sociale, culturelle et esthétique de la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. En émerge un profond sentiment d’humanité, à l’image d’Agnès b.
> « Une “histoire” de la photographie dans la collection Agnès b. ». À La Fab, à Paris (XIIIe), jusqu’au 7 avril. La-fab.com
L’humanisme d’Antoine de Galbert
Une main baguée tient deux mocassins éculés. Ils appartiennent à Alberto García-Alix, figure de la Movida, cabossée comme ses souliers, qui documente son quotidien depuis les années 80. C’est l’une des 270 images léguées par Antoine de Galbert, ancien fondateur et directeur du centre d’art contemporain La Maison Rouge, au musée de Grenoble, sa ville natale.
Elles sont signées de 95 photographes, depuis Dorothea Lange, qui immortalise les victimes de la dépression des années 30 aux États-Unis, à Mathieu Pernot, qui braque son objectif sur l’artiste Mohamed Abakar au milieu d’un cimetière de gilets de sauvetage abandonnés sur l’île de Lesbos, en Grèce.
Des gitans, des femmes voilées, d’autres bâillonnées et ligotées, telle Pilar Albarracín posant dans une robe traditionnelle andalouse sous un trophée : une tête de taureau. L’esthétisme intemporel de ces clichés s’accompagne d’un récit bien actuel sur la migration, la religion, le féminisme… Une certaine vision de la photographie qui embrasse notre monde tel qu’il est. L’une des collections photos à découvrir sans plus tarder.
> « Une histoire d’images – Donation Antoine de Galbert ». Au musée de Grenoble, jusqu’au 3 mars. Museedegrenoble.fr
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