Lorsque l’on pense à Vidauban, petite commune varoise de 12 500 âmes à proximité de l’A8, surgissent à l’esprit de vastes étendues de vignes, constellées de villages pittoresques restés à l’écart du bâti moderne. C’est pourtant ici, au milieu d’un parc verdoyant de 2500 mètres carrés, que Jérôme Peyret, élève de « l’habitologue » hongrois Antti Lovag, a érigé l’une de ces « maisons bulles », symboles d’une architecture à contre-courant de l’habitat fonctionnaliste. À rebours d’une orthogonalité devenue la norme dès le début du XXᵉ siècle, ce courant anticonformiste dit « organique », né dans les années 1960, aura tenté d’imposer un modèle alternatif visant à déconstruire une vision de l’espace domestique jugée trop aliénante, éloignée de la vie, rendant impossible la projection de tout désir.
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La quatrième dimension
Une utopie sensible, qui puise ses racines dans une enfance passée à construire des igloos en Scandinavie et se déploie sous la forme de cellules sphériques mobiles, capables de s’assembler ou de se désolidariser les unes des autres. De cet héritage, l’historien de l’architecture Aurélien Vernant reconnaît une rupture franche avec « Le Corbusier qui rêvait d’affranchir l’homme de son environnement, de le mettre sur pilotis, dans un humanisme qui misait tout sur la technique. Antti Lovag est le père d’un courant de pensée qui dit « attention, le mouvement moderne s’est coupé de la nature »». Et c’est bien cette douceur tout en courbes, cette innocence ludique que l’on retrouve ici.




Cachée au milieu des arbres, la propriété, construite en 2006, laisse dépasser une partie de ses contours sphériques percés de skydomes, donnant à l’ensemble une forme d’étrangeté quasi extraterrestre. Aux bulles nomades de son mentor, Jérôme Peyret préfère une version sédentaire et intimiste, comme une réplique du Palais-Bulles de Théoule-sur-Mer en portion individuelle. Si elle a été pensée pour rester ancrée sur un même sol, on y retrouve la philosophie d’un Antti Lovag qui concevait les espaces en quatre dimensions, ajoutant aux proportions humaines la gestualité et le déplacement, permettant à ses habitants d’élaborer un espace à son image.
Un corps humain vu de l’intérieur
Au centre, le salon circulaire s’élève vers une mezzanine où l’on se love dans un hamac, tandis qu’une cuisine semi-ouverte aura été installée dans une petite sphère indépendante, accolée au volume principal. Où que l’on soit, la nature environnante semble pénétrer sans aucune dureté, avec une inclination pensée pour diffuser la lumière à toute heure de la journée, et des oculus ouvrant sur un élément du dehors, qu’il s’agisse d’un arbre, d’une roche ou d’une plante.


Lorsque l’on regarde de plus près, l’espace se veut la métonymie parfaite d’un corps humain vu de l’intérieur, comme traversé par un entrelacs d’organes et de conduits : « C’est une maison dotée d’une dimension physiologique, qui crée une véritable symbiose avec la nature environnante », souligne Aurélien Vernant. De ces murs recouverts d’enduits aux douces teintes crème émane une sensualité organique, dans un lieu inondé de lumière par le biais de larges baies vitrées elliptiques, invitant à s’autoriser un temps de pause, de silence et de contemplation. En extérieur, une large terrasse en bois épousant les courbes du bâtiment semble flotter au-dessus d’une végétation en perpétuel mouvement, renforçant encore davantage la dimension onirique si chère à son créateur.
Vendue avec son mobilier au prix de 450 000 euros, avec l’option confortable de pouvoir y creuser une piscine, la maison bulle de Peyret apparaît comme un rêve abordable, une offense pacifique à « la culture du béton et de l’industrie, avec des formes qui renvoient à l’enfance, et à un imaginaire de barbe à papa », conclue l’historien avec émotion.
> Maison bulle vendue par l’agence Architecture de collection.
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