L’incroyable cocon floral d’India Mahdavi pour We Are Ona

Pour le dernier restaurant pop-up de We Are Ona, India Mahdavi métamorphose la Carrosserie, ancien repaire de tôles et d’huile en un speakeasy fleuri où le béton cède la place à la rose d’Ispahan. Entre design total, gastronomie éphémère et manifeste de soft power, l’architecte impose sa patte, celle d’une féminité assumée, sans minauderie.

India Mahdavi aime nager à contre-courant. À l’occasion du nouveau pop-up de We Are Ona, qui a lieu jusqu’au dimanche 26 octobre, en parallèle du salon Art Basel Paris, l’architecte-designer a revu et corrigé un garage parisien laissé à l’abandon, recouvrant murs, mobilier et plafonds d’un même tissu orné de roses d’Ispahan, motif persan revisité façon all-over hypnotique. Résultat : un cocon floral saturé de douceur, où l’œil se perd et où le monde s’apaise.


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Le « hug » immersif d’India Mahdavi pour We Are Ona

« En tant qu’architecte, designer et scénographe, j’aime m’aventurer sur de nouveaux territoires, créer une expérience, un moment, certes éphémère, mais qui nourrissent notre mémoire, confie India Mahdavi. C’est justement ce que m’a apporté cette collaboration avec We Are Ona. Le format est très  différent de ceux sur lesquels je travaille habituellement : un lieu inattendu, une durée courte…  D’un garage à l’abandon, nous avons créé un lieu où s’exprime le vivant. 

India Mahdavi a imaginé ce décor comme un « hug » textile.
India Mahdavi a imaginé ce décor comme un « hug » textile.

L’idée ? Contraster la rugosité du lieu avec la délicatesse d’un décor immersif, pensé comme un « hug », une étreinte textile. «Il y a quelque chose de très doux dans cette approche, qui fait référence à une esthétique que l’on retrouve dans les maisons anglaises — cette utilisation  de tissus un peu surannés, chargés de mémoire. En les traitant en all-over, cela devient autre chose : une enveloppe à la fois familière et contemporaine, confie la designer. Je voulais que l’on entre ici comme dans un cocon. »

Le chef Jesús Durón a, quant à lui, puisé son inspiration gustative dans ce décor envoutant. Une inversion des rôles rare dans le duo food/design : ici, le visuel dicte le goût. Chaque plat dialogue avec le textile, chaque assiette prolonge la texture du lieu – un dialogue sensoriel que l’on aurait aimé infuser au long cours, mais qui, fidèle à l’esprit Wa Are Ona, s’évaporera dans quelques jours, laissant dans son sillage un doux parfum de rose.

La rose d’Ispahan, symbole d’un nouveau soft power décoratif

Le motif, imaginé pour l’occasion, trouve ses racines dans la rose d’Ispahan, une fleur délicate au parfum très envoutant et merveilleux. Ce dessin est très utilisé en Iran sur des supports de vaisselle et de textiles. J’en ai dessiné ma propre version, pour en faire un tissu qui recouvre toutes les surfaces de façon à créer cet ‘espace-cocon ‘. Je souhaitais créer la surprise sur le principe d’un speakeasy où un espace en cache un autre. Ici, c’est le contraste entre le lieu et le décor que j’ai imaginé qui rend l’expérience inattendue. »

Un décor en immersion totale signée India Mahdavi pour We Are Ona.
Un décor en immersion totale signée India Mahdavi pour We Are Ona.

Cette bulle décorative assume sa féminité comme stratégie : « Si la décoration d’intérieur n’a pas de genre, la perception que l’on en a relève d’une construction culturelle. Quand j’ai réalisé The Gallery du restaurant Sketch, je n’ai pas choisi ce rose en all-over pour créer un espace féminin, mais parce qu’il évoquait quelque chose de gourmand. Le rose quartz a d’ailleurs été élu couleur de l’année par Pantone en 2016. Il en va de même pour le motif floral. Ceux dessinés dans les années 40 par Josef Frank pour la maison Svenskt Tenn sont devenus de véritables références — encore réédités quatre-vingts ans après leur création. Ici ce n’est pas le décor qui est féminin et féministe, mais son affirmation. Ce all-over est une invitation au soft power : prendre le pouvoir, mais avec douceur. » 


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