Collectible Fair 2024 : une 7e édition au sommet

À Bruxelles, du 7 au 10 mars 2024, la Collectible Fair a mis le monde du design de collection en ébullition.

Ce 7 mars, rendez-vous est pris à Bruxelles pour célébrer la crème du design de collection. La 7e édition de Collectible Fair, qui s’est tenue dans la capitale belge jusqu’au 10 mars 2024, n’a pas déçu. Dernières tendances, temps forts, créateurs à suivre et nouvelles nouvelles fraîches… Visite guidée comme si vous y étiez.


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Une 7e édition pleine de promesses

Passer les portes de l’espace Vanderborght, rue de l’Ecuyer, à Bruxelles, c’est s’immerger dans un morceau de l’histoire architecturale belge. Ses larges baies vitrées, ses fonctionnalités avant-gardistes et ses grandes terrasses ont fait la renommée de cet ancien magasin d’ameublement, un bâtiment de style moderniste construit dans les années 30 par les architectes Alexis Van Vaerenbergh et Léon E. Govaerts, qui s’étend sur 5 étages, soit 16 000 mètres carrés.

L’espace Vanderborght, rue de l’Ecuyer, à Bruxelles, pendant le vernissage de la Collectible Fair 2024.
L’espace Vanderborght, rue de l’Ecuyer, à Bruxelles, pendant le vernissage de la Collectible Fair 2024.

En ce mois de mars et comme à ses débuts en 2018, la foire Collectible, créée par Clélie Debehault et Liv Vaisberg, a repris ses quartier dans ce lieu brutaliste magistral. En entrant, le visiteur est accueilli par une scénographie imaginée par Tableau, qui a utilisé des papiers ayant servi à emballer de jolis bouquets, les a teintés puis agencés de façon à mimer l’intérieur d’une cave, l’origine de l’art et de la collaboration créative selon le studio basé à Copenhague. D’ailleurs, chacun est invité à dessiner et à tagger cette œuvre participative, apportant ainsi sa pierre à cet édifice. L’ambiance est réussie. Ne faisant pas les choses à moitié, Tableau est allé jusqu’à concevoir un parfum d’intérieur aux senteurs enveloppantes et rassurantes de rhubarbe.

Les sculptures mouvantes S TATI CA de Frederik Molenschot.
Les sculptures mouvantes S TATI CA de Frederik Molenschot.

Dans l’atrium, Frederik Molenschot a placé sous un puits de lumière ses sculptures mouvantes S TATI CA inspirées du film Playtime de Jacques Tati (1967), deux maquettes de villes tentaculaires, futuristes et fictives. Le fondateur du Studio Molen, sous combinaison et cagoule, s’affaire, installant ses personnages humanoïdes au sein de ces miniatures de sable et d’aluminium. Difficile de ne pas être subjugué par cet enchevêtrement : le designer donne le ton de cette 7e édition.

Un design des extrêmes

En parcourant les différentes sections (Main & Bespoke, New Garde, Architect ⇔ Designer, Dialogue, Curated et Outdoor, réunissant respectivement, des galeries de renom, des studios de design indépendants, de nouveaux acteurs, des projets de mobilier imaginés par des architectes et des concepteurs d’intérieurs, des galeries mettant en miroir des créations des années 80-90 et des pièces contemporaines, l’exposition “A Public Display of Affection” curatée par Rawad Baaklini et l’espace dédié aux meubles d’extérieur, une première), force est de constater que la création semble prendre deux chemins opposés : d’un côté, le mobilier très strict, brut et rectiligne, de l’autre, des objets à l’esthétique déjantée. Résultat, des pièces à forte personnalité.

Le cendrier d’Amelia Stevens, représentée par Max Radford Gallery.
Le cendrier d’Amelia Stevens, représentée par Max Radford Gallery.

Ainsi, les tables d’appoint graphiques en verre et bois de Frédéric Saulou rencontrent la chaise longue ultra confortable façon claquette de piscine à tiges lumineuses de Marina Garlo. Les cendriers d’Amelia Stevens chez Max Radford Gallery s’opposent au buffet blanc recouvert de rivets bleu électrique en forme de marguerites réalisé par Arthur Vandergucht pour la galerie Uppercut – à des années lumières des assises en alu boulonnées, très indus’, qu’il a l’habitude de produire.

La table régressive de Taras Yoom.
La table régressive de Taras Yoom.

Les objets en acier constitués de cercles et de carrés de Frank Penders pour Form Editions affrontent la table régressive de Taras Yoom, tout droit sortie de l’univers enfantin et coloré de Toy Story (John Lasseter, 1995). Les meubles sur lesquels sont exposés les objets du stand de The Millen House, composés de plaques de métal rectangulaires qui s’emboîtent se heurtent, eux, au luminaire rose fluo et poilu en polystyrène expansé et paraffine fondues de Justina Stipinaité, représentée par la galerie Vartai.

Le mobilier plié, gonflé, écrasé, gondolé…

En marge d’une esthétique léchée, faite de courbes douces et de matières veloutées, ces meubles tordus ou aux formes incongrues s’impriment sur les rétines. Le Britannique Joe Ellwood de Six Dots Design imagine étagère et desserte en aluminium qui ondulent comme si elles étaient placées derrière un mur d’eau. Tim Teven Studio plie des tubes d’acier pour former bancs et tabourets ou les expose à une pression extrême afin d’en faire des vases déformés à l’allure énigmatique – et hypnotique.

