Le modernisme tropical au Victoria and Albert Museum de Londres

De passage à Londres, IDEAT a visité l'exposition « Tropical Modernism: Architecture and Independence » qui a lieu au Victoria and Albert Museum.

Du modernisme tropical, on retient surtout l’aventure brésilienne… Pourtant, le mouvement architectural s’est aussi discrètement répandu à travers l’Afrique de l’Ouest. Une histoire passionnante sur laquelle revient le Victoria and Albert Museum, à Londres.


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Un renouveau architectural

À la fin des années 40, les architectes anglais Jane Drew et Maxwell Fry ont fait migrer l’architecture et l’urbanisme modernistes vers le Ghana et le Nigeria. En dessinant dix-sept lieux de pouvoir dans ces pays, qui étaient alors des colonies britanniques, ils inventèrent de toutes pièces une version tropicale du modernisme, c’est-à-dire adaptée aux conditions climatiques de la région.

Le modernisme tropical développé dans les conditions chaudes et humides de l’Afrique de l’Ouest, dans les années 40, est à découvrir au Victoria and Albert Museum au travers de photos, dessins, maquettes et meubles.
Le modernisme tropical développé dans les conditions chaudes et humides de l’Afrique de l’Ouest, dans les années 40, est à découvrir au Victoria and Albert Museum au travers de photos, dessins, maquettes et meubles. Peter Kelleher

Or, le moment charnière qui a mêlé ce mouvement d’avant-garde à la fin de l’Empire britannique n’est pas une simple étape, mais plutôt une épopée unique, paradoxale, durant laquelle le modernisme s’est déployé concomitamment à la décolonisation du tiers-monde.

L’accrochage du Victoria and Albert Museum revient sur cette forme d’expression politique qui se déroule au Ghana, mais aussi au Nigeria et en Inde, où le couple a collaboré avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret sur le chantier de Chandigarh, à l’heure de l’indépendance de ces États, lorsque les gouvernements ont commandé à des architectes locaux de nouveaux projets, symboles de leur vision progressiste du pouvoir.

Après l’indépendance en Inde et au Ghana, ce style symbolisait pour les nouveaux gouvernements la modernité et le progrès, en rupture avec la période coloniale.
Après l’indépendance en Inde et au Ghana, ce style symbolisait pour les nouveaux gouvernements la modernité et le progrès, en rupture avec la période coloniale. Peter Kelleher

On arpente les salles du Victoria and Albert Museum de Londres entre maquettes, plans et photos, dans un environnement immersif, coloré et dont la scénographie a été imaginée comme un hommage à ces oeuvres rigoureuses, reprenant les formes géométriques phares de ce courant spécifique, notamment les murs ajourés en béton.

Un parcours minutieusement orchestré

La visite commence avec la découverte du travail de Jane Drew et de Maxwell Fry, alors en poste au Ghana, avant de se poursuivre avec les projets des architectes ghanéens Theodore Shealtiel Clerk et Peter Turkson (ex-collaborateurs du duo britannique) dont le rôle vient très récemment d’être reconnu.

Vue de l’exposition « Tropical Modernism: Architecture and Independence » au Victoria and Albert Museum.
Vue de l’exposition « Tropical Modernism: Architecture and Independence » au Victoria and Albert Museum. Peter Kelleher

Mais le plus intéressant est sans doute la section consacrée à la genèse de cet épisode, révélant comment les créateurs européens se sont approprié l’art et les motifs africains, une influence essentielle dans le développement d’une esthétique moderniste au début du XXe siècle. Un mouvement de va-et-vient qui a toujours jalonné l’histoire de l’art.

> « Tropical Modernism: Architecture and Independence ». Au Victoria and Albert Museum, à Londres, jusqu’au 22 septembre. Vam.ac.uk


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