Dans le cadre du festival NYCxDesign 2025, Big Apple accueillait au mois de mai dernier l’International Contemporary Furniture Fair (ICFF) au Javits Center. Un événement qui connaît une nouvelle impulsion grâce à Odile Hainaut et Claire Pijoulat, deux Françaises désormais aux commandes de ce salon. L’occasion de faire aussi la tournée des plus beaux espaces de Manhattan investis par des stars du design hexagonal.
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Une foire professionnelle
Poignées de porte (Lo & Co), passementerie pour des projets d’architectes (William Storms), prises électriques (Juniper), solutions acoustiques (Kawajun), receveur de douche (Infinity Drain) ou salles de bains (Grohe et American Standard)… Événement consacré aux professionnels, le salon ICFF expose de nombreuses marques d’équipement de la maison ultra-spécialisées, de labels haut de gamme portés par des savoir-faire pointus au service du quotidien.

Parmi les stars du salon, Juniper, spécialiste d’éclairages techniques et d’alimentation en électricité, proposait sur son stand Le Recharge Lounge un espace malin qui permettait aux visiteurs de faire une pause, de travailler et de charger leurs téléphones. L’occasion pour la marque de présenter son dernier système d’alimentation, Ground Control, et la collection d’éclairages « Multiverse », ultra-technique, au design minimaliste.
À quelques mètres de là, Grohe révélait dans son stand spacieux l’« Aqua Atelier », une installation immersive et interactive qui invitait à découvrir ses dernières innovations.
Un lieu de rencontres
Si la plupart des salons proposent des débats généralistes dans des espaces consacrés, le salon ICFF multiplie les conversations dans ses allées. Juniper a ainsi proposé plusieurs conférences comme « L’éclairage c’est maintenant ». Une discussion sur l’importance de la collaboration précoce en matière d’éclairage pour façonner un design cohérent dès la première ébauche d’un projet.

Un peu plus loin, le spécialiste des accessoires de salle de bains Grohe organisait une série de panels avec la participation de figures de l’architecture, du design et de la mode, dont le styliste Christian Siriano ou l’architecte Koray Duman. Le salon proposait aussi des rencontres avec de prestigieux invités, comme le designer français Noé Duchaufour-Lawrance, et abordait des thèmes pointus et inspirants. Parmi eux, « Comment les systèmes vernaculaires peuvent résoudre les challenges les plus complexes du design ».
Toujours commissionné par l’ICFF, l’espace Oasis invitait à se détendre et à écouter des conversations dans un cadre intimiste. Du côté des étudiants, l’espace workshop conviait les visiteurs à faire une pause autour d’un café. Enfin, l’exposition de l’artiste australienne CJ Hendry, baptisée « Keff Joons », avec ses installations gonflables composées de tubes géants colorés, permettait aussi de se poser entre deux visites de stands.
Des étudiants mobilisés
Rarement salon aura fait autant la part belle aux étudiants en design. D’abord dans l’espace workshop, avec son emplacement et son agencement, derrière des panneaux semi-ouverts, pour que les visiteurs puissent voir les travaux en cours tout en laissant les étudiants progresser sur de vrais cas.

Dans les allées de la section « Wanted », tout un pavillon était réservé aux écoles, comme un mini « Satellite » (la section du Salon de Milan consacrée aux jeunes créateurs, devenue rampe de lancement pour les designers du monde entier). On y a navigué entre les projets de lampes portables ou de vêtements techniques signés University of Oregon, les collections de chaises du programme University of Iowa 3D Design, les projets de la Parsons School of Design, plus scientifiques, ou de la célèbre Rhode Island School of Design.
C’était aussi un espace portes ouvertes des écoles du monde entier : Tec de Monterrey, au Mexique, Instituto Marangoni, en Italie… qui pouvaient recruter des visiteurs/étudiants et se connecter entre elles pour créer des partenariats et des programmes d’échanges. Toutes étaient dotées d’un confortable espace et étaient animées par des étudiants et des professeurs, qui engageaient volontiers la discussion.
« Morpho » en majesté
Alors que les liens entre musique et design ont toujours été très puissants, le festival belge de musique électronique Tomorrowland s’engouffre dans cette tendance en développant « Morpho », une collection de mobilier, en collaboration avec le designer Dieter Vander Velpen et l’éditeur Ethnicraft.

Une gamme lancée en avant-première à l’ICFF dans un environnement de jungle moderniste. L’espace dévolu à cette collection, au cœur du salon, était ainsi composé de cloisons et de podiums en béton et d’une multitude de plantes exotiques dans lesquelles étaient noyés chaises longues, larges fauteuils comme le Vime, tabourets hauts, jardinières ou encore robinets inspirés de l’Art nouveau.
Des volutes élégantes du spectaculaire bain de soleil Solis au dos de la chaise Volita, dont la structure métallique ajourée s’inspire des ailes de la libellule, en passant par la table ronde Cena, dont le piétement sinueux évoque les racines d’un arbre… cette collection minimaliste aux courbes organiques est la parfaite héritière du mouvement qui a fait entrer la Belgique et le reste de l’Occident dans la modernité.
L’art du tapis
C’est un tapis aux poils épais blancs et noirs. Les dimensions et le jeu de textures, mais aussi le dessin linéaire de son motif abstrait en faisaient un modèle qui accrochait l’œil au salon ICFF, où cette pièce signature était révélée. Proposée par Maison Toukkani (éditeur suisse dont les modèles sont fabriqués au Maroc) et baptisée Manhattan, elle s’inspirait d’un plan vu du ciel de l’île – tout comme le modèle Brooklyn évoque le célèbre pont du même nom. Des modèles représentatifs de la qualité et de la richesse de la proposition en termes de tapis exposée par ICFF.

