3 expositions collectives à ne pas manquer en France en 2023

Qui a dit qu'il n'y avait rien à faire en dehors de Paris ? Voici une sélection d'expositions collectives surprenantes à voir en région !

Enrichies par les multiples regards d’artistes et oeuvres qui les composent, les expositions collectives permettent d’explorer les thématiques abordées de façon plurielle, au gré des envies. Qu’il s’agisse de découvrir des artistes d’une zone géographique encore trop peu présentée dans les musées, de se laisser emporter dans l’univers fantasque de la fête foraine ou encore de parcourir la notion de fiction, ces trois propositions apportent autant de pistes de réflexion que la mise en lumière de talents artistiques contemporains.



À Tourcoing : une exposition qui retrace les mythes de l’Asie centrale 

Fruit d’un partenariat entre le Centre Pompidou et le Fresnoy, l’exposition Saodat Ismaïlova. Double Horizon propose une réflexion sur la culture centre-asiatique, à partir de l’œuvre de l’artiste ouzbèque Saodat Ismaïlova, nourrie d’autres productions artistiques majeures qui tissent également des liens entre le passé et le présent d’un tel territoire.

À travers d’oniriques productions filmiques, Saodat Ismaïlova cherche à faire émerger l’âme de l’Asie centrale constituée à la fois de croyances immémoriales et de l’héritage de la domination russe puis soviétique. En imbriquant ces deux pans dans son travail, elle tisse une œuvre singulière dotée d’une forte puissance symbolique, comme en témoigne par exemple Two Horizons qui a donné son nom à l’exposition.

L’oeuvre Zukhra (Vénus en ouzbek) raconte la métamorphose d’une jeune femme en la planète Vénus racontée dans un mythe local. À travers sa vidéo, Saodat Ismaïlova dresse un parallèle entre cette histoire et celles de femmes de son pays qui attendent en quelque sorte leur éveil.
L’oeuvre Zukhra (Vénus en ouzbek) raconte la métamorphose d’une jeune femme en la planète Vénus racontée dans un mythe local. À travers sa vidéo, Saodat Ismaïlova dresse un parallèle entre cette histoire et celles de femmes de son pays qui attendent en quelque sorte leur éveil. © Saodat Ismaïlova

Dans cette installation vidéo sur deux écrans, elle réunit un ancien mythe turc des steppes eurasiennes sur la lévitation humaine et le premier voyage spatial soviétique humain en 1961. Le flagrant parallèle entre les deux histoires — l’une racontée selon la tradition écrite et orale, l’autre enregistrée grâce aux avancées technologiques de l’époque — instaure un possible récit commun. 

En s’éloignant d’un aspect didactique, l’exposition s’envisage comme une promenade à travers le travail de Saodat Ismaïlova ponctuée d’oeuvres multiples qui explorent différents médiums comme la broderie, la sculpture ou encore le dessin. De la nef centrale de l’espace d’exposition se dégagent ainsi de riches dialogues entre artistes animés par les mêmes questions et qui permettent d’aborder un territoire à travers diverses thématiques tels que la censure induite par l’influence du régime soviétique, le rapport au cosmos ou encore la question du rôle des femmes.

> Exposition « Saodat Ismaïlova. Double horizon » à Le Fresnoy – Studio national des arts contemporain, jusqu’au 30 avril 2023



À Bordeaux : une exposition inspirée des fêtes foraines

Sans s’être accordés, le Centquatre à Paris dévoilait pendant près de quatre mois sa Foire Foraine d’Art Contemporain, tandis que le CAPC à Bordeaux abordait la même thématique sous un angle inédit : celui d’une fête foraine désenchantée. Aussi grisante qu’effrayante, l’exposition se fait l’écho de la Foire aux Plaisirs de la place des Quinconces, installée deux mois par an non loin de l’ancien entrepôt Lainé. Sous le commissariat de Cédric Fauq, elle se déploie dans les espaces centraux (nef et mezzanines) du musée et plonge ce dernier dans une atmosphère effervescente, terrain fertile d’émotions ambivalentes.

De la surprise à l’euphorie en passant par la peur, les œuvres qui composent cette exposition collective font en effet appel aux sens des visiteurs — tels que la vue, l’ouïe et l’odorat — grâce à de nombreux dispositifs d’installations et d’œuvres pluridisciplinaires. Conçue selon des thématiques précises, l’exposition permet à la cinquantaine d’artistes de faire dialoguer leurs créations dans un espace volontairement non cloisonné et dont émane une curieuse cacophonie.