Les Pressure Vases de Tim Teven Studio.
Les Pressure Vases de Tim Teven Studio.

Les patères en cuivre gonflées à bloc de Prisca Razafindrakoto – sortes de prises d’escalade, un sport que la designer affectionne tout particulièrement. “J’ai commencé à explorer le métal gonflé grâce au Mobilier National qui, dans le cadre des Aliénés, m’a proposé de revisiter 4 chaises d’écolier.” Depuis, le concept a bien évolué et le résultat est là – même si l’œil affuté reconnaît ici la technique utilisée dès 2007 par Oskar Zieta pour la création de ses tabourets Plopp.

Le lustre Pingente de la Brésilienne Carol Gay semble dégouliner.
Le lustre Pingente de la Brésilienne Carol Gay semble dégouliner.

Quant aux pendants en verre du lustre Pingente de la Brésilienne Carol Gay, qui représentent une image fantasmée de la faune et de la flore amazoniennes, ils semblent sur le point de dégouliner sur le parquet. Le tout rappelle la fragilité de cette forêt et la nécessité de la préserver. Encore une fois, difficile de ne pas être subjugué.

Esprit naïf

Autre tendance repérée sur la foire Collectible 2024, le design à l’air naïf, comme si de jeunes enfants avaient immortalisé des objets d’un coup de crayon. Dans cette veine, on retient les vases trompe-l’œil en céramique de François Bauer, qui ressemblent à s’y méprendre à du carton dessiné – rappellent au passage l’univers bariolé d’Alexandre Benjamin Navet. Plus loin, sur le stand de la galerie anversoise Uppercut (encore elle) le Fffffolding Mask de Yoon Shun, à la fois étagère et miroir flou, tire une délicieuse mine de bonhomme triste. Les vases en grès émaillé de la série Stone & Flower réalisés par Gabriel Retif (Mobilab Gallery), décorés au pinceau, ont des allures de compositions florales juvéniles à tomber.

Le stand de la galerie Uppercut sur la Collectible Fair 2024 à Bruxelles. Au mur, à droite, le Fffffolding Mask de Yoon Shun. Au centre, le buffet blanc recouvert de rivets bleu électrique en forme de marguerites réalisé d’Arthur Vandergucht.
Le stand de la galerie Uppercut sur la Collectible Fair 2024 à Bruxelles. Au mur, à droite, le Fffffolding Mask de Yoon Shun. Au centre, le buffet blanc recouvert de rivets bleu électrique en forme de marguerites réalisé d’Arthur Vandergucht.

Ann Rikkers, peu patiente, a développé quant à elle une technique pour façonner des pièces en céramique beaucoup plus vite : la Belge assemble les plaques d’argile comme s’il s’agissait de tôle, avant de les gribouiller, de les crayonner, de les peindre puis de les émailler avec un vernis transparent. Leurs différentes textures, la céramiste et graphiste représentée par la galerie La peau de l’ours les obtient en tamponnant la matière sur les éléments qui l’entourent, comme des grilles et des plaques d’égout.

Les céramiques très colorées d’Ann Rikkers, sur le stand de la galerie La peau de l’ours, pendant la Collectible Fair 2024, à Bruxelles.
Les céramiques très colorées d’Ann Rikkers, sur le stand de la galerie La peau de l’ours, pendant la Collectible Fair 2024, à Bruxelles.

Juste une pincée de sel

Les bouts de canapé pensés par Roxane Lahidji – représentée sur la foire par Augusta, toute jeune galerie nommée d’après l’arrière grand-mère des fondatrices, Ariane et Lara van Dievoet et lancée en septembre 2023 – interpellent.

La table en sel de mer et gomme naturelle de Roxane Lahidji, représentée sur la Collectible Fair 2024 par la jeune galerie Augusta.
La table en sel de mer et gomme naturelle de Roxane Lahidji, représentée sur la Collectible Fair 2024 par la jeune galerie Augusta.

Car non, il ne s’agit pas ici de marbre, d’onyx ou de granit comme on pourrait le croire, mais de sel de mer mélangé à de la gomme végétale. Ce projet, baptisé Marbled Salts, est le résultat de recherches sur la matière ayant débuté en Camargue, en 2017, alors que la jeune Française diplômée en Social Design à l’Académie Eindhoven, imagine un avenir où plus aucun matériau ne serait obtenu par excavation. Le résultat est bluffant, sensoriel, invitant au toucher.

La Collectible Fair 2024 : vers l’infini et au-delà

L’aventure se termine au 9, rue Saint-Georges, où Collectible vient d’inaugurer son premier espace permanent. Un mouchoir de poche comparé à l’immensité de l’espace Vanderborght qui vaut pourtant le détour. Pour l’événement, Laurine Abreu (rédactrice en chef du magazine MilK Decoration), y curatait « Tableware », une exposition dédiée aux arts de la table. Dans le lieu immaculé, les couverts et autres verreries sont présentés sur des miroirs cassés posés sur des tables nappées de blanc.

Le tout nouvel espace permanent de Collectible, situé 9 rue Saint-George, à Bruxelles.
Le tout nouvel espace permanent de Collectible, situé 9 rue Saint-George, à Bruxelles.

En attendant le retour de la foire en mars 2025, les impatients se rendront à New-York le 6 septembre prochain pour l’édition new-yorkaise de Collectible, une première. Hâte d’y être.

> Plus d’information sur la Collectible Fair ici


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