Né en 1956 aux États-Unis, le mythique Lounge Chair, de Charles & Ray Eames tient du mécanisme d’horlogerie. L’un des plus fameux best-sellers de l’histoire du design a toujours nécessité plus d’une quarantaine d’étapes pour sa réalisation. Techniquement, ce siège culte est une sorte de puzzle ultra-précis.
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Un atelier qui perdure
Avec son repose-pieds Ottoman, il est issu de recherches expérimentales et de la passion du couple de designers pour le bois courbé – du contreplaqué de palissandre de Rio, un bois qui n’est plus exploité de nos jours. À l’époque, cette sculpturale coque en bois est une performance technique.

Trois ans après sa sortie en fanfare sur le sol américain – passage à la télévision inclus –, l’entrepreneur suisse Willi Fehlbaum, détenteur d’accords d’édition avec Herman Miller pour l’Europe, propose à Michel et Théodore Schulmann, fondateurs en 1956 de Mobilier International, de diffuser les meubles Herman Miller et de fabriquer la version européenne du Lounge Chair et de l’Ottoman.
En 1964, pour continuer leur production après l’incendie de leurs locaux parisiens, les frères Schulmann déménagent leurs ateliers de fabrication à Tours, en Indre-et-Loire. Jusqu’en 1991, date de son rachat par le groupe américain Haworth, Mobilier International produira 51000 Lounge Chair et 32000 Ottoman pour l’Europe.
En 2004, toujours en Touraine, l’entrepreneur Gregory Pialat concrétise l’idée de fonder un atelier de restauration de mobilier avec un département consacré au Lounge Chair du couple Eames, qui a longtemps été produit pour l’Europe dans la région.

Le choix de l’appeler Mobilier International assure une certaine visibilité, mais indique aussi que certains artisans de l’atelier viennent des ateliers de fabrication du Mobilier International d’origine. Depuis, l’atelier restaure dans les règles de l’art le Lounge Chair, qu’il ait été fabriqué par Mobilier International en Europe ou par Herman Miller aux États-Unis.
Maîtrise technique
Dans les 270 m2 de l’atelier de Fondettes, Gregory Pialat précise par exemple : « Nous sommes les seuls à pouvoir faire du replaquage de contreplaqué de bois à chaud avec notre machine pour le presser, à fabriquer nos propres pièces de rechange pour remplacer celles qui ont été cassées et même à fabriquer notre vernis, appliqué ensuite à la main, comme tout le reste. »

Les ateliers ébénisterie et tapisserie redonnent vie à des sièges parfois très abîmés. Tout est affaire de maîtrise technique : savoir démonter les coussins en cuir fixés à la coque ne s’improvise pas. Et les Zips sont aussi spéciaux que les Shockmounts, ces quatre amortisseurs à ne remplacer qu’une fois usés, mais jamais tous en même temps, car le fait de les décrocher fragilise le bois lamellé-collé.
Outre la réparation, l’atelier vend des Lounge Chair vintage en parfait état de restauration, « avec facture et certificat d’authenticité », indique Gregory Pialat, qui recommande par ailleurs de ménager ces icônes du XXe siècle. Ainsi, le siège souffre s’il supporte plus de 85 kilos; s’asseoir sur ses accoudoirs est aussi proscrit que de se jeter dedans.
Plus le fauteuil est ancien, plus il faut faire attention. Il est garni de Bultex, le nec plus ultra en matière de mousse, pour des coussins refaits sur mesure qui conservent leur galbe quand on se relève. Dernier conseil : surveiller que vos proches ne portent pas de jeans teints ou cloutés: « 80 % des dommages sont causés par des tiers », résume Gregory Pialat, une pointe de réprobation dans la voix.

L’atelier répare tout lui-même et, côté cuir, de préférence comme à l’origine, en noir ou en écru. Une fois toutes ces problématiques posées, en réalité l’atelier voit arriver beaucoup de Lounge Chair restés de nombreuses années, voire des décennies, dans la même famille.
Un produit durable avant la lettre… à dépoussiérer chaque mois soi-même pour entretenir le cuir et à revernir tous les quinze à vingt ans. Un siège précieux, à respecter. Au point d’attendre dix jours avant de pouvoir se rasseoir dessus quand il sort de l’atelier de réparation.
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