Fortement inspiré par l’Art gothique et l’Art nouveau, le duo d’artistes Julie Villard et Simon Brossard présente Teardrop Station (2021) dans l’exposition Barbe à Papa. Une oeuvre qui évoque tout autant une table, une machine à glace qu’une pâtisserie.
Fortement inspiré par l’Art gothique et l’Art nouveau, le duo d’artistes Julie Villard et Simon Brossard présente Teardrop Station (2021) dans l’exposition Barbe à Papa. Une oeuvre qui évoque tout autant une table, une machine à glace qu’une pâtisserie. © Antoine Donzeaud

La section « Festin » rappelle par exemple l’imaginaire des sucreries lié à la fête foraine. Des œuvres comme celle de Julien Ceccaldi, Door to Cockaigne accueillent les visiteurs dès leur entrée dans l’espace d’exposition. Avec son mur peint en rose sur lequel une véritable porte entrouverte donne sur un visage féminin monstrueux très rapproché, évoquant la sorcière du conte d’Hansel et Gretel, le ton est donné : bienvenue dans un drôle de monde où l’imagination est reine !

Plus loin, la créature d’Alfredo Aceto, Gutter-Gargoyle, sortant d’un mur, crache du popcorn à même le sol, nourrissant à nouveau l’idée de gourmandise. À mesure que l’exploration des lieux avance, les autres pans de l’exposition se révèlent. Ainsi les artistes s’approprient tour à tour les figures du carrousel, des lanternes, de la gravité, des jeux ou encore l’histoire même de la fête foraine en détournant les codes de représentation traditionnels pour en proposer des versions déconstruites et parfois cauchemardesques.

> Exposition « Barbe à Papa » au CAPC, Musée d’art contemporain de Bordeaux, jusqu’au 14 mai 2023



À Vitry-sur-Seine : une exposition qui explore les fictions

Une nouvelle exposition collective a éclos au MAC VAL – Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne. Intitulée « Histoires Vraies », elle réunit une quarantaine d’artistes autour de la notion de fiction et plus précisément sur la façon dont les choses sont mises en récit. Sous le commissariat de Frank Lamy, l’exposition est conçue comme le second chapitre de « Lignes de Vie », autre proposition de grande envergure ayant eu lieu en 2019. Volontairement basée sur une absence de parcours, elle propose trois entrées possibles comme trois histoires différentes à arpenter librement. De nombreuses pistes de réflexion dans lesquelles la fiction est conçue comme un portail vers d’autres contrées en résultent.

L’esthétique du conte se retrouve çà et là, ponctuant chacune des zones d’exposition comme c’est le cas avec Mes insomnies (2022) d’Anne Brégeaut. Cette série de petites toiles aux mille et un détails révèle en effet une palette de couleurs vives et acidulées ainsi que des motifs relatifs à ce type d’histoires (maisons, forêts…). D’apparence enfantines, un certain enchantement se dégage de ces scénettes. Pour autant, la menace plane : des flammes ardentes ou des vagues scélérates risquent de tout détruire et emporter sur leur passage. Le titre même de la série évoque finalement ce qui habite tout autant les nuits de l’artiste que celles des visiteurs.

Présentées dans l’exposition, certaines oeuvres Kent Monkman interrogent le mythe fondateur du Canada. En se mettant en scène à travers des alter egos fictifs, il détourne avec humour la perspective des colonisateurs.
Présentées dans l’exposition, certaines oeuvres Kent Monkman interrogent le mythe fondateur du Canada. En se mettant en scène à travers des alter egos fictifs, il détourne avec humour la perspective des colonisateurs. © Kent Monkman

Si certains artistes prennent le parti d’aborder la fiction par le biais d’images, d’autres le font directement avec ce qui constitue l’essence même de tout récit : les mots. L’artiste pluridisciplinaire Anne-James Chaton constitue la série Fictions (2021) à partir de tickets de caisse collectés desquels il extrait certains mots pour composer de nouvelles histoires. Rédigées sur des post-it et présentées à côté de leur matrice originelle, elles instaurent un parallèle entre l’apparente banalité des tickets de caisse et la richesse des récits inventés par l’artiste.

Parmi la densité d’œuvres et d’installations proposées, l’exposition « Histoires Vraies » relève le défi d’entraîner les visiteurs dans un univers divers et varié sans jamais manquer de surprendre, de faire sourire, d’interroger et parfois même d’effrayer. Ainsi, tous les aspects d’une histoire qui tiennent en haleine sont couverts et permettent ainsi de stimuler sans relâche l’imagination.

> Exposition « Histoires vraies » au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, jusqu’au 17 septembre 2023