Le saviez-vous ? En 1574, Henri III, après un voyage à Venise, introduit la fourchette à la table française, qui ne fait l’unanimité qu’à partir du XVIIIe, avec l’apparition des salles à manger bourgeoises et des dîners finement décorées. D’ailleurs, cet amour de recevoir avec style est un aspect non négligeable du repas gastronomique des Français, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2010. Si, à notre époque où tout s’accélère, où cette habitude, aujourd’hui réservée aux dinettes de fêtes, se perd, il semblerait que la pandémie, les confinements et la fermeture temporaire des restaurants aient redonné l’envie de prendre le temps, chez soi, de s’appliquer à agencer les scènes de nos dîners. Le compte Instagram WawwLaTable, fondé par Arabelle Reille et Péri Cochin, cartonne grâce à ses concours de belles tablées et ses kits “prêts à dresser”, quand les images de repas bien ornementés fleurissent sur Pinterest et le sus-cité réseau social. Une tendance accompagnée par l’arrivée de créateurs, dont Natalia Criado, Sebãstao Lobo, Rosh Mahtani (fondatrice d’Alighieri), bien décidés à rendre aux arts de la table leur importance et leur beauté, imaginant les merveilles qui les parent : couverts ornés de pierres, ouvre bouteille reprenant la forme de créatures marines, couteaux gravés en argent… La table prend tout à coup des airs de boîte à bijoux.
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Ré-enchanter les objets du quotidien
« Mon arrivée dans l’univers des arts de la table a commencé par une appréciation profonde de la beauté des objets du quotidien », confie la designer Natalia Criado qui, désireuse de valoriser ces ustensiles de tous les jours, s’est spécialisée dans les couverts et les accessoires dédiés au repas. Sa formation en design industriel et ses deux cultures, colombienne et italienne, ont fait naître en elle ce désir d’allier art et fonctionnalité. “L’univers des arts de la table, et notamment des couverts, m’a permis d’explorer cette intersection, de créer des pièces qui ne sont pas seulement utiles, mais aussi captivantes visuellement.”
Sa collection Joya en Casa – comprendre, “des pierres précieuses à la maison” – en est le parfait exemple. Ici les objets de la table, du verre à pied au couteau en passant par la fourchette et la cuillère, portent en eux une forte dimension sculpturale les rapprochant par leur matière, leurs formes et leurs motifs, de l’univers de la joaillerie. Même son de cloche pour Rosh Mahtani qui, après avoir lancé sa griffe de joaillerie, se lançait cet été dans la création de bijoux de table à travers sa ligne Alighieri Casa.
Sa première gamme, baptisée Modern Heirlooms, cherche à faire de ces accessoires anodins des objets précieux que l’on se transmet de génération en génération, comme lorsque l’on léguait verrerie en cristal et argenterie à ses enfants chéris.
Les arts de la table comme une toile blanche
“Se rassembler autour d’une table afin de partager un repas est l’une des expériences les plus belles qui soit. Prendre le temps de dresser la table, de poser les fondations de cette expérience cathartique est une véritable preuve d’amour pour les personnes que l’on invite”, assure Rosh Mahtani, qui compare ses œuvres à des talismans. La collection tend à conférer à ces objets ordinaires une signification spirituelle. Chaque pièce est une invitation à créer ses propres rituels, de l’action de rompre le pain à l’étincelle qui vient illuminer une bougie alors que la nuit tombe.”
Une idée partagée par Natalia Criado : “Chaque pièce de la collection Joya en Casa a été imaginée pour être aussi utile que décorative, transformant la table en une scène célébrant le cérémonial du quotidien. À mes yeux, la table est une toile blanche, une scène vide, à laquelle il faut ajouter les éléments qui vont lui donner vie, la rendre belle. Comme une parure apporte caractère et élégance au corps humain, mes bijoux de table ont pour but d’apporter une notion de beauté et de raffinement à l’expérience qu’est le repas. ”
Une toile qui devient théâtre grâce à l’arrivée en force des performances culinaires et du food design, portés par des chefs tels que We Are Ona et autres créatrices dont Laila Gohar et Alice Roca. L’acte de manger n’est plus associé à une simple nécessité vitale, mais se présente comme un véritable spectacle.
L’artisanat : un retour aux sources
Comme les précieux bijoux qui parent le corps, ceux destinés à la table se distinguent par l’utilisation de matériaux raffinés – cuivre, argent, pierres semi-précieuses… – et par un travail artisanal, de la main, élevant ces accessoires de la vie courante au rang d’œuvre d’art. “L’authenticité et l’artisanat sont prisés aujourd’hui : on cherche à acquérir des objets qui portent en eux une histoire, une touche personnelle. Mes couverts embellis faits de métaux précieux répondent à ce désir, et offrent une connexion tangible à cet artisanat, à cette tradition”, ajoute la créatrice italo-colombienne Natalia Criado, qui a imaginé fourchettes et couteaux en laiton plaqué or aux manches “main” et autres cuillères à boules de jade, de quartz, de lapis lazuli ou encore de pierre de lave.
Rosh Mahtani, fondatrice d’Alighieri Casa, partage cette vision et applique à la création de ses ouvre-bouteilles et autres couverts la même méthode que celle employée pour réaliser ses lignes de joaillerie, utilisant la cire ou encore le métal coulé, sans distinction entre l’art de parer un corps et celui d’embellir un repas.
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