Au gré des allées, JOV montrait des créations très moelleuses, aux dégradés subtils, tandis que Mark Krebs présentait des tapis minimalistes à la texture artisanale. Aux côtés de ces labels de niche, JD Staron, la marque emblématique de tapis américaine, affichait la diversité de ses collections.
Enfin, Layered célébrait les 10 ans de sa collection « Unfold », des tapis aux couleurs vives et aux motifs géométriques répétitifs, et présentait sa collaboration avec l’artiste portugaise Heather Chontos. Tous témoignaient de la justesse de ces maisons, à la fois dans l’air du temps et porteuses d’une vision à long terme.
Des designers makers
Capitale mondiale des designers makers, New York est un terreau fertile pour ceux qui dessinent et créent leur propre mobilier. Brooklyn, qui recelait d’espaces industriels abandonnés transformés en studios, a permis aux créateurs de s’installer dans des lieux de travail abordables et spacieux. Une culture qui infuse plus largement l’ensemble du territoire nord-américain et qui se trouvait représentée dans les allées de l’ICFF, permettant d’en saisir la vivacité.

Le studio Humble Matter a ainsi proposé les totems anthropomorphiques Adrien et Adrienne ; Zachary A, à Chicago, a porté haut les couleurs de ce mouvement avec son petit mobilier outdoor aux formes géométriques et organiques et ses matériaux innovants alliant fibre de verre et résine, dont la finition laisse apparaître des aspérités réalistes.
La palette de couleurs de ses collections, inspirée de la nature, renforce son côté harmonieux. « Nous dessinons et fabriquons tout nous-mêmes, ce qui permet cette finition unique, très appréciée des clients. Ils sont séduits par notre gamme ultra-fonctionnelle malgré sa dimension sculpturale et sa légèreté, totalement inattendue », explique le créateur. Sa consœur canadienne, Mary Ratcliffe, dessine et crée avec une équipe d’ébénistes du mobilier intemporel composé de pièces asymétriques, arrondies ou géométriques.

C’est aussi le bois que travaille George Sawyer, dont l’histoire démarre dans l’atelier de chaises Windsor de son père, dans l’État du Vermont, qu’il quitte pour étudier le design industriel à la Rhode Island School of Design avant de retourner au bercail quelques années plus tard et lancer Sawyer Made en 2012.
Ses collections de chaises allient techniques traditionnelles de travail du bois et vision contemporaine. « Je les ai extraites de l’univers classique où elles étaient cantonnées », revendique le designer maker, qui a tendu et épuré les lignes ou au contraire arrondi les angles. Un travail qui marie intelligence du dessin et du geste.
Les frenchies sur les toits de New York
En marge de l’ICFF, les galeries ouvraient leurs portes dans les plus beaux penthouses new-yorkais. Celui du 72e et dernier étage de la Sutton Tower – l’une des vues les plus spectaculaires de Big Apple – accueille jusqu’au 17 octobre une tout aussi extraordinaire collection de design consacrée à la galerie parisienne des années 1980, Néotu, aujourd’hui disparue.

Les galeristes Mouvements Modernes et Nancy Gabriel se sont associés pour montrer les pièces exubérantes ou minimalistes signées Martin Szekely, Garouste & Bonetti, Dan Friedman, Pucci de Rossi… Une exposition qui se révèle être un bon indicateur de la puissance du design français à New York, qui se mesurait aussi au Pied-à-terre de Mathieu Lehanneur, un penthouse au 60e et dernier étage du Selene, non loin de Central Park.
L’ascenseur débouche directement dans cet immense appartement entièrement meublé par le designer français : suspensions Mollien, initialement dessinées pour un café du musée du Louvre, torche olympique ou tables posées sur des pieds en bulles de verre, dont le dessin aérien fait écho à cet intérieur dans les nuages.

On poursuit la tournée des galeries françaises avec vue chez Eteline, à quelques mètres de la High Line, où un duo franco-américain expose, dans un ancien atelier aux larges verrières ouvrant sur les buildings new-yorkais, des artistes, des designers et des éditeurs français montants ou confirmés, parmi lesquels Hervé Langlais, qui a dessiné l’espace, Bina Baitel, Pierre Lacroix, Maison Pouenat, Thierry Lemaire ou Rodolphe Parente.
Toujours plus haut, à l’occasion de NYCxDesign, Treca s’offrait le rooftop de Maison Bowery, son écrin new-yorkais, pour présenter son nouveau lit Marguerite, dessiné par Uchronia. Des créations au sommet de leur art pour un public avisé.